26 avril 2024

Le dernier après-midi connu d'Emanuela Orlandi

Quelques jours après la disparition de Mirella Gregori, une seconde adolescente de 15 ans s'évapore à Rome. Son cas, d'une complexité extrême, reste jusqu'ici inexpliqué. La disparition d'Emanuela Orlandi est l'une des affaires les plus suivies par la presse et le public en Italie, et ceci presque quotidiennement.

L'affaire Orlandi est certainement la plus marquante de l'année 1983, au point que la disparition de Mirella Gregori, qui la précède pourtant de 46 jours, passe généralement pour être celle de "L'autre Emanuela". Voici tous les détails.

Avertissement : Cette série d'articles à propos des cas de Mirella Gregori et d'Emanuela Orlandi plonge au coeur d'une affaire complexe vieille de plus de 40 ans. L'objectif est d'apporter un maximum de détails, de reconstituer un puzzle, aussi un grand nombre de sites en Italien ont été consultés, dont plusieurs de premier plan. L'exactitude des informations est fonction de leurs publications.

Emanuela Orlandi est née à Rome le 14 janvier 1968. Elle est l'avant-dernière d'une fratrie de cinq dont les âges en 1983 s'échelonnent de 26 à 12 ans. Son père est greffier de la Préfecture de la Maison pontificale. Elle vit avec ses parents, ses trois soeurs et son frère, qui est l'aîné, derrière le mur d'enceinte du Vatican, dans un appartement de fonction situé au second étage de la Gendarmerie vaticane. Le matin du mercredi 22 juin, les parents d'Emanuela se rendent à Fiumicino, en bord de mer, pour rendre visite à des proches, avec l'intention de revenir un peu avant 20 heures. À leur départ, les enfants sont tous à la maison.

Emanuela doit se rendre à l'école de musique Ludovico Da Victoria, attenante à la Basilique Sant'Apollinare à Rome. La Basilique et l'école sont proches de la Piazza Navona, un endroit très apprécié des touristes. Emanuela suit régulièrement des cours de flûte et de chorale à l'école Da Victoria, et, malgré la chaleur de l'après-midi de ce 22 juin 1983, elle y est attendue parce qu'il s'agit du dernier cours de chorale que doivent suivre les élèves avant le concert de fin d'année scolaire. Ce mercredi, le premier cours d'Emanuela, le cours de flûte, débute à 16h30. Ceci étant, soit à cause de la chaleur, soit parce qu'elle est en retard, elle demande ce jour-là à son frère Pietro de la conduire en moto, mais il ne peut pas à cause d'un autre engagement. 

La jeune fille, d'une taille de 1,60 m, a de longs cheveux noirs, porte un collier autour du cou, est habillée d'un jean, d'un t-shirt blanc à manches courtes et de chaussures de sport. Elle tient à la main son sac en cuir marron, d'où sort l'étui noir contenant sa flûte. Dans le sac, elle a également mis ses partitions, sa carte de membre de l'école et sa carte d'abonnement aux transports publics. Mécontente de devoir se rendre en bus à l'école, Emanuela claque la porte en sortant. C'est la dernière fois que ses soeurs et son frère Pietro la verront.

Emanuela Orlandi et son mystère

L'adolescente quitte le Vatican par la Porta Sant'Anna vers 16h. Elle monte, semble-t-il, à bord d'un autobus jaune de la ligne 64 des transports publics Atac. Sur l'autre rive du Tibre, le bus la dépose sur le Corso Vittorio Emanuele II, à proximité de la Basilique de Sant'Andrea della Valle. De là, elle emprunte, comme elle le fait régulièrement, le Corso del Rinascimento pour rejoindre l'école Da Victoria située à l'autre extrémité. 

Sur cette voie presque rectiligne, mais pas totalement, se trouve le Palazzo Madama, le Sénat italien. Alors qu'elle parvient à hauteur du Palazzo Madama, vers 16h45, Emanuela Orlandi est abordée par un homme de 35 à 40 ans qui conduit une BMW. L'homme lui fait une proposition pour un travail facile, bien rémunéré, pour le samedi après-midi suivant : distribuer des tracts avec d'autres filles pour les produits de la marque Avon lors du défilé d'une maison de haute-couture très connue à Rome, Sorelle Fontana. Ce "petit boulot" intéresse Emanuela. L'inconnu est aimable et rassurant. Il dit à Emanuela de demander la permission à ses parents et il est patient : Il attendra qu'elle ait terminé ses cours pour avoir sa réponse. 

