30 août 2021

Manifestants et journalisme : Le problème de la fiabilité de la source


Au début de la seconde moitié du XXe Siècle, dans les années 1950, 60, 70, lorsqu'une personne en rencontrait une autre sur la place du village ou sur son chemin vers l'épicerie, il arrivait que la connexion entre les deux personnes aille au delà du simple échange de politesses et qu'une conversation ait lieu. De cet échange pouvait émerger de l'information et chaque interlocuteur ou interlocutrice savait faire la différence entre un sujet grave et un sujet plus léger, pour lequel il pouvait s'agir d'un commérage. Libre à chacun de répéter ou non cette information ou ce bruit, il s'agissait du réseau social de l'époque.

Bien entendu, il était comme convenu que si l'information avait un sérieux particulier, drame, accident, voire naissance ou exposition de peinture, elle était une vérité. On ne se posait pas la question de la fiabilité de la source.

Au delà de la radio, la télévision est ensuite devenue le quotidien des gens, et avec elle son journal d'informations télévisées. Sur la place du village ou sur le chemin de l'épicerie, se répétait en plus des sujets locaux, parfois trouvés dans le quotidien régional, les informations entendues à la télévision. J'écris "entendues" parce que souvent, et surtout si l'actualité se passait à l'étranger, on ne voyait rien de particulier sur l'écran en dehors du ou de la journaliste présent(e) sur place.

Ici encore, on ne se posait pas le problème de la fiabilité de la source et l'on pensait que tout ce qui était dit était vrai, nonobstant que l'on ne voyait rien. Et plus le pays était lointain moins on voyait d'images (à dire vrai, plus l'explication était courte). D'ailleurs, dans les années qui s’éloignent, de la Guerre à Bagdad il n'était montré que les tirs de nuit à l'arrière plan du cadre fixe. Ceci dit, à ce moment non plus la question de la fiabilité de la source ne se posait pas.

Sur un autre plan, les circonstances de la disparition sur le terrain de sport de l'école élémentaire de la ville de Victoria au Canada du petit Michael D. âgé de 4 ans est un véritable point d'interrogation. Courant mars 1991 les parents du petit garçon seraient arrivés en sa compagnie vers 12h30. Michael D se serait évaporé sur place, et il n'y aurait personne témoin de sa disparition.(*) Ici la fiabilité de la source c'est les parents.

Le nombre de manifestants

Lorsqu'il est question de démonstrations d'opposition au gouvernement dans un pays démocratique, l'information principale est le nombre de manifestants. De part l'histoire, les défilés dans les rues ne datant pas d'aujourd'hui, on savait que lorsque ceux-ci étaient organisés par des syndicats, le calcul du nombre de manifestants était un petit jeu entre les autorités d'une part et les organisateurs d'autre part, et qu'il suffisait bien souvent de faire la moyenne des deux informations pour s'approcher de la vérité. La fiabilité de la source était dès lors relative à un calcul, ou à une fourchette, notamment parce que la technologie ne permettait pas la diffusion d'images privées en temps réel.

D'un point de vue objectif on peut considérer qu'il s'agit de politique et que chacun était dans son rôle, ceci parce qu'on avait malgré tout confiance, d'une part dans le gouvernement et d'autre part en les syndicats.

Depuis 2017, un certain nombre de polémiques sont nées en France, un certain nombre d'affaires, auxquelles se sont ajoutés le Grand Débat National et la Convention Citoyenne pour le Climat qui ont surtout créés des déceptions. Petit à petit, et encore récemment, la confiance en la parole publique disparait. Elle s'estompe.

Dans ces conditions, alors que la France vit de nouvelles heures de son histoire entre Science expérimentale et Technologie de l'information, que devient le calcul du nombre de manifestants défilant dans les rues des villes sans mot d'ordre émanant de syndicats alors que la parole publique est remise en cause ? Est-il judicieux pour la presse de prendre comme vérité le nombre délivré par le gouvernement dès lors que les images diffusées, qui ne sont plus fixes avec le journaliste au premier plan, montrent ce que l'on peut à minima appeler un déphasage ? La fiabilité de la source ici, n'est-ce pas les vidéos réalisées sur place ?

Au delà du nombre précis de personnes, qui est la forme, le rôle de la presse est-il sur le fond de mépriser les manifestants, de dénigrer leur action ? Il s'agit en très grande majorité de familles, grands-parents, enfants, petit-enfants, dont beaucoup défilent pour la première fois. La politique éditoriale doit-elle avoir un jugement de valeur sur l'événement ? Si oui, la fiabilité de la source pour l'ensemble des autres informations ne serait-elle pas remise en cause ?

 

Image : Pixabay / (*) Plusieurs contacts tentés sur place sans résultat


 

02 mai 2021

Qu'est-il arrivé à Patti Adkins, disparue après son travail ?



Partie pour une semaine de vacances avec son amoureux secret, elle n'a jamais été revue après avoir quitté son travail en juillet 2001.

En 2001, Patricia (Patti) Adkins est une mère célibataire de 29 ans avec un enfant, une fillette de 7 ans. Ils vivent à Marysville dans l'Ohio. Superviseur à l'usine locale de la marque Honda, Patti Adkins y travaille depuis plus de 10 ans. Début juillet 2001, l'usine ferme pendant une semaine à l'occasion du Weekend pour la Fête Nationale du 4 juillet.

Souhaitant en profiter pour prendre quelques jours de vacances, Patti Adkins confie le jeudi 28 juin sa fille à son ex-mari, prend des dispositions pour ses animaux de compagnie et se rend le lendemain à son travail à l'usine avec un ami à qui elle a demandé de la conduire, au prétexte qu'elle partirait directement après le travail dans le véhicule (truck) de son nouveau petit ami, un collègue avec qui elle dit avoir une liaison par intermittence.

Patti Adkins est très loquace ce vendredi 29 juin, elle précise à son ami chauffeur du moment qu'après le travail en fin de soirée, elle prévoit, comme le lui a demandé son nouvel amoureux, de se cacher à l'arrière de son truck sous la bâche le temps qu'il dépose un autre collègue après la journée de travail. Personne à l'usine, dit-elle, ne doit savoir que cet homme et elle se voient car il est marié. L'autre collègue déposé, tous deux débuteraient enfin leurs vacances.

La jeune femme ajoute qu'elle emporte seulement un petit sac beige contenant de la lingerie fine bleue achetée spécialement pour l'occasion dans une enseigne réputée et rien d'autre pour le voyage. Elle précise aussi que son petit ami lui a demandé de ne "rien emporter" et qu'il "achèterait tout ce dont ils avaient besoin" à leur arrivée sur place. De plus, elle se trouverait dans une région éloignée du Canada sans réseau de téléphonie mobile.

Vacances sans retour

Patti Adkins devait revenir le dimanche 8 juillet 2001. Sa fille ayant été récupérée entre temps par sa soeur, elle devait venir la chercher chez celle-ci vers midi. Ne la voyant pas arriver, sa sœur pense d'abord qu'elle est peut-être simplement en retard, et continue d'essayer de la joindre au téléphone. Puis, quelques heures plus tard, elle décide d'appeler le fameux petit ami, celui avec qui Patti est partie en vacances. C'est une femme qui répond. La femme du collègue de Patti. Et elle répond que son mari n'est pas encore rentré. La soeur de la jeune femme pense alors qu'il s'agit juste d'une confirmation qu'ils sont juste en retard.

Ne voyant toujours pas revenir Patti Adkins, sa soeur rappelle au domicile de l'homme vers 17 heures, et cette fois, c'est lui qui répond. Il reste d'abord très silencieux et répond finalement qu'il ne sait rien de Patti Adkins, et qu'ils ont juste travaillé ensemble.

Plus tard, la police n'observe rien de particulier au domicile de Patti Adkins mais découvrira que celle-ci avait prêté de l'argent à cet homme, entrepreneur, pour près de 100.000 dollars. L'argent a été prêté sur plusieurs années et provient des économies de la jeune femme sur les dix ans de travail chez Honda, de ses comptes de retraite et d'une seconde hypothèque sur sa maison. 

Selon des confidences à ses proches, la jeune femme pensait que l'argent allait être utilisé par son nouveau petit ami pour racheter les parts de sa femme dans l'entreprise secondaire dont ils étaient copropriétaires. En en parlant à ses soeurs quelque temps avant sa disparition et devant leur étonnement, Patti Adkins les avait rassurée, leur disant qu'il avait prévu de quitter sa femme pour vivre avec elle et qu'il allait la rembourser. Elle lui avait d'ailleurs demandé récemment de commencer à rembourser l'argent.

Le nouveau petit ami a déclaré aux policiers qu'il n'y avait jamais eu de projet de voyage avec Patti Adkins et il a également nié qu'ils aient eu une liaison. Il a dit qu'il la connaissait à peine. 

Selon ses collègues, Patti Adkins était pressée de quitter le travail le soir du vendredi. Elle a pointé vers minuit. Pour sa part, l'autre collègue de travail, celui que le petit ami était censé raccompagner chez lui le 29 juin, a déclaré que les deux hommes étaient allés au drive-in d'un restaurant de hamburgers pendant 45 minutes, puis qu'ils étaient rentrés chez eux. La femme du petit ami a déclaré de son côté que celui-ci était rentré vers 2 h 30 du matin. Selon elle, son mari était resté à la maison toute la semaine, sauf pour une partie de pêche avec des amis.

Aucun ADN de Patti Adkins n'a été trouvé à l'arrière du véhicule de l'homme, où elle est censée s'être cachée, sous la bâche. Seuls quelques poils appartenant à un chat de la jeune femme ont été récupérés et aucune somme provenant de ses comptes n'a été trouvée sur les comptes de l'homme, dont le nom n'a jusqu'ici jamais été révélé au public.

Sources
https://thoughtcatalog.com/christine-stockton/2021/02/she-disappeared-on-a-camping-trip-with-her-boyfriend-who-owed-her-100000-why-hasnt-he-been-arrested/
https://kileystruecrime.squarespace.com/kileystruecrimeaddict-blog/the-disappearance-of-patti-adkins
https://www.missingpersonsofamerica.com/2021/04/27/patti-adkins-missing-from-ohio-after-leaving-work-in-2001/

13 décembre 2020

Agatha Christie à Newlands Corner : Les derniers éléments du puzzle

 

Un mystérieux bungalow, une autre femme écrivain tout aussi imaginative qu'Agatha Christie, une chronologie séduisante des événements, voici la 6e et dernière partie de la série sur la mystérieuse disparition durant 11 jours de la reine du roman policier. Les derniers éléments du puzzle.

Le mystérieux bungalow

Selon Laura Thompson* et Tina Jordan**, le 14 décembre 1926, le New York Times rapporte "que la police a trouvé des indices importants" dans un bungalow situé à proximité de Newlands Corner. Il s'agit d'objets découverts sur place "une bouteille étiquetée plomb empoisonné et opium, des fragments d'une carte postale déchirée, un manteau de fourrure de femme, une boîte de poudre pour le visage, une miche de pain, une boîte à cartes et deux livres pour enfants".
Dans cette coupure datant de mi-décembre 1926 il est ajouté une information utile à présent et résumant à l'époque la découverte : "la maison est utilisée en été pour l'écriture de romans par la fille de St. Loe Strachey."

Le nom indiqué est celui de John St Loe Strachey, un journaliste et propriétaire de journaux britannique ayant travaillé pour le magazine The Spectator, dont la fille Amabel Williams-Ellis, auteur prolifique, notamment de livres pour enfants, est née à Newlands Corner le 10 mai 1894.° Amabel Williams-Ellis, qui est quatre ans plus jeune qu'Agatha Christie, a 32 ans et demi à cette époque. Elle est mariée depuis 1915 à Clough Williams-Ellis, architecte connu dans le monde entier comme créateur de Portmeirion un hôtel au nord du Pays de Galles immortalisé dans la série TV avec Patrick McGoohan, Le Prisonnier.

A propos du bungalow, Laura Thompson précise que la police avait répandu de la poudre sur le sol pour savoir si quelqu'un y était entré. Que l'on avait bien trouvé une empreinte de pas, mais qu'il s'agissait du montage orchestré par un journaliste malhonnête avec le concours de la serveuse du bar de l'hôtel et que l'"opium" était en fait un traitement médical. Pour Laura Thompson "les quelques biens qui avaient été laissés" dans la maison isolée "étaient les possessions de ses propriétaires".

John St Loe Strachey a construit en 1892 à Newlands Corner une propriété, une maison de campagne victorienne. Son dernier enfant y est né en 1901. Si cette maison était devenue le Newlands Corner Hotel en 1926 (appelée aujourd'hui The Manor House Hotel), il se peut, soit que la famille ait conservé par la suite une dépendance, soit, ce qui est plus probable, que ce bungalow ait été, à Newlands Corner, vraiment abandonné depuis un certain temps. Si la pseudo "scène de crime" a été polluée on peut malgré tout se questionner, et sans préjuger du fait qu'Agatha Christie aurait pu s'y abriter ou non dans la nuit du 3 au 4 décembre, on peut considérer cette alternative au fait de rester dans la seconde voiture.

N'y aurait-il pas un petit côté magique dans cet endroit ? Le site Surrey News°° nous dit que, selon Derek Nightingale, l'auteur de Newlands Corner et ses environs, "tout Merrow Downs, terrain communal qui relie l'espace ouvert de Pewley Down jusqu'à Newlands Corner, était auparavant appelé "Fairyland", un nom qui a depuis été oublié par la plupart." Le nom de l'endroit, qui se situe un peu plus loin sur le versan sud ouest du célèbre point de vue touristique, se traduit litéralement par Terre des fées.

La chronologie de la disparition d'Agatha Christie en 1926

Mercredi 1er décembre
- Soir Dîner à Londres, nuit à son Club, le Forum Club
Jeudi 2 décembre
- Matinée probable à Londres (où ?)
- Dans l'après-midi visite aux agents littéraires Hugues Massie Ltd
- Soir  Leçon de danse hebdomadaire à Ascot avec Charlotte Fisher, sa secrétaire
Vendredi 3 décembre
- Le matin, querelle entre Agatha et Archie, ce dernier part
- Charlotte Fisher a pris sa journée, elle va à Londres chez sa soeur, elle rencontre un(e) ami(e) pour le dîner puis va danser
- Dans la matinée, départ de Styles en Morris Cowley pour une destination inconnue (Londres chez Nan ? Mécanicien ?)
- Midi, retour à Styles. Repas seule
- 17h-18h  Visite chez sa belle-mère à Dorking (et non chez des amis) avec sa fille
- Vers 18h30 Passage devant les carrières de nuit
- Vers 19h-19h30 Retour à Styles. Repas seule. Ecriture des lettres
- 21h45 ou 22h  Départ de Styles pour un lieu de rendez-vous, sa fille dort
- 23h40-Minuit  Arrivée des deux voitures à Newlands Corner. La seconde voiture est placée dans Trodds Lane
- Les deux personnes repartent vers Londres avec la Morris Cowley
Samedi 4 décembre
- Arrivée à Londres vers 1h30 du matin, temps de repos
- Vers 3h30-4h  Départ de Londres pour Newlands Corner et Albury dans Water Lane
- Vers 5h-5h30 du matin Agatha Christie jette sa voiture contre un talus herbeux.
- 6h20  Non loin de Newlands Corner, après plusieurs essais, McAllister démarre la voiture au moteur froid d'une femme sans manteau ni chapeau. 
- Vers 7h, La femme s'éloigne doucement.
- Peu avant le lever du jour, observation d'une voiture phares allumés par Harry Green
- 8h  Observations de la voiture par Best et Dore, ce dernier trouve le manteau, les affaires et prévient la Police
- 9h45  Oblitération d'une lettre à Londres SW1

* Agatha Christie de Laura Thompson, Google books.
** https://www.nytimes.com/2019/06/11/books/agatha-christie-vanished-11-days-1926.html  
°° https://www.getsurrey.co.uk/news/surrey-news/newlands-corner-archive-pictures-show-10791351
° Wikipedia 
NB. A noter que John St Loe Stachey habitait à Chelsea où il est décédé quelques mois plus tard, le 26 août 1927.°
Photo : pixabay.com

11 décembre 2020

Le voile levé sur la disparition d'Agatha Christie en 1926

 


La disparition d'Agatha Christie durant 11 jours et sa voiture retrouvée accidentée et abandonnée est un fait-divers qui a fait couler beaucoup d'encre. Les articles en ligne qui y sont consacrés s'ajoutent chaque année. Depuis Le secret de Newlands Corner, le voile s'est levé sur cette incroyable affaire.

(5e partie)

Le samedi 4 décembre 1926 vers 5h-5h30 du matin, Agatha Christie emprunte un chemin de terre longeant une carrière près d'Albury. Elle jette sa voiture contre un talus herbeux. Elle reste quelques instants dans sa voiture, une Morris Cowley, retire son manteau de fourrure et monte à pieds la colline jusqu'à Newlands Corner. Puis, elle bifurque à gauche dans Trodds Lane pour rejoindre la seconde voiture garée à 300 mètres après le carrefour.

A noter que lors de l'enquête policière, le Superintendent du Berkshire (Comté où habitait la disparue) a pris en compte la manière dont la romancière était habillée. Il lui est apparu comme une évidence qu' "elle pourrait avoir passé la nuit confortablement dans sa voiture en portant un manteau de fourrure, et puis quand elle a décidé de quitter la voiture, elle a jeté le manteau, qui était trop lourd pour marcher avec. Sous le manteau de fourrure, elle portait des vêtements chauds comme ceux que portent les femmes lors de leurs promenades à la campagne."*

Plus tard, après que le cycliste Edward McAllister ait, après plusieurs essais, démarré la seconde voiture restée de longues heures stationnée sur le côté dans Trodds Lane, Agatha Christie partit doucement aux environs de 7 heures vers le Nord-Est de Guilford, puis dans la direction de Leatherhead et du Sud-Ouest de Londres. En 2000, le Guardian* a publié "une interview de la fille de Nan Watts, amie proche et parente par alliance de Christie." Dans cette interview, la fille de Nan suggère qu'Agatha a été aidée dans sa disparition par sa mère.

Selon la fille de Nan il aurait été convenu que la romancière pourrait passer la nuit du vendredi 3 au samedi 4 décembre avec Nan, qui avait déménagé à Londres à Chelsea Park Gardens. Et cette nuit-là son second mari George Kon était justement absent. Cette suggestion est faite en lien avec l'idée que la romancière a passé la nuit à Chelsea après être revenue de Newlands Corner en train.

De retour à Londres

Avec l'hypothèse de la seconde voiture, Agatha Christie arrive à Londres vers 9h, stationne la voiture empruntée, et poste la lettre pour son beau-frère Campbell Christie. Le mardi 7 décembre, le beau-frère de la romancière a reçu une lettre d'Agatha et, selon le cachet de la poste, cette lettre a été oblitérée le 4 décembre à 9h45 dans le district postal Londres SW1. Il s'agit donc d'un quartier par lequel Agatha serait passée, avant l'oblitération. Sauf à ce qu'une autre personne ait postée la lettre il y a peu de doute sur ce point. La résidence de Nan Kon se situe d'ailleurs dans la zone postale immédiatement adjacente au SW1, Londres SW3.

Une fois à Londres, Agatha Christie est allée acheter des vêtements dont un nouveau manteau. Tout le monde s'accorde sur le fait qu'elle a ensuite pris le train. Elle prend un train à la gare de King's Cross pour se rendre précisément dans la région où quelques jours plus tôt elle avait décidé de passer le Weekend (Beverley dans le Yorkshire de l'Est) et choisit Harrogate, la ville d'eau dans le Yorkshire du Nord dans laquelle on l'a retrouvée 11 jours après son départ de Styles. Au Swan Hydropathic Hotel, on l'accueille sur sa mine et ses déclarations par lesquelles elle se nomme Teresa Neele et qu'elle vient du Cap, en Afrique du Sud.
 
A Harrogate Agatha Christie a emprunté le nom de Neele, celui de la partenaire de golf de son mari, Nancy Neele, dont Archibald Christie était tombé amoureux quelques temps auparavant. Son mari voulant divorcer et partir avec sa maîtresse, le couple s'était querellé le vendredi 3 au matin. Le 14 décembre 1926, soit onze jours après qu'elle ait quitté Styles, un joueur de banjo de l'hôtel d'Harrogate, Bob Tappin, a reconnu la romancière et a alerté la police. Le colonel Christie est ensuite venu chercher sa femme à l'hôtel. Fin de l'escapade.
 
Documents et indices

De façon étonnante, la romancière avait fait paraître une curieuse petite annonce dans le Times, demandant que des amis et des parents prennent contact avec cette Teresa Neele. 
 
 
Extrait d'un document relatif à une émission de timbres poste au Royaume-Uni. Copie ou fac-similé ? °
 
De l'autre côté de l'Atlantique, et plus loin, Teresa Neele, certainement par une erreur de transcription, deviendra Mrs Trazenell.
 
Daily Pentagraph - Bloomington - Illinois - Mercredi 15 décembre 1926


The Sun - Sydney - 15 décembre 1926

Divers éléments sont disséminés. Dans la vie d'Agatha Christie, comme la présence à ses côtés de sa secrétaire et confidente Charlotte Fisher (dite Carlo), à qui elle dédicacera d'ailleurs Le Mystère du Train Bleu, roman sur lequel elle travaillait avec difficulté au moment de son aventure. Ensuite dans ses ouvrages. A été citée L'Affaire de la femme disparue, nouvelle publiée en octobre 1924 dans laquelle se trouvent deux villages du même nom, et puis La Métamorphose d'Edward Robinson, une autre nouvelle publiée par Agatha Christie deux ans plus tôt en décembre, dans laquelle il est question deux deux voitures identiques. Peut-on ajouter Le Vallon, roman dans lequel une artiste faisant de la sculpture et du modelage de la glaise, Henrietta Savernake, possède à la fois des qualités de conductrice et un enthousiasme pour les raccourcis.



D'autre part l'aide fournie par son amie de toujours Nan, semble indéniable. La découverte d'une pièce de théâtre, The Lie (Le Mensonge) créée par Agatha Christie, apparemment écrite au milieu des années 20 et jamais jouée, a montré Nan comme le prénom du personnage principal. La pièce, qui historiquement précède ses célèbres thrillers de scène, est restée dans les archives de l'auteur pendant plusieurs décennies jusqu'à ce qu'elle soit finalement retrouvée. Le thème est celui d'une femme piégée dans un mariage malheureux et provoquée par l'obsession de son mari pour sa jeune soeur. 
L'épouse, Nan Gregg, disparaît pour une nuit de la maison familiale "ce qui a des conséquences dévastatrices." La pièce se déroule sur "Une série de révélations dramatiques (qui) conduira soit au divorce, soit à la réconciliation, mais l'issue dépendra de la volonté de la soeur de Nan de mentir pour la protéger."°°

Aucune réconciliation n'a été possible entre Agatha et Archibald Christie dans les mois qui ont suivi cette aventure et ils ont finalement divorcé.
 
 
* Andrew Norman. Agatha Christie: The Disappearing Novelist https://books.google.fr
** http://news.bbc.co.uk/local/surrey/hi/people_and_places/history/newsid_9005000/9005502.stm
°° https://www.iacf-uk.org/activities/lie-agatha-christie/
Photo : pixabay.com

12 novembre 2020

La disparition d'Ambrose Small à Toronto, une enquête pour William Murdoch ?


Ambrose Joseph Small, un magnat du théâtre canadien, a disparu le 2 décembre 1919 à l'âge de 53 ans. Il était le propriétaire de plusieurs théâtres basés dans l'Ontario, notamment du Grand Opera House de Toronto, du Grand Opera House de Kingston et du Grand Theatre de London. L'affaire a fait grand bruit, durant de nombreuses années, Ambrose Small ayant disparu après qu'il ait vendu ses théâtres et déposé un million de dollars canadiens à la banque.

Si l'on en croit un article publié par le magazine Maclean's le 15 janvier 1951, la recherche durant 30 ans du corps d'Ambrose Small est devenue une plaisanterie domestique au Canada. Huit gros volumes de coupures de presse se trouvent dans les archives d'un journal de Toronto et, devant la récurrence des articles sur le sujet au fil des années, lorsque quelqu'un creusait un trou très profond dans son jardin ou dans l'espace public les canadiens finissaient par demander "Vous cherchez Ambrose Small ?".

Cette disparition est si mystérieuse qu'elle pourrait figurer dans un épisode de la série télévisée canadienne Les Enquêtes de Murdoch (The Murdoch Mysteries), pour peu que les saisons continuent après la 13ème, dont le dernier épisode Le règlement à la lettre (The Future is Unwritten) se déroule à Toronto en 1907.

Le disparu est connu pour être marié depuis une quinzaine d'années, sans enfant, joueur et coureur de jupons. Il est plutôt rude avec ses employés. A la fin de l'année 1919, il décide de vendre ses théâtres.

Les faits

La veille de sa disparition, le 1er décembre 1919, l'homme d'affaires Ambrose Small avait vendu tous ses avoirs relatifs au Théâtre à Trans-Canada Theatres Ltd. pour un montant de 1,7 million de dollars canadiens. "La transaction a été conclue dans les cabinets d'avocats Osler et Harcourt en présence de l'ami et avocat de Small, E. W. M. Flock ; de Mrs Small ; et de W. J. Shaughnessy, représentant TransCanada Theatres. Shaughnessy avait apporté de Montréal un chèque certifié pour le versement initial d'un million de dollars."

Le matin du mardi 2 décembre, Ambrose Small et sa femme Theresa* quittent leur maison du quartier Rosedale à Toronto à des heures différentes. On ignore où il se rend ce matin-là. Sa femme et lui ont rendez-vous, probablement dans l'heure du midi, au Grand Opera House, dans le centre-ville de Toronto, afin de régler quelques détails restants avec E.W.M. Flock et aller ensuite déposer le chèque de un million de dollars à la banque.

Flock arrive le premier, Theresa Small en second. Les deux attendent Ambrose Small dans le hall jusqu'à ce qu'il arrive vers 14 heures en sifflotant.
Puis "Small et sa femme ont quitté Flock, se sont rendus à la Banque Dominion au coin des rues King et Yonge, sont revenus au Grand et ont rejoint Flock pour le déjeuner dans un salon de thé attenant au théâtre."

Après le déjeuner, Ambrose Small dépose sa femme dans un orphelinat catholique de Bond Street, où elle fait du bénévolat. Il lui dit qu'il sera de retour à 18 heures, pour le dîner. À 17 heures, l'homme d'affaires a une réunion de dernière minute avec Flock au Grand. L'avocat le quitte à 17h30.

En fin d'après-midi ou la nuit suivante, le millionnaire a disparu de son bureau. Aucune personne parmi celles interrogées par la police n'a affirmé l'avoir vu quitter son bureau ou aperçu dans le quartier des rues Adelaide et Yonge à l'extérieur de l'immeuble. Officiellement, Flock est la dernière personne à avoir vu Ambrose Small.

De son côté Theresa Small est rentrée à la maison de Rosedale vers 17 heures. Comme son mari ne s'est pas manifesté pour le dîner, elle a essayé de joindre les personnes avec lesquelles il travaillait. Ambrose Small étant souvent absent de chez lui pour ses affaires ou pour aller voir sa maîtresse du moment, et comme il ne prévenait pas de son absence, personne n'était donc particulièrement inquiet. Cette situation s'est avérée être une circonstance malheureuse dans l'affaire Small, la disparition du millionnaire a ainsi été ignorée pendant deux semaines.

"Le 16 décembre 1919, la police fut avertie par James Cowan, directeur du Grand. Il n'a jamais été établi avec certitude si Cowan avait téléphoné à la police à la demande de Mme Small ou de sa propre initiative."
Small n'avait aucun sérieux motif pour disparaître. Propriétaire à 53 ans de plusieurs théâtres situés dans sept villes de l'Ontario et contrôleur d'un réseau de 62 autres établissements, il était riche, aimait séduire les femmes et n'aurait pas été en possession d'une grosse somme d'argent sur lui.

(à suivre)

* ou Teresa

(Sources : en.wikipedia.org, archive.macleans.ca [citations], murdochmysteries.fandom.com)

08 novembre 2019

Retour sur la disparition d'Anaïs Guillaume


Les ossements retrouvés dans un champ appartenant à l'exploitant agricole avec qui Anaïs Guillaume avait noué une tumultueuse relation amoureuse sont bien ceux de la jeune disparue.  Le soir du 16 avril 2013, après une longue journée de travail près de Charleville et cinquante kilomètres en voiture, Anaïs aurait dû diner et dormir chez ses parents à Blagny. Au lieu de cela, elle est ressortie, pour ne jamais revenir. Retour sur la disparition d'Anaïs Guillaume.

En juillet 2011, dans le cadre de son diplôme d'agricultrice, la jeune femme de 21 ans obtient un contrat d'apprentissage non loin de chez ses parents, à la ferme de Céline et Philippe Gillet, située à Fromy dans les Ardennes. Avec l'exploitant agricole âgé d'une quarantaine d'années, Anaïs Guillaume noue rapidement "une relation amoureuse mais vit encore chez ses parents."
Quelques mois plus tard, en 2012, la jeune femme porte plainte à la gendarmerie pour des violences commises à son encontre par l'exploitant agricole, "mais elle n'arrive pas à tourner la page." Elle renoue sentimentalement peu après avec Philippe Gillet tout en s'installant, fin 2012 "à quelques rues de chez ses parents, dans un appartement, en colocation avec son amie"(*). Elle découvre que leurs voisins sont une famille avec des difficultés financières. Anaïs se lie d'amitié avec eux, les dépannant régulièrement de quelques produits courants.

Ainsi, durant quelque temps, Anaïs Gillet partage son logement avec son amie M. et poursuit tant bien que mal sa relation avec son patron "tout en amorçant une relation avec un ami plus jeune, depuis mars 2013." Ce nouveau petit ami, C. est âgé de 31 ans. De leur côté les parents de la disparue ont déclaré ignorer qu’elle continuait à entretenir une liaison plus privée avec Philippe Gillet.
En tout état de cause, bien qu'elle paraisse comblée sentimentalement, l'environnement financier d'Anaïs semble s'assombrir puisque "début avril 2013 Anaïs rentre vivre chez ses parents, n'assumant plus ses loyers "(*). L'état des lieux de sortie de l'appartement, montré dans l'émission INDICES est fait le 2 avril au matin (*).

Le jour de la disparition

Philippe Gillet possède une autre exploitation agricole à une cinquantaine de km de Fromy, à Sorel au Nord-Ouest de Charleville-Mézières. Le lieu a d'ailleurs été fouillé par les gendarmes en janvier 2019. D'après la lettre anonyme qui circule sur certains médias, l'homme possèderait aussi un pré au bord de la rivière à Linay, près du terrain de football.
C'est à Sorel qu'Anaïs Guillaume passe la journée du 16 avril 2013. Les parents de la jeune femme étaient informés qu’elle avait travaillé ce jour-là pour le compte de l'agriculteur, qui lui a demandé de l'aider à labourer un champ. Selon sa maman, qui l'a vue pour la dernière fois ce matin-là, elle s'était levée à 6h30.
Le petit frère d'Anaïs, C., est présent à Blagny quand Anaïs rentre le soir pour se changer, avant de repartir pour selon elle, revenir "tout de suite".

Selon INDICES, 400 euros auraient été volés sur le compte d'Anaïs Guillaume la veille de sa disparition. Sa carte bancaire lui aurait été subtilisée le jour de son déménagement. Avant l'état de lieux du 2 avril 2013, donc. On apprend qu'"Anaïs remarque qu'il lui manque de l'argent sur son compte et soupçonne tout de suite ses voisins".
Plusieurs chèques falsifiés d'un chéquier d'Anaïs aurait été utilisé dès le 17 avril 2013 par un fils de la famille L. et sa compagne pour faire des achats. Les jeunes gens "avaient été rapidement démasqués et entendus par les gendarmes."
En fin d'année 2015, les parents d'Anaïs Guillaume indiquent au journaliste de l'Union qu'ils s'impatientent et souhaitent poser des questions au juge d’instruction. Parmi celles-ci "On aimerait aussi lui dire que la famille chez qui Anaïs a passé une partie de la soirée du 17 avril 2013 doit forcément en savoir plus que ce qui a été dit jusqu’à présent. Pourquoi notre plainte pour le vol de chéquier par cette famille le lendemain de la disparition d’Anaïs n’a pas été retenue ?" Ils se demandent aussi "Qu’est-ce qu’est devenu le deuxième téléphone portable de notre fille ?" '(**)



(*) Vidéo INDICES RTL-TVI

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