25 décembre 2021

Où sont les trois disparues de Springfield ?

Les Trois disparues de Springfield. Une enquête en ligne inédite. Seconde partie.

La lumière est allumée dehors. Les voitures sont devant la maison, dont la porte n'est pas fermée. A l'intérieur tout parait normal. Les sacs à main sont là, ainsi que les vêtements. Plusieurs centaines de dollars aussi. Dans la maison, les deux familles et les amis attendent le retour des trois disparues en prenant le café et en nettoyant les tasses, en rangeant, en réparant un store de fenêtre, en vidant les cendriers. Tous attendent le retour des trois absentes et ne veulent pas que la maîtresse de maison puisse être fâchée. Dans un premier temps, seul le chien est perturbé. Laissé plusieurs heures tout seul, il a vu débarquer une douzaine de personnes. Et surtout, il est le seul à savoir.

Le dimanche 7 juin 1992 au matin, un groupe de jeunes habitant à et autour de Springfield dans le Missouri devait partir vers le parc aquatique de Branson, à une heure de route au sud. La traditionnelle soirée de festivités après l'obtention des diplômes de fin d'études s'est prolongée trop tard dans la nuit. Les plans ont été changés. Suzanne Streeter (19 ans) et Stacy McCall (18 ans), deux amies qui s'étaient retrouvées après quelles années, sont finalement rentrées dormir chez la mère de l'une des deux avant de repartir dans la matinée pour le parc aquatique. Au lieu de passer la nuit chez une troisième amie, Janelle Kirby, elles sont revenues chez la mère de Suzy, Sherryl Levitt, dans la maison achetée récemment par cette coiffeuse réputée de Springfield, âgée de 47 ans. Tard dans la nuit elles ont stationné leurs voitures devant la maison, et personne n'a plus jamais entendu parler d'elles, ni de la propriétaire.

Sherrill Levitt, née le 1er novembre 1944, était âgée de 47 ans au moment de sa disparition. Elle mesurait 1,52 m, pesait 50 kg, avait des cheveux blonds clairs et courts et des yeux bruns. Elle était cosmétologue/coiffeuse dans un salon local et mère célibataire. Elle était décrite comme étant très proche de sa fille, Suzanne. Suzanne Elizabeth "Suzie" Streeter est née le 9 mars 1973 (elle a 19 ans en 1992), mesurait 1,65 m, pesait 46 kg, avait les cheveux blonds aux épaules et les yeux bruns. Son amie Stacy McCall est née le 23 avril 1974 (elle a 18 ans en 1992), mesurait 1,60 m et pesait 54 kg, avait de longs cheveux blonds foncés et des yeux clairs.

Une soirée de fin d'études mouvementée

Suzanne Streeter et Stacy Mc Call avaient prévu de fêter la remise des diplômes au sud de Springfield, dans la zone moins urbanisée de Battlefield, chez leur amie Janelle avant de partir un peu plus tard en groupe vers un hôtel de Branson. Cela paraît incompatible avec une soirée pyjama mais c'est l'histoire qui nous est racontée. Lorsque Suzanne et Stacy arrivent chez Janelle, la fête ne semble pas avoir débuté. Et pour cause, les parents de Janelle recoivent des membres de leur famille. Janelle emmène Suzanne et Stacy à pied pour une marche d'environ 700 m dans la campagne. Elles vont chez un voisin, qui a été diplômé l'année précédente et où est bien organisée une fête de fin d'études, ses parents étant absents. Suzanne et Stacy laissent leurs voitures, avec probablement leurs affaires de voyage à l'intérieur, chez Janelle. Cette dernière se trouvait-elle à la soirée de Brian, le voisin, puisqu'elle était censée organiser une fête chez elle ? En cours de soirée, Stacy appelle sa mère Janis McCall et lui dit qu'elle a prévu finalement de passer la nuit chez Janelle Kirby, à Battlefield, ce qui rassure sa mère, inquiète que sa fille parte sur la route tard dans la nuit.

Au fil des heures, ni Suzanne Streeter, ni Stacy McCall, ni personne ne va à Branson. Au lieu de cela, à une certaine heure les filles quittent la soirée du garçon. Elles partent, probablement avec d'autres jeunes, et peut être séparément, pour revenir vers le centre de Springfield. En début de soirée la maman de Michelle E. une proche amie de Stacy, a autorisé sa fille à recevoir ses camarades et l'information est parvenue jusqu'à Battlefield. Sur le trajet, avant d'arriver chez Michelle, l'une ou l'autre, ou les deux, pourraient s'être arrêtées pour effectuer quelques achats un mile plus au sud, dans un magasin ouvert 24h/24. Suzanne et Stacy restent ensuite un moment à la fête de Michelle, puis celle-ci est interrompue par la police suite à un appel des voisins. Les policiers demandent alors que les rues soient nettoyées des canettes de bière. L'ambiance étant cassée, Shane A., un autre camarade, ramène Suzanne et Stacy à Battlefied avec sa voiture, une Jeep. Étrangement, à la même heure, Sherryl Levitt, la maman de Suzie, serait passée au magasin ouvert 24h/24 en disant qu'elle cherchait sa fille.

Quelques minutes plus tard, Shane A. dépose les filles, non pas directement chez Janelle Kirby mais chez le garçon du voisinage. Il est question à un moment que les filles dorment chez le garçon. Dans l’entrefaite, deux à trois voitures pleines de jeunes, y compris Janelle, débarquent chez lui. Il s'inquiètera finalement de cette situation au cas où sa mère rentrerait et annulera ensuite sa proposition d'hébergement auprès des deux filles. Suzie s'étant plaint de maux d'estomac en cours de soirée, elle souhaite rentrer. Au cœur de la nuit Shane reconduit donc Suzanne, Stacy et Janelle chez les Kirby dans sa voiture. Autour de la maison tout semble calme et l'arrivée de Janelle, et le fait qu'elle entre dans la maison a pour effet de réveiller sa maman. Etant réveillée, Mme Kirby entend une conversation devant sa maison. Pour héberger Suzie et Stacy elle avait placé une palette sur le sol de son salon. Les membres de la famille venus de l'extérieur de la ville dormant dans la chambre de Janelle, sa fille prendrait le canapé.

Suzie disposant dans sa chambre d'un nouveau lit à eau King Size, la distance pour rentrer chez elle n'étant que d'environ 12 miles, compte tenu de son indigestion et de la présence d'invités elle préfère sans doute revenir au 1717 rue Delmar Est. Elle propose à Stacy de venir avec elle et, quitte à dormir dans le même lit, cette dernière doit penser qu'elle sera mieux là-bas que dans le salon des Kirby. En tout état de cause elle dit d'accord. Selon les déclarations ultérieures, Suzie et Stacy conviennent avec Janelle d'appeler dans la matinée pour se réunir à nouveau. Puis elles rejoignent leurs voitures garées près de la maison. Shane A., qui était resté à proximité les regarde s'éloigner. Il est la dernière personne a les avoir vues. L'histoire est muette à propos du petit ami de Janelle, censé partir avec Janelle et la meilleure amie de Suzie, Nigel, à Branson. Janelle ne semble pas avoir de voiture, Mike, son petit ami, la conduit.

Le lendemain de fêtes

Nigel appelle Suzie de bonne heure le dimanche matin pour savoir l'heure de départ pour le parc aquatique. Appelle-t-elle d'abord chez Janelle Kirby ? Est-ce ce qui décide Janelle à téléphoner à son tour ? Pour sa part, Janelle dit avoir appelé à plusieurs reprises le 1717 Delmar Est. De son côté Nigel ajoute qu'elle est tombée sur le répondeur, qu'elle a laissé un message, et qu'elle s'est recouchée après avoir raccroché en attendant que Suzie la rappelle.

Perplexes, Janelle et son petit ami Mike H. se rendent d'abord chez Shane, l'ami qui avait déposé dans la nuit les trois filles devant la maison. Mais Shane n'a vu personne et se trouvait d'ailleurs encore au lit. Janelle et Mike décident finalement de se rendre à l'adresse de Sherryll. Ils arrivent sur place quelques minutes plus tard. Dehors, la lumière est restée allumée. Le couple entre dans la maison et ne remarque rien d'anormal. Sauf que la porte n'est pas fermée et que personne ne répond. Dans la chambre de Suzie, la télévision et le magnétoscope sont découverts allumés*, le son coupé, sur un canal qui n'émettait pas de programme à cette heure. Les chaussures, le short de Stacy et sa trousse de maquillage ont été laissés près du lit, tandis que son soutien-gorge et son maillot de bain se trouvent plus loin. Stacy aurait donc quitté la résidence sans chaussures, vêtue seulement de son t-shirt et de sa culotte. Plusieurs centaines de dollars se trouvaient dans le sac de Sherryll. Il n'y a pas eu de vol. Les voisins n'ont pas entendu d'activité suspecte près de la maison de Sherrill cette nuit-là.

Pendant que Janelle et Mike sont présents, le téléphone sonne. Un appel étrange, sexuellement explicite, provenant d'une voix masculine, puis arrive un autre appel identique. Janelle ayant décroché le combiné, ces appels bizarres ne sont pas enregistrés.

N'ayant pas de nouvelles de sa fille Stacy en milieu de matinée, Janis McCall appelle chez Janelle Kirby. C'est la soeur de Janelle qui répond au téléphone. Elle lui explique que Janelle n'est pas là, qu'elle est partie avec Mike H., sans autre précision, puisque ensuite la mère de Stacy demande à parler à sa fille. La sœur lui répond qu'elle n'est pas restée chez eux. Incrédule, Janis précise à la sœur de Janelle que Stacy était forcément ici, expliquant que Stacy l'avait appelée vers 22h30 pour lui annoncer qu'elle restait chez les Kirby. Sachant bien que Stacy est allée chez Suzie, la sœur lui explique que leur maison était bondée de parents et que Stacy et Suzie avaient décidé d'aller chez Suzie pour pouvoir dormir dans son nouveau lit à eau King-Size. Janis McCall appelle ensuite chez Sherrill et personne ne décroche le téléphone, pas même Janelle, probablement repartie à ce moment-là. La maman de Stacy appellera de nouveau par deux fois.

Comme Janelle et Mike, Janis était inquiète mais pas alarmée. Pour autant, la mère de Janis McCall étant venue de l'Oklahoma, les McCall n'ont pas modifié leur dimanche après-midi et la famille est restée ensemble pour profiter de l'agréable journée ensoleillée en se rendant au lac Springfield pour assister à une course de bateaux miniatures. De son côté, Janelle et Mike, ne pouvant se rendre au White Water Parc de Branson se sont amusés à l'Hydra-Slide, le toboggan aquatique de Springfield. Tous viendront ou reviendront au 1717 Delmar Est en fin d'après-midi pour attendre le retour des trois disparues.

Aucun coupable jugé

Dans cette affaire exceptionnelle, la police n'a jamais été en manque de suspects, bien au contraire. Il a été recherché et trouvé des Personnes d'Intérêt (des suspects potentiels) pour chacune des trois disparues, selon celle qui aurait pu être visée. A Springfield, toutes sortes d'hypothèses circulent à propos de l'un ou de l'autre de ces suspects, qui ne sont pas moins de sept à l'époque. Cela va du tueur et violeur en série au voleur de dents sur les cadavres en passant par les trafiquants de drogues et d'amphétamines, auxquels on ajoute des individus divers et variés, voir même l'implication d'ouvriers de travaux publics en itinérance. Que des hommes. Aucune histoire de jalousie en apparence. Après presque trente ans, aucun de ces suspect n'a été jugé et en tout état de cause ils ne peuvent tous avoir été impliqués dans la disparition des trois femmes ! Et bien que Sherryll Levitt, Suzanne Streeter et Stacy McCall aient été déclarées légalement décédées en 1997, pour les divers enquêteurs, l'affaire des Trois de Springfield est toujours ouverte.

A suivre...

 * Il a été dit que Suzie ne pouvait pas dormir sans la télévision allumée. + mis à jour le 10.01.22

Sources :

https://truecrimedaily.com/2017/10/17/crime-watch-daily-investigates-the-mysterious-disappearance-of-the-springfield-three/ - https://thesuitcasedetective.com/2020/06/18/true-crime-the-springfield-three/ - https://eu.news-leader.com/story/news/local/ozarks/2002/06/07/three-missing-women-ten-years-later-part-3-of-5/77200924/ - + anciens articles du News Leader sur https://www.newspapers.com/ + Wikipédia

19 décembre 2021

Le mystère des Trois de Springfield

De g. à d. Stacy McCall, Sherryl Levitt, Suzanne Streeter

Presque dix-huit ans après l'affaire du Trio manquant de Fort Worth, 760 km au Nord-Est de cette ville du Texas, trois autres femmes ont à leur tour disparu. Elles se sont évaporées ensemble une nuit depuis une maison d'habitation de Springfield dans le Missouri. Cette nouvelle énigme, toute aussi mystérieuse que le Cold-Case du 23 décembre 1974, reste l'une des plus célèbres des Etats-Unis.

Les similitudes entre les deux affaires sont limitées mais elles existent. Une disparition de trois personnes, deux jeunes filles et une fillette dans un cas, deux jeunes filles et une femme dans l'autre. Le lieu est situé à proximité immédiate d'un croisement avec une importante voie de circulation Sud-Nord, un contexte d'appels téléphoniques à connotation sexuelle et aucun corps n'a été retrouvé ni dans l'une ni dans l'autre de ces deux affaires.

Le samedi 6 juin 1992 après-midi, deux amies de toujours, Suzanne "Suzie" Streeter et Stacy McCall, viennent d'obtenir leur diplôme du lycée Kickapoo de Springfield, dans le Missouri. Suzie Streeter a 19 ans, et Stacy McCall, 18 ans. 

La remise des diplômes prend fin vers 18h00. Plus tard, les filles ont prévu de marquer l'événement avec leurs camarades de classe en allant de fête en fête à travers la ville. La maman de Suzie, Sherrill Levitt, décide dès 18h15 de retourner à son domicile, une maison située rue Delmar Est dans laquelle elle et sa fille habitent depuis peu. Sherrill Levitt est en train de remettre la maison en état en dehors de ses heures de travail. Elle a 47 ans, est coiffeuse, une coiffeuse très appréciée et a économisé suffisamment pour acheter cette petite mais agréable maison et ce jour-là, après les cérémonies de remise des diplômes elle est tout simplement rentrée chez elle pour poser du papier peint.

Les cérémonies de remise des diplômes étant terminées, Suzie et Stacy rentrent aussi chacune chez elle avec sa voiture pour se changer et faire ses bagages. Entre 18h30 et 20h00 les familles ont chacune leur propre dîner. Après le repas Suzie repart avec sa voiture. La maman de Suzie sait que sa fille ne va pas rentrer de la nuit, ni le lendemain matin*. Ce qui est prévu, probablement sans une réelle mesure du temps, c'est qu'après les fêtes dans la ville de Springfield sa fille aille avec d'autres jeunes dans un lieu comportant de nombreuses attractions situé plus au sud dans l'Etat du Missouri, à Branson, qu'ils séjournent sur place dans un hôtel et se rendent le lendemain matin dans le parc aquatique de Branson, le White Water Park. Suzie et Stacy, mais aussi Janelle Kirby, Adina R. et une proche amie de Suzy, Nigel Holderby, formeront le groupe.

L'Avant

Suzie Streeter doit d'abord rejoindre avec sa voiture Stacy McCall chez leur amie commune Janelle Kirby, qui habite dans une zone rurale au sud-ouest de Springfield, à Battlefield. Elle arrive chez Janelle Kirby à 20h15. Elle est rejointe par Stacy à 20h30. Peu après, Suzie, Stacy et Janelle partent à pied pour se rendre à une fête chez un camarade, Brian, dont la maison se situe à quelques centaines de mètres. Il est question dans un premier temps que Suzie et Stacy restent chez Brian pour la nuit mais il finit par revenir sur son offre. Aussi à 22h30** Stacy appelle sa mère Janis McCall et lui dit qu'elle a prévu finalement de rester à Battlefied et de passer la nuit chez Janelle Kirby. De là les filles partiraient dans la matinée pour se rendre au White Water Park de Branson. Elle promet de lui téléphoner le lendemain matin avant leur départ.

Curieusement, un peu plus tard dans la nuit, dans une fourchette horaire située entre le samedi 6 juin à 23h30 et le dimanche 7 juin à 1h00 du matin, Suzanne Streeter et Stacy McCall quittent la soirée chez Brian et se rendent à une autre fête vers le centre de Springfield. L'adresse se trouve d'ailleurs non loin de leur école. Elles restent un moment sur place puis décident de revenir à Battlefied. Leur moyen de déplacement est inconnu. Probablement une personne logeant chez Brian ou Brian lui-même parce qu'il est établi qu'elles repartent de cette fête à 1h50 et sont de retour chez Brian autour de 2h00 du matin. Rapidement, vers 2h10-2h15, elles retournent à la maison des Kirby avec Janelle dans la voiture d'un ami.

Cependant, chez Janelle, il s'avère que l'habitation est pleine à craquer de la famille Kirby et de proches. En conséquence Stacy et Suzie changent de nouveau leur plan et décident vers 2h20 d'aller dormir au domicile de Suzie et de sa mère Sherryll Levitt°. Elles conviennent avec Janelle d'appeler dans la matinée pour se réunir à nouveau, puis partent chacune dans leur voiture, Suzanne Streeter la première pour montrer le chemin vers le cœur de Springfield.

Sherryll Levitt et sa fille devant leur nouvelle maison

L'Après  

On ignore le temps de trajet jusqu'à la maison de Sherryll Levitt, proche du centre de Springfield. Il est estimé entre 10 et 20 minutes. Suzanne et Stacy ont-elles conduit elles-mêmes leurs voitures tout le trajet ? Le retour des filles fait peu de doute. Les deux véhicules rouges ont été retrouvés devant l'habitation, arrêtés sur l'allée circulaire. Suzy Streeter se stationnait habituellement dans l'allée perpendiculaire, derrière sa maman qui garait sa voiture bleue à l'allure sportive sous un appentis construit à la droite de la maison. Sherryll et Suzanne avaient emménagé avec leur chien Yorkshire Cinnamon au 1717 de la rue Delmar Est en avril 1992, deux mois avant leurs disparitions et Stacy n'était semble-t'il encore jamais venue. L'automobile de Stacy étant bien derrière celle de Suzy et comme il leur fallait reprendre leurs voitures pour rejoindre Janelle à Battlefield le dimanche matin, il est à supposer que cet emplacement facilitait leur départ.

Outre la présence des deux voitures rouges devant la maison, les filles sont bien arrivées au 1717 cette nuit-là parce qu'il a été trouvé une évidence qu'elles se sont démaquillées. Leur heure d'arrivée se situe probablement autour de 2h45. Si Sherryll Levitt ne s'est pas réveillée lorsque Suzy est rentrée, elle avait sa clé, on peut imaginer que les filles vont se coucher vers 3h00. Néanmoins, comme la chambre de Sherryll se situe en façade de la maison et qu'elle a laissé la fenêtre ouverte en raison des odeurs de peinture et vernis, on peut imaginer qu'elle a entendu le bruit des moteurs et des portières de véhicules venus se garer sous sa fenêtre. D'autant qu'elle n'attendait pas sa fille. Une discussion a pu s'ensuivre, Stacy aura fait connaissance avec Cinnamon et les filles se seraient dans ce cas mises au lit bien plus tard. Par exemple vers 3h15.

Dimanche matin, un groupe de jeunes de Springfield et des alentours doit partir pour Branson. Parmi eux Suzanne Streeter et Stacy McCall. Elles ont dormi chez la mère de Suzy, Sherryll Levitt, dans la maison achetée récemment par la coiffeuse de 47 ans. Leurs voitures sont garées devant la façade, prêtes à partir chez leur amie habitant au sud de la ville. Les plans ont été changés. En cause, trop de festivités pour l'obtention des diplômes de fin d'études, et pas assez d'heures sur le cadran. Vers 7h30, l'amie de Stacy, Janelle Kirby, téléphone chez Sherryll. Une autre amie, de Suzy cette fois, Nigel Holderby, téléphone de son côté également. Elles appellent pour savoir si Stacy et Suzie sont prêtes à partir pour Branson. Elles appellent jusqu'à 9H00 et n'obtiennent pas de réponse.

L'affiche diffusée peu après la disparition

Après 9h00,°° Janelle Kirby et son petit ami Mike H. décident finalement de venir au domicile de Suzy pour vérifier si les filles sont bien là. Sur place le couple voit les voitures et cette vue les rassure un peu. En progressant vers la maison ils découvrent qu'il y a du verre sous l'éclairage extérieur et pas de globe autour de l'ampoule, qui est intacte. Ils entrent par la porte non verrouillée et découvrent le chien Cinnamon à l'intérieur. Il semble très perturbé. A part le chien, la maison est vide. Dans les chambres les lits sont défaits et semblent avoir été occupés. Dans la chambre de Sherryll, un livre ouvert retourné se trouve sur le lit et des lunettes de lecture sont posées sur une table de nuit. 

La chambre de Suzie, elle, se situe à droite à l'arrière de la maison, dans un abri pour voiture reconverti en pièce d'habitation. Deux marches sont à descendre pour pénétrer dans la chambre. Au pied des marches les jeunes peuvent voir les trois sacs à main des disparues, placés côte à côte, ainsi que le sac de voyage de Stacy et plusieurs effets personnels. Par exemple, les clés et les cigarettes de Sherryll et de Suzie ainsi que les clés et les médicaments contre la migraine de Stacy se trouvent dans ou près des sacs à main.

A 10h30 le dimanche 7 juin, la maman de Stacy s'inquiète de ne pas avoir reçu l'appel de sa fille et téléphone à la résidence des Kirby. Elle apprend que les filles ont passé la nuit chez Sherryll Levitt. Vers la fin de l'après-midi, n'ayant toujours pas de nouvelles de sa fille, Janis McCall arrive au 1717 rue Delmar Est. Les femmes sont toujours absentes. Plusieurs personnes des deux familles sont venues sur place au cours des heures précédentes et les faits ne seront signalés à la police que beaucoup plus tard.

A suivre...


*Ceci n'est pas prouvé. **ou 22h00. °Mme Kirby, la maman de Janelle, a regardé son réveil à 2h20 et a entendu sa fille, Suzy et Stacy parler devant chez elle. °°Ou bien 12h30. Modifié le 21/01/22.

Les images ont été choisies parmi toutes celles qui circulent sur la toile depuis des années. Les sources, exclusivement USA, plus une au Royaume-Uni, sont trop nombreuses et variées pour être citées ici.

30 août 2021

Manifestants et journalisme : Le problème de la fiabilité de la source


Au début de la seconde moitié du XXe Siècle, dans les années 1950, 60, 70, lorsqu'une personne en rencontrait une autre sur la place du village ou sur son chemin vers l'épicerie, il arrivait que la connexion entre les deux personnes aille au delà du simple échange de politesses et qu'une conversation ait lieu. De cet échange pouvait émerger de l'information et chaque interlocuteur ou interlocutrice savait faire la différence entre un sujet grave et un sujet plus léger, pour lequel il pouvait s'agir d'un commérage. Libre à chacun de répéter ou non cette information ou ce bruit, il s'agissait du réseau social de l'époque.

Bien entendu, il était comme convenu que si l'information avait un sérieux particulier, drame, accident, voire naissance ou exposition de peinture, elle était une vérité. On ne se posait pas la question de la fiabilité de la source.

Au delà de la radio, la télévision est ensuite devenue le quotidien des gens, et avec elle son journal d'informations télévisées. Sur la place du village ou sur le chemin de l'épicerie, se répétait en plus des sujets locaux, parfois trouvés dans le quotidien régional, les informations entendues à la télévision. J'écris "entendues" parce que souvent, et surtout si l'actualité se passait à l'étranger, on ne voyait rien de particulier sur l'écran en dehors du ou de la journaliste présent(e) sur place.

Ici encore, on ne se posait pas le problème de la fiabilité de la source et l'on pensait que tout ce qui était dit était vrai, nonobstant que l'on ne voyait rien. Et plus le pays était lointain moins on voyait d'images (à dire vrai, plus l'explication était courte). D'ailleurs, dans les années qui s’éloignent, de la Guerre à Bagdad il n'était montré que les tirs de nuit à l'arrière plan du cadre fixe. Ceci dit, à ce moment non plus la question de la fiabilité de la source ne se posait pas.

Sur un autre plan, les circonstances de la disparition sur le terrain de sport de l'école élémentaire de la ville de Victoria au Canada du petit Michael D. âgé de 4 ans est un véritable point d'interrogation. Courant mars 1991 les parents du petit garçon seraient arrivés en sa compagnie vers 12h30. Michael D se serait évaporé sur place, et il n'y aurait personne témoin de sa disparition.(*) Ici la fiabilité de la source c'est les parents.

Le nombre de manifestants

Lorsqu'il est question de démonstrations d'opposition au gouvernement dans un pays démocratique, l'information principale est le nombre de manifestants. De part l'histoire, les défilés dans les rues ne datant pas d'aujourd'hui, on savait que lorsque ceux-ci étaient organisés par des syndicats, le calcul du nombre de manifestants était un petit jeu entre les autorités d'une part et les organisateurs d'autre part, et qu'il suffisait bien souvent de faire la moyenne des deux informations pour s'approcher de la vérité. La fiabilité de la source était dès lors relative à un calcul, ou à une fourchette, notamment parce que la technologie ne permettait pas la diffusion d'images privées en temps réel.

D'un point de vue objectif on peut considérer qu'il s'agit de politique et que chacun était dans son rôle, ceci parce qu'on avait malgré tout confiance, d'une part dans le gouvernement et d'autre part en les syndicats.

Depuis 2017, un certain nombre de polémiques sont nées en France, un certain nombre d'affaires, auxquelles se sont ajoutés le Grand Débat National et la Convention Citoyenne pour le Climat qui ont surtout créés des déceptions. Petit à petit, et encore récemment, la confiance en la parole publique disparait. Elle s'estompe.

Dans ces conditions, alors que la France vit de nouvelles heures de son histoire entre Science expérimentale et Technologie de l'information, que devient le calcul du nombre de manifestants défilant dans les rues des villes sans mot d'ordre émanant de syndicats alors que la parole publique est remise en cause ? Est-il judicieux pour la presse de prendre comme vérité le nombre délivré par le gouvernement dès lors que les images diffusées, qui ne sont plus fixes avec le journaliste au premier plan, montrent ce que l'on peut à minima appeler un déphasage ? La fiabilité de la source ici, n'est-ce pas les vidéos réalisées sur place ?

Au delà du nombre précis de personnes, qui est la forme, le rôle de la presse est-il sur le fond de mépriser les manifestants, de dénigrer leur action ? Il s'agit en très grande majorité de familles, grands-parents, enfants, petit-enfants, dont beaucoup défilent pour la première fois. La politique éditoriale doit-elle avoir un jugement de valeur sur l'événement ? Si oui, la fiabilité de la source pour l'ensemble des autres informations ne serait-elle pas remise en cause ?

 

Image : Pixabay / (*) Plusieurs contacts tentés sur place sans résultat


 

02 mai 2021

Qu'est-il arrivé à Patti Adkins, disparue après son travail ?



Partie pour une semaine de vacances avec son amoureux secret, elle n'a jamais été revue après avoir quitté son travail en juillet 2001.

En 2001, Patricia (Patti) Adkins est une mère célibataire de 29 ans avec un enfant, une fillette de 7 ans. Ils vivent à Marysville dans l'Ohio. Superviseur à l'usine locale de la marque Honda, Patti Adkins y travaille depuis plus de 10 ans. Début juillet 2001, l'usine ferme pendant une semaine à l'occasion du Weekend pour la Fête Nationale du 4 juillet.

Souhaitant en profiter pour prendre quelques jours de vacances, Patti Adkins confie le jeudi 28 juin sa fille à son ex-mari, prend des dispositions pour ses animaux de compagnie et se rend le lendemain à son travail à l'usine avec un ami à qui elle a demandé de la conduire, au prétexte qu'elle partirait directement après le travail dans le véhicule (truck) de son nouveau petit ami, un collègue avec qui elle dit avoir une liaison par intermittence.

Patti Adkins est très loquace ce vendredi 29 juin, elle précise à son ami chauffeur du moment qu'après le travail en fin de soirée, elle prévoit, comme le lui a demandé son nouvel amoureux, de se cacher à l'arrière de son truck sous la bâche le temps qu'il dépose un autre collègue après la journée de travail. Personne à l'usine, dit-elle, ne doit savoir que cet homme et elle se voient car il est marié. L'autre collègue déposé, tous deux débuteraient enfin leurs vacances.

La jeune femme ajoute qu'elle emporte seulement un petit sac beige contenant de la lingerie fine bleue achetée spécialement pour l'occasion dans une enseigne réputée et rien d'autre pour le voyage. Elle précise aussi que son petit ami lui a demandé de ne "rien emporter" et qu'il "achèterait tout ce dont ils avaient besoin" à leur arrivée sur place. De plus, elle se trouverait dans une région éloignée du Canada sans réseau de téléphonie mobile.

Vacances sans retour

Patti Adkins devait revenir le dimanche 8 juillet 2001. Sa fille ayant été récupérée entre temps par sa soeur, elle devait venir la chercher chez celle-ci vers midi. Ne la voyant pas arriver, sa sœur pense d'abord qu'elle est peut-être simplement en retard, et continue d'essayer de la joindre au téléphone. Puis, quelques heures plus tard, elle décide d'appeler le fameux petit ami, celui avec qui Patti est partie en vacances. C'est une femme qui répond. La femme du collègue de Patti. Et elle répond que son mari n'est pas encore rentré. La soeur de la jeune femme pense alors qu'il s'agit juste d'une confirmation qu'ils sont juste en retard.

Ne voyant toujours pas revenir Patti Adkins, sa soeur rappelle au domicile de l'homme vers 17 heures, et cette fois, c'est lui qui répond. Il reste d'abord très silencieux et répond finalement qu'il ne sait rien de Patti Adkins, et qu'ils ont juste travaillé ensemble.

Plus tard, la police n'observe rien de particulier au domicile de Patti Adkins mais découvrira que celle-ci avait prêté de l'argent à cet homme, entrepreneur, pour près de 100.000 dollars. L'argent a été prêté sur plusieurs années et provient des économies de la jeune femme sur les dix ans de travail chez Honda, de ses comptes de retraite et d'une seconde hypothèque sur sa maison. 

Selon des confidences à ses proches, la jeune femme pensait que l'argent allait être utilisé par son nouveau petit ami pour racheter les parts de sa femme dans l'entreprise secondaire dont ils étaient copropriétaires. En en parlant à ses soeurs quelque temps avant sa disparition et devant leur étonnement, Patti Adkins les avait rassurée, leur disant qu'il avait prévu de quitter sa femme pour vivre avec elle et qu'il allait la rembourser. Elle lui avait d'ailleurs demandé récemment de commencer à rembourser l'argent.

Le nouveau petit ami a déclaré aux policiers qu'il n'y avait jamais eu de projet de voyage avec Patti Adkins et il a également nié qu'ils aient eu une liaison. Il a dit qu'il la connaissait à peine. 

Selon ses collègues, Patti Adkins était pressée de quitter le travail le soir du vendredi. Elle a pointé vers minuit. Pour sa part, l'autre collègue de travail, celui que le petit ami était censé raccompagner chez lui le 29 juin, a déclaré que les deux hommes étaient allés au drive-in d'un restaurant de hamburgers pendant 45 minutes, puis qu'ils étaient rentrés chez eux. La femme du petit ami a déclaré de son côté que celui-ci était rentré vers 2 h 30 du matin. Selon elle, son mari était resté à la maison toute la semaine, sauf pour une partie de pêche avec des amis.

Aucun ADN de Patti Adkins n'a été trouvé à l'arrière du véhicule de l'homme, où elle est censée s'être cachée, sous la bâche. Seuls quelques poils appartenant à un chat de la jeune femme ont été récupérés et aucune somme provenant de ses comptes n'a été trouvée sur les comptes de l'homme, dont le nom n'a jusqu'ici jamais été révélé au public.

Sources
https://thoughtcatalog.com/christine-stockton/2021/02/she-disappeared-on-a-camping-trip-with-her-boyfriend-who-owed-her-100000-why-hasnt-he-been-arrested/
https://kileystruecrime.squarespace.com/kileystruecrimeaddict-blog/the-disappearance-of-patti-adkins
https://www.missingpersonsofamerica.com/2021/04/27/patti-adkins-missing-from-ohio-after-leaving-work-in-2001/

13 décembre 2020

Agatha Christie à Newlands Corner : Les derniers éléments du puzzle

 

Un mystérieux bungalow, une autre femme écrivain tout aussi imaginative qu'Agatha Christie, une chronologie séduisante des événements, voici la 6e et dernière partie de la série sur la mystérieuse disparition durant 11 jours de la reine du roman policier. Les derniers éléments du puzzle.

Le mystérieux bungalow

Selon Laura Thompson* et Tina Jordan**, le 14 décembre 1926, le New York Times rapporte "que la police a trouvé des indices importants" dans un bungalow situé à proximité de Newlands Corner. Il s'agit d'objets découverts sur place "une bouteille étiquetée plomb empoisonné et opium, des fragments d'une carte postale déchirée, un manteau de fourrure de femme, une boîte de poudre pour le visage, une miche de pain, une boîte à cartes et deux livres pour enfants".
Dans cette coupure datant de mi-décembre 1926 il est ajouté une information utile à présent et résumant à l'époque la découverte : "la maison est utilisée en été pour l'écriture de romans par la fille de St. Loe Strachey."

Le nom indiqué est celui de John St Loe Strachey, un journaliste et propriétaire de journaux britannique ayant travaillé pour le magazine The Spectator, dont la fille Amabel Williams-Ellis, auteur prolifique, notamment de livres pour enfants, est née à Newlands Corner le 10 mai 1894.° Amabel Williams-Ellis, qui est quatre ans plus jeune qu'Agatha Christie, a 32 ans et demi à cette époque. Elle est mariée depuis 1915 à Clough Williams-Ellis, architecte connu dans le monde entier comme créateur de Portmeirion un hôtel au nord du Pays de Galles immortalisé dans la série TV avec Patrick McGoohan, Le Prisonnier.

A propos du bungalow, Laura Thompson précise que la police avait répandu de la poudre sur le sol pour savoir si quelqu'un y était entré. Que l'on avait bien trouvé une empreinte de pas, mais qu'il s'agissait du montage orchestré par un journaliste malhonnête avec le concours de la serveuse du bar de l'hôtel et que l'"opium" était en fait un traitement médical. Pour Laura Thompson "les quelques biens qui avaient été laissés" dans la maison isolée "étaient les possessions de ses propriétaires".

John St Loe Strachey a construit en 1892 à Newlands Corner une propriété, une maison de campagne victorienne. Son dernier enfant y est né en 1901. Si cette maison était devenue le Newlands Corner Hotel en 1926 (appelée aujourd'hui The Manor House Hotel), il se peut, soit que la famille ait conservé par la suite une dépendance, soit, ce qui est plus probable, que ce bungalow ait été, à Newlands Corner, vraiment abandonné depuis un certain temps. Si la pseudo "scène de crime" a été polluée on peut malgré tout se questionner, et sans préjuger du fait qu'Agatha Christie aurait pu s'y abriter ou non dans la nuit du 3 au 4 décembre, on peut considérer cette alternative au fait de rester dans la seconde voiture.

N'y aurait-il pas un petit côté magique dans cet endroit ? Le site Surrey News°° nous dit que, selon Derek Nightingale, l'auteur de Newlands Corner et ses environs, "tout Merrow Downs, terrain communal qui relie l'espace ouvert de Pewley Down jusqu'à Newlands Corner, était auparavant appelé "Fairyland", un nom qui a depuis été oublié par la plupart." Le nom de l'endroit, qui se situe un peu plus loin sur le versan sud ouest du célèbre point de vue touristique, se traduit litéralement par Terre des fées.

La chronologie de la disparition d'Agatha Christie en 1926

Mercredi 1er décembre
- Soir Dîner à Londres, nuit à son Club, le Forum Club
Jeudi 2 décembre
- Matinée probable à Londres (où ?)
- Dans l'après-midi visite aux agents littéraires Hugues Massie Ltd
- Soir  Leçon de danse hebdomadaire à Ascot avec Charlotte Fisher, sa secrétaire
Vendredi 3 décembre
- Le matin, querelle entre Agatha et Archie, ce dernier part
- Charlotte Fisher a pris sa journée, elle va à Londres chez sa soeur, elle rencontre un(e) ami(e) pour le dîner puis va danser
- Dans la matinée, départ de Styles en Morris Cowley pour une destination inconnue (Londres chez Nan ? Mécanicien ?)
- Midi, retour à Styles. Repas seule
- 17h-18h  Visite chez sa belle-mère à Dorking (et non chez des amis) avec sa fille
- Vers 18h30 Passage devant les carrières de nuit
- Vers 19h-19h30 Retour à Styles. Repas seule. Ecriture des lettres
- 21h45 ou 22h  Départ de Styles pour un lieu de rendez-vous, sa fille dort
- 23h40-Minuit  Arrivée des deux voitures à Newlands Corner. La seconde voiture est placée dans Trodds Lane
- Les deux personnes repartent vers Londres avec la Morris Cowley
Samedi 4 décembre
- Arrivée à Londres vers 1h30 du matin, temps de repos
- Vers 3h30-4h  Départ de Londres pour Newlands Corner et Albury dans Water Lane
- Vers 5h-5h30 du matin Agatha Christie jette sa voiture contre un talus herbeux.
- 6h20  Non loin de Newlands Corner, après plusieurs essais, McAllister démarre la voiture au moteur froid d'une femme sans manteau ni chapeau. 
- Vers 7h, La femme s'éloigne doucement.
- Peu avant le lever du jour, observation d'une voiture phares allumés par Harry Green
- 8h  Observations de la voiture par Best et Dore, ce dernier trouve le manteau, les affaires et prévient la Police
- 9h45  Oblitération d'une lettre à Londres SW1

* Agatha Christie de Laura Thompson, Google books.
** https://www.nytimes.com/2019/06/11/books/agatha-christie-vanished-11-days-1926.html  
°° https://www.getsurrey.co.uk/news/surrey-news/newlands-corner-archive-pictures-show-10791351
° Wikipedia 
NB. A noter que John St Loe Stachey habitait à Chelsea où il est décédé quelques mois plus tard, le 26 août 1927.°
Photo : pixabay.com

11 décembre 2020

Le voile levé sur la disparition d'Agatha Christie en 1926

 


La disparition d'Agatha Christie durant 11 jours et sa voiture retrouvée accidentée et abandonnée est un fait-divers qui a fait couler beaucoup d'encre. Les articles en ligne qui y sont consacrés s'ajoutent chaque année. Depuis Le secret de Newlands Corner, le voile s'est levé sur cette incroyable affaire.

(5e partie)

Le samedi 4 décembre 1926 vers 5h-5h30 du matin, Agatha Christie emprunte un chemin de terre longeant une carrière près d'Albury. Elle jette sa voiture contre un talus herbeux. Elle reste quelques instants dans sa voiture, une Morris Cowley, retire son manteau de fourrure et monte à pieds la colline jusqu'à Newlands Corner. Puis, elle bifurque à gauche dans Trodds Lane pour rejoindre la seconde voiture garée à 300 mètres après le carrefour.

A noter que lors de l'enquête policière, le Superintendent du Berkshire (Comté où habitait la disparue) a pris en compte la manière dont la romancière était habillée. Il lui est apparu comme une évidence qu' "elle pourrait avoir passé la nuit confortablement dans sa voiture en portant un manteau de fourrure, et puis quand elle a décidé de quitter la voiture, elle a jeté le manteau, qui était trop lourd pour marcher avec. Sous le manteau de fourrure, elle portait des vêtements chauds comme ceux que portent les femmes lors de leurs promenades à la campagne."*

Plus tard, après que le cycliste Edward McAllister ait, après plusieurs essais, démarré la seconde voiture restée de longues heures stationnée sur le côté dans Trodds Lane, Agatha Christie partit doucement aux environs de 7 heures vers le Nord-Est de Guilford, puis dans la direction de Leatherhead et du Sud-Ouest de Londres. En 2000, le Guardian* a publié "une interview de la fille de Nan Watts, amie proche et parente par alliance de Christie." Dans cette interview, la fille de Nan suggère qu'Agatha a été aidée dans sa disparition par sa mère.

Selon la fille de Nan il aurait été convenu que la romancière pourrait passer la nuit du vendredi 3 au samedi 4 décembre avec Nan, qui avait déménagé à Londres à Chelsea Park Gardens. Et cette nuit-là son second mari George Kon était justement absent. Cette suggestion est faite en lien avec l'idée que la romancière a passé la nuit à Chelsea après être revenue de Newlands Corner en train.

De retour à Londres

Avec l'hypothèse de la seconde voiture, Agatha Christie arrive à Londres vers 9h, stationne la voiture empruntée, et poste la lettre pour son beau-frère Campbell Christie. Le mardi 7 décembre, le beau-frère de la romancière a reçu une lettre d'Agatha et, selon le cachet de la poste, cette lettre a été oblitérée le 4 décembre à 9h45 dans le district postal Londres SW1. Il s'agit donc d'un quartier par lequel Agatha serait passée, avant l'oblitération. Sauf à ce qu'une autre personne ait postée la lettre il y a peu de doute sur ce point. La résidence de Nan Kon se situe d'ailleurs dans la zone postale immédiatement adjacente au SW1, Londres SW3.

Une fois à Londres, Agatha Christie est allée acheter des vêtements dont un nouveau manteau. Tout le monde s'accorde sur le fait qu'elle a ensuite pris le train. Elle prend un train à la gare de King's Cross pour se rendre précisément dans la région où quelques jours plus tôt elle avait décidé de passer le Weekend (Beverley dans le Yorkshire de l'Est) et choisit Harrogate, la ville d'eau dans le Yorkshire du Nord dans laquelle on l'a retrouvée 11 jours après son départ de Styles. Au Swan Hydropathic Hotel, on l'accueille sur sa mine et ses déclarations par lesquelles elle se nomme Teresa Neele et qu'elle vient du Cap, en Afrique du Sud.
 
A Harrogate Agatha Christie a emprunté le nom de Neele, celui de la partenaire de golf de son mari, Nancy Neele, dont Archibald Christie était tombé amoureux quelques temps auparavant. Son mari voulant divorcer et partir avec sa maîtresse, le couple s'était querellé le vendredi 3 au matin. Le 14 décembre 1926, soit onze jours après qu'elle ait quitté Styles, un joueur de banjo de l'hôtel d'Harrogate, Bob Tappin, a reconnu la romancière et a alerté la police. Le colonel Christie est ensuite venu chercher sa femme à l'hôtel. Fin de l'escapade.
 
Documents et indices

De façon étonnante, la romancière avait fait paraître une curieuse petite annonce dans le Times, demandant que des amis et des parents prennent contact avec cette Teresa Neele. 
 
 
Extrait d'un document relatif à une émission de timbres poste au Royaume-Uni. Copie ou fac-similé ? °
 
De l'autre côté de l'Atlantique, et plus loin, Teresa Neele, certainement par une erreur de transcription, deviendra Mrs Trazenell.
 
Daily Pentagraph - Bloomington - Illinois - Mercredi 15 décembre 1926


The Sun - Sydney - 15 décembre 1926

Divers éléments sont disséminés. Dans la vie d'Agatha Christie, comme la présence à ses côtés de sa secrétaire et confidente Charlotte Fisher (dite Carlo), à qui elle dédicacera d'ailleurs Le Mystère du Train Bleu, roman sur lequel elle travaillait avec difficulté au moment de son aventure. Ensuite dans ses ouvrages. A été citée L'Affaire de la femme disparue, nouvelle publiée en octobre 1924 dans laquelle se trouvent deux villages du même nom, et puis La Métamorphose d'Edward Robinson, une autre nouvelle publiée par Agatha Christie deux ans plus tôt en décembre, dans laquelle il est question deux deux voitures identiques. Peut-on ajouter Le Vallon, roman dans lequel une artiste faisant de la sculpture et du modelage de la glaise, Henrietta Savernake, possède à la fois des qualités de conductrice et un enthousiasme pour les raccourcis.



D'autre part l'aide fournie par son amie de toujours Nan, semble indéniable. La découverte d'une pièce de théâtre, The Lie (Le Mensonge) créée par Agatha Christie, apparemment écrite au milieu des années 20 et jamais jouée, a montré Nan comme le prénom du personnage principal. La pièce, qui historiquement précède ses célèbres thrillers de scène, est restée dans les archives de l'auteur pendant plusieurs décennies jusqu'à ce qu'elle soit finalement retrouvée. Le thème est celui d'une femme piégée dans un mariage malheureux et provoquée par l'obsession de son mari pour sa jeune soeur. 
L'épouse, Nan Gregg, disparaît pour une nuit de la maison familiale "ce qui a des conséquences dévastatrices." La pièce se déroule sur "Une série de révélations dramatiques (qui) conduira soit au divorce, soit à la réconciliation, mais l'issue dépendra de la volonté de la soeur de Nan de mentir pour la protéger."°°

Aucune réconciliation n'a été possible entre Agatha et Archibald Christie dans les mois qui ont suivi cette aventure et ils ont finalement divorcé.
 
 
* Andrew Norman. Agatha Christie: The Disappearing Novelist https://books.google.fr
** http://news.bbc.co.uk/local/surrey/hi/people_and_places/history/newsid_9005000/9005502.stm
°° https://www.iacf-uk.org/activities/lie-agatha-christie/
Photo : pixabay.com

12 novembre 2020

La disparition d'Ambrose Small à Toronto, une enquête pour William Murdoch ?


Ambrose Joseph Small, un magnat du théâtre canadien, a disparu le 2 décembre 1919 à l'âge de 53 ans. Il était le propriétaire de plusieurs théâtres basés dans l'Ontario, notamment du Grand Opera House de Toronto, du Grand Opera House de Kingston et du Grand Theatre de London. L'affaire a fait grand bruit, durant de nombreuses années, Ambrose Small ayant disparu après qu'il ait vendu ses théâtres et déposé un million de dollars canadiens à la banque.

Si l'on en croit un article publié par le magazine Maclean's le 15 janvier 1951, la recherche durant 30 ans du corps d'Ambrose Small est devenue une plaisanterie domestique au Canada. Huit gros volumes de coupures de presse se trouvent dans les archives d'un journal de Toronto et, devant la récurrence des articles sur le sujet au fil des années, lorsque quelqu'un creusait un trou très profond dans son jardin ou dans l'espace public les canadiens finissaient par demander "Vous cherchez Ambrose Small ?".

Cette disparition est si mystérieuse qu'elle pourrait figurer dans un épisode de la série télévisée canadienne Les Enquêtes de Murdoch (The Murdoch Mysteries), pour peu que les saisons continuent après la 13ème, dont le dernier épisode Le règlement à la lettre (The Future is Unwritten) se déroule à Toronto en 1907.

Le disparu est connu pour être marié depuis une quinzaine d'années, sans enfant, joueur et coureur de jupons. Il est plutôt rude avec ses employés. A la fin de l'année 1919, il décide de vendre ses théâtres.

Les faits

La veille de sa disparition, le 1er décembre 1919, l'homme d'affaires Ambrose Small avait vendu tous ses avoirs relatifs au Théâtre à Trans-Canada Theatres Ltd. pour un montant de 1,7 million de dollars canadiens. "La transaction a été conclue dans les cabinets d'avocats Osler et Harcourt en présence de l'ami et avocat de Small, E. W. M. Flock ; de Mrs Small ; et de W. J. Shaughnessy, représentant TransCanada Theatres. Shaughnessy avait apporté de Montréal un chèque certifié pour le versement initial d'un million de dollars."

Le matin du mardi 2 décembre, Ambrose Small et sa femme Theresa* quittent leur maison du quartier Rosedale à Toronto à des heures différentes. On ignore où il se rend ce matin-là. Sa femme et lui ont rendez-vous, probablement dans l'heure du midi, au Grand Opera House, dans le centre-ville de Toronto, afin de régler quelques détails restants avec E.W.M. Flock et aller ensuite déposer le chèque de un million de dollars à la banque.

Flock arrive le premier, Theresa Small en second. Les deux attendent Ambrose Small dans le hall jusqu'à ce qu'il arrive vers 14 heures en sifflotant.
Puis "Small et sa femme ont quitté Flock, se sont rendus à la Banque Dominion au coin des rues King et Yonge, sont revenus au Grand et ont rejoint Flock pour le déjeuner dans un salon de thé attenant au théâtre."

Après le déjeuner, Ambrose Small dépose sa femme dans un orphelinat catholique de Bond Street, où elle fait du bénévolat. Il lui dit qu'il sera de retour à 18 heures, pour le dîner. À 17 heures, l'homme d'affaires a une réunion de dernière minute avec Flock au Grand. L'avocat le quitte à 17h30.

En fin d'après-midi ou la nuit suivante, le millionnaire a disparu de son bureau. Aucune personne parmi celles interrogées par la police n'a affirmé l'avoir vu quitter son bureau ou aperçu dans le quartier des rues Adelaide et Yonge à l'extérieur de l'immeuble. Officiellement, Flock est la dernière personne à avoir vu Ambrose Small.

De son côté Theresa Small est rentrée à la maison de Rosedale vers 17 heures. Comme son mari ne s'est pas manifesté pour le dîner, elle a essayé de joindre les personnes avec lesquelles il travaillait. Ambrose Small étant souvent absent de chez lui pour ses affaires ou pour aller voir sa maîtresse du moment, et comme il ne prévenait pas de son absence, personne n'était donc particulièrement inquiet. Cette situation s'est avérée être une circonstance malheureuse dans l'affaire Small, la disparition du millionnaire a ainsi été ignorée pendant deux semaines.

"Le 16 décembre 1919, la police fut avertie par James Cowan, directeur du Grand. Il n'a jamais été établi avec certitude si Cowan avait téléphoné à la police à la demande de Mme Small ou de sa propre initiative."
Small n'avait aucun sérieux motif pour disparaître. Propriétaire à 53 ans de plusieurs théâtres situés dans sept villes de l'Ontario et contrôleur d'un réseau de 62 autres établissements, il était riche, aimait séduire les femmes et n'aurait pas été en possession d'une grosse somme d'argent sur lui.

(à suivre)

* ou Teresa

(Sources : en.wikipedia.org, archive.macleans.ca [citations], murdochmysteries.fandom.com)

Le Noël pas comme les autres d'Agatha Christie

Agatha Christie a disparu durant 11 jours au début du mois de décembre 1926. Pour la romancière et sa fille Rosalind âgée de 7 ans, la fête ...