L'homme est aperçu par un agent de la circulation en service devant le Sénat qui le décrira comme étant longiligne, mesurant environ 1,80 mètre, avec les cheveux clairs épars sur le front et les tempes et un visage allongé. La BMW est de couleur sombre, peut-être verte. Le policier voit la scène à une distance d'environ vingt mètres, et il semble distinguer comme un sac ou des échantillons de produits de beauté présentés par une entreprise de cosmétiques.

Enthousiasmée par la proposition de l'inconnu, Emanuela téléphone peu après chez elle, probablement depuis l'une des cabines publiques situées à la station de Taxis. Sa sœur Federica lui répond et Emanuela lui dit que sur le chemin de l'école, dans le Corso Rinascimento, devant le Sénat, elle a été arrêtée par un monsieur qui lui a proposé un travail. Elle lui raconte l'histoire à la hâte : « Je toucherai près de 400.000 lires » dit-elle. Et elle ajoute : « C'est un gentil monsieur, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il m'a dit de demander la permission à maman et de lui donner une réponse ce soir. Il m'attend à la sortie de l'école». Federica, âgée de 21 ans à l'époque, lui suggère de ne pas faire confiance à l'homme et d'écouter d'abord sa mère. Emanuela lui répond brièvement qu'elle a rendez-vous avec le monsieur à 19h10 devant l'école et raccroche.

Retardée à la fois par sa brève rencontre avec l'homme inconnu et l'appel téléphonique à sa soeur, Emanuela Orlandi rejoint l'école le plus vite possible. Elle monte les marches quatre à quatre. Elle arrive pourtant en retard, et essouflée, à son cours de flûte. Elle entre dans la classe vers 17h10, alors que le cours a déjà commencé et se fait réprimander pour son retard par son professeur. Le second cours, celui de chant choral, se déroule normalement.

Pourtant, Emanuela Orlandi a manifestement l'intention de ne pas quitter l'école après 19h. Elle le précise à l'une de ses camarades, elle demande à partir plus tôt. Elle s'inquiète, parce tout le monde pense que, ce mercredi, les cours vont se terminer plus tard que 19h. Or, ce jour-là, au contraire, les cours finissent plus tôt, à 18h45 au lieu de 19h. Emanuela ne part donc pas avant les autres élèves, elle quitte l'école avec eux à la fin de la leçon de chant choral. Elle descend néanmoins à toute allure les escaliers du bâtiment, passant et repassant rapidement à l'intérieur du groupe d'élèves.

A ce moment-là, rien ne peut la détourner de son rendez-vous de 19h, rien ne peut la dissuader de revoir l'homme inconnu. Parvenue parmi les premières devant la porte d'entrée de l'immeuble Sant'Apollinare, Emanuela attend. À 19h10, elle est vue par le concierge. Aucun homme ne se montre devant l'entrée de l'école. Les minutes passent et finalement Emanuela décide de parcourir à pied le peu de distance entre la porte de l'école et l'arrêt de bus de la ligne 70 le plus proche, sur le Corso Rinascimento, non loin du Sénat.

Raffaella, une autre fille du groupe de choristes, se trouve devant la porte de l'école de musique. Elle dit au revoir à une amie, puis se dirige ensuite vers le même arrêt de bus. Elle rejoint Emanuela sur le court trajet séparant l'école de l'arrêt. Elle parle un peu avec Emanuela. Deux autres filles du groupe se trouvent déjà à l'arrêt de bus 70. Elles discutent ensemble. Toutes ces filles sont aperçues par une autre élève, Laura, qui se dirige vers le sud, le long du Corso Rinascimento. En marchant, Laura se retrourne plusieurs fois par curiosité. A un moment elle voit Emanuela à une vingtaine de mètres derrière elle et distingue les autres filles plus loin.

L'une d'elles est Maria Grazia. Présente depuis peu à l'arrêt du bus 70 et en conversation avec Raffaella, elle y voit Emanuela, maintenant en compagnie d'une autre fille. A 19h20, Maria Grazia monte dans un bus bondé avec d'autres élèves de l'école, dont Raffaella. Celle-ci, de l'intérieur du bus, tente d'apercevoir Emanuela pour un dernier salut de la main.

Laura, arrivée presque au bout du Corso Rinascimento, se retourne à nouveau. A cet instant, Emanuela Orlandi a disparu.

A suivre...

(Copie Carte OpenStreetMap)

14 avril 2024

Les circonstances de la disparition de Mirella Gregori

 

Nous allons nous intéresser au mystérieux cas de Mirella Gregori. La jeune fille est âgée de 15 ans quand elle disparaît au cours d'un après-midi de l'année 1983, après avoir quitté le domicile familial suite à un appel reçu à l'interphone.

Dès le début des années 80, et durant toute la décennie, un certain nombre d'événements criminels inhabituels auront lieu, aussi bien en France qu'en Italie. Certains resteront inexplicables, pourront être reliés à d'autres, ou non, et pourtant tous demeureront dans la mémoire du grand public. On en parle encore aujourd'hui.

Historiquement, tout débute le 25 mai 1980 avec la disparition, dans la région de Grenoble de Philippe Pignot, un garçon âgé de treize ans, jamais retrouvé. L'événement suivant est la tentative d'assassinat du Pape Jean-Paul II au Vatican, qui a lieu le 13 mai 1981. Ensuite, le 13 mars 1983, c'est un petit garçon de six ans, Ludovic Janvier, qui est enlevé à Saint-Martin-d'Hères, de nouveau dans la banlieue de Grenoble. Les deux garçons seront les premiers d'une liste connue depuis sous la dénomination "Les disparus de l'Isère". Quant à la tentative d'assassinat du "Pape Wojtyła", comme l’appellent les italiens, elle aura des conséquences ultérieures qui furent au moment insoupçonnées.

Mirella Gregori

Née à Rome le 7 octobre 1967, Mirella Gregori est une jeune fille âgée d'un peu plus de 15 ans lorsqu'elle disparaît dans la même ville au cours de l'après-midi du 7 mai 1983. Les parents de l'adolescente possèdent un bar situé à l'angle de la Via Volturno et de la Via Montebello, dans un quartier animé comportant de nombreux hôtels, et se trouvant à deux pas du Ministère de l'Economie et des Finances.

Le bar "Coppa d'Oro" est désormais tenu par Paolo, le mari de la mère de Mirella, par Maria Antonietta, sa sœur ainée âgée de 17 ans, et par son compagnon Filippo M., toute la famille vivant dans un appartement situé dans la Via Nomentana, un peu plus au nord-est de Rome.

Le samedi 7 mai 1983, Mirella Gregori a terminé les cours à 13h15 et elle arrive Via Nomentana autour de 14 heures. Avant de monter à l'appartement, Mirella se rend au "Bar Italia - Pizzeria da Baffo", situé au pied de l'immeuble adjacent, au numero 81 de la Via Nomentana. La fille du gérant du bar, Sonia De Vito, est sa meilleure amie et à ce moment-là Mirella vient la voir, selon le témoignage ultérieur de Sonia, pour simplement parler de choses et d'autres.

Maria Vittoria A., la mère de famille, qui est couturière, se trouve pour sa part à l'appartement, au 91.

Un peu plus tard, Mirella rentre chez elle et, vers 15 heures, l'interphone sonne. Maria Vittoria, occupée à coudre, pense que c'est peut-être son mari qui est rentré plus tôt que d'habitude et elle demande à Mirella de répondre. La jeune fille se précipite : "Bonjour, qui est-ce ?" Elle ajoute : "Si tu ne me dis pas qui tu es, je ne descendrai pas !" Et ensuite : "Ah, oui Alessandro, je comprends". Puis finalement : "D'accord, je te vois dans quelques minutes sur les marches du Bersagliere à Porta Pia."

Après cela Mirella va voir sa mère et lui indique qu'il s'agissait d'Alessandro, un ami de l'école secondaire. Elle lui précise qu'ils se sont donné rendez-vous à 15h30 au monument du Bersagliere (ndr. un soldat) de la Porta Pia. Mirella Gregori s'habille d'un pull-over chauve-souris gris aigue-marine et d'un pantalon de velours blanc, se coiffe, puis elle part précipitamment vers 15h20. Elle dit à sa mère qu'elle descend saluer "Alessandro", ajoute qu'elle sera de retour dans 10 minutes et ne prend ni sac à mains ni gilet. Ce sont les derniers mots que la maman a entendu de la bouche de sa fille cadette et c'est la dernière fois qu'elle l'a vu.

Seulement, en franchissant la porte de l'immeuble, l'adolescente ne tourne pas à gauche pour se rendre au Monument du Bersaglière. Elle part sur la droite, et se dirige de nouveau vers le bar des De Vito pour voir son amie Sonia. Là, elle s'enferme dans les toilettes avec elle et les filles discutent pendant environ 15 minutes.

Mirella a ensuite quitté le bar et c'est à partir de ce moment-là que l'on a perdu sa trace. Enfin, pas encore tout à fait.

Mirella Gregori n'étant pas rentrée, plus tard dans la journée les proches apprendront que c'est une autre version que l'adolescente a livré à son amie. Sonia leur raconte que dans les toilettes du bar, Mirella a échangé ses vêtements et s'est ensuite rendue au Parc de la Villa Torlonia, qui se trouve un peu plus au nord-est de la capitale italienne, pour jouer de la guitare avec des amis. 

En l'apprenant, Maria Antonietta, la soeur de Mirella, âgée de 17 ans à l'époque, est incrédule. La conversation dure, l'amie ne sait que répondre. Le temps passe. Pourtant Antonietta n'a guère d'autre solution que de suivre cette piste. Elle et son compagnon se rendent alors à la Villa Torlonia et, vu l'heure tardive, trouvent la porte fermée. Une voiture de police passe, les jeunes expliquent la situation et les policiers appellent le gardien. À minuit, une recherche improvisée s'entame dans le parc avec les torches des policiers. Une patrouille rapide et peu concluante.

A suivre...

Avertissement : Cette série d'articles à propos des cas de Mirella Gregori et d'Emanuela Orlandi plonge au coeur d'une affaire complexe vieille de plus de 40 ans. L'objectif est d'apporter un maximum de détails, de reconstituer un puzzle, aussi un grand nombre de sites en Italien ont été consultés, dont plusieurs de premier plan. L'exactitude des informations est fonction de leurs publications, qu'il n'est pas possible de citer individuellement.

05 avril 2024

Disparitions d'Emanuela Orlandi et Mirella Gregori : l'Italie a ouvert une enquête parlementaire fin 2023

Un peu plus de 40 ans après les disparitions non élucidées de deux adolescentes au sein de la capitale italienne, le Sénat italien a approuvé l'ouverture d'une enquête parlementaire le 9 novembre 2023.

Fin 2023, L'Italie a finalement lancé une enquête parlementaire sur deux affaires mystérieuses et vieilles de plus de 40 ans, les disparitions d'Emanuela Orlandi et de Mirella Gregori, dont les faits se sont déroulés à quelques semaines d'intervalle au cours de l'année 1983.

L'initiative du parlement italien a fait suite à un regain d'intérêt pour ces affaires depuis 2018, avec notamment la diffusion d'un récent documentaire de Netflix, Vatican Girl. Ce documentaire revient sur la disparition inexpliquée d'Emanuela Orlandi, qui avait 15 ans en 1983. L'affaire a été liée au Vatican par le fait que le père de la jeune fille était un fonctionnaire mineur de la préfecture de la Maison pontificale et que la famille vivait dans un appartement du Vatican. L'autre jeune fille, Mirella Gregori, âgée aussi de 15 ans, est en fait la première disparue.

Peu après l'ouverture de la première enquête du Vatican sur la disparition d'Emanuela Orlandi, le Parlement italien avait entamé fin mars 2023 un processus visant à créer cette commission d'enquête parlementaire sur la disparition des deux jeunes filles. Une proposition immédiatement approuvée à l'unanimité par la Chambre des députés, qui a cependant rencontré quelques difficultés au Sénat, pour des raisons liées aux relations avec la Justice vaticane et l'enquête du Vatican.

La nouvelle enquête parlementaire devra donc collaborer avec deux autres procédures déjà lancées sur ces affaires de disparitions datant de 1983, l’une par le procureur de Rome et l’autre par le Vatican.

Composée de 40 membres du parlement, la commission devra bien entendu étudier le cas le Mirella Gregori, une affaire de quelques semaines antérieure à celle d'Emanuela Orlandi après qu'un lien ait été fait avec le Vatican à la suite d’une visite de Jean Paul II dans la paroisse romaine de San Giuseppe où vivait la famille Gregori. La mère de la disparue ayant affirmé au moment de l'enquête avoir reconnu un gendarme du Vatican faisant partie de l’escorte du pape. Selon elle, le jeune homme avait l’habitude de passer du temps avec sa fille et un ami dans un bar près de leur domicile.

A suivre...

Sources:

https://www.catholicnewsagency.com/news/255973/italian-senate-launches-inquiry-into-disappearance-of-vatican-girl-and-another-missing-teen,https://www.cath.ch/newsf/litalie-lance-une-enquete-parlementaire-sur-laffaire-orlandi/, Wikipedia.

19 décembre 2023

Le Noël pas comme les autres d'Agatha Christie


Agatha Christie a disparu durant 11 jours au début du mois de décembre 1926. Pour la romancière et sa fille Rosalind âgée de 7 ans, la fête de Nöel de cette année-là allait assurément être différente des autres.

Le mari d'Agatha Christie voulant divorcer et partir vivre avec sa maîtresse Nancy Neele, Agatha et lui s'étaient querellés le vendredi 3 décembre 1926 au matin. Le soir même la romancière avait disparu au volant de sa Morris Cowley. S'ensuivit l'un des mystères les plus rocambolesques du XXe Siècle.

Dès mars 1924, Agatha Christie publie au Royaume-Uni une nouvelle policière et fantastique où figurent pour la première fois les personnages intrigants de Monsieur Satterthwaite et d'Harley Quinn : L'Arrivée de Mr Quinn. Monsieur Satterthwaite, un homme dans la petite soixantaine, fait montre d'une apparente discrétion en société pendant qu'il observe ses congénères avec la plus grande attention. Confronté à des énigmes et des meurtres, il est aidé grâce à l'apparition soudaine et parfois irréelle d'un autre personnage, Harley Quinn. En éclairant les faits sous un jour nouveau, Quinn lui permet de résoudre les énigmes.

Le samedi 4 décembre 1926 est publié aux Etats-Unis La Voix dans les ténèbres, septième nouvelle policière et fantastique avec les deux personnages. Avant cela, tôt le matin, dans le sud de l'Angleterre, le jour va bientôt se lever sur les vallons du Surrey quand un vacher, se rendant sur son lieu de travail, repère près de Newlands Corner une voiture abandonnée dont les phares éclairent encore l'obscurité. Vers 8h du matin, en promenant son chien, un jeune gitan venu d'un camp situé à proximité aperçoit lui aussi les lumières de l'automobile. Il s'approche et remarque que l'avant est enfoncé dans un buisson.

Dans le même temps, à la manière de Monsieur Quinn, surgit un certain Frederick Dore, testeur de voitures dans la petite cinquantaine et travaillant pour une marque dont le hasard fait qu'elle porte les initiales d'Agatha Christie, AC. L'homme prend tout en mains. Il fait l'inventaire de ce que la voiture contient et, après avoir vu le véhicule, il est même probable qu'il passe une vitesse pour sécuriser l'automobile. Frederick Dore confie la responsabilité de la Morris Cowley au patron du kiosque à café situé en haut de la colline et se rend ensuite au Newlands Corner Hotel proche pour appeler la police.

En ce début décembre 1926, le Newlands Corner Hotel est ouvert depuis quelques mois seulement. A cet endroit se trouve la plus belle vue d'Angleterre. Toute cette campagne vallonnée partant de Newlands Corner, descendant vers Albury et allant jusqu'à Shere, au cœur de laquelle se trouve l'étang Silent Pool, est empreinte de mystère et de fantastique.

***

Le samedi 4 décembre après-midi, tandis qu'à Albury les recherches de la disparue s'organisent autour de la carrière de craie, la voiture d'Agatha Christie est amenée dans le garage de Guilford. Sa propriétaire se trouve alors dans le train de Londres vers Harrogate, une ville situé dans le nord du Yorkshire. Peu avant 19h, elle arrive en taxi dans un hôtel-SPA où elle demande, sous le nom de la maîtresse de son mari, une chambre en pension complète. Elle indique que ses bagages suivront et s'achètera plus tard quelques vêtements au village. Durant les quelques jours qu'elle passera sur place, Agatha Christie joue au billard (plutôt mal) chante (plutôt bien) et danse. Elle avait pris son dernier cours de danse en compagnie de sa secrétaire Charlotte Fisher (Carlo), le soir du 2 décembre. Elle lit aussi beaucoup.

La nouvelle de sa disparition s'étant répandue dans toute l'Angleterre, Agatha Christie finit par être progressivement reconnue et le mardi 14 décembre, onze jours après qu'elle ait quitté Styles, la police d'Harrogate est prévenue. Le lendemain, le colonel Christie se rend sur les lieux en train. Il arrive à l'hôtel et reconnaît sa femme. Il est suivi par la sœur ainée d'Agatha et son mari J. Watts et tous trois emmèneront peu après la romancière chez les Watts à Abney Hall, dans la ville de Manchester.

Après la mort de son père, Agatha Christie et sa mère avaient passé chaque année les fêtes de Noël à Abney Hall, et elle connaissait bien la grande demeure victorienne et son parc. En compagnie de la famille de son beau-frère elle avait vécu là de superbes Noëls. Abney Hall avait tout pour plaire et la féérie de l'endroit avec un jardin doté d'une cascade, un ruisseau et un tunnel sous l'allée permettaient tous les rêves d'enfant. Le repas de Noël et les présents placés dans un bas constituaient pour elle de précieux souvenirs. Plus âgée, elle s'y rendait d'ailleurs souvent. Cependant, en décembre 1926, la maman d'Agatha Christie est décédée depuis le 5 avril.

Le jeudi 16 décembre la romancière, toujours sous le coup d'une apparente perte de mémoire, est visitée par deux médecins locaux. Le mercredi suivant 22 décembre, trois jours avant Noël, Archibald Christie amène à Abney Hall leur fille Rosalind, âgée de 7 ans afin que la famille soit réunie et, incroyable, Agatha dit ne pas se souvenir des moments que mère et fille ont passé ensemble à Styles !

Il n'existe pas d'indication connue du public sur le déroulement du Nöel 1926 à Abney Hall, ni sur la durée exacte du séjour sur place d'Agatha Christie. Depuis le 16 décembre, il est probable que les Watts ont eu la possibilité d'organiser pour le 25 une belle fête de Nöel dans la tradition familiale. Ce que l'on sait est qu'à une date inconnue Agatha Christie a quitté Abney Hall pour Londres avec sa fille Rosalind et sa gouvernante et secrétaire Charlotte Fisher, afin de faire soigner son amnésie à Harley Street. Or, les dates du jeudi 23, vendredi 24 et surtout samedi 25 décembre 1926 rendent peu envisageable un déplacement sur Londres ces jours-là. D'autant que beaucoup doutent de la vraisemblance de son amnésie et que, près d'un Siècle plus tard elle est toujours discutée !

En tout état de cause, Agatha Christie publiera la suite de sa série dans laquelle apparaissent les personnages de Monsieur Satterthwaite et d'Harley Quinn au cours du premier semestre 1927. La Beauté d'Hélène en avril et Le Sentier d'Harlequin en mai.


Sources : sources internes à sofb.fr et nombreuses sources externes après enquête en ligne. Photo : Diana Parkhouse de pixabay.com

08 mai 2023

Entre 1971 et 2011, 5 drames familiaux dans lesquels le père a pris la fuite

 

1971-2011. Dans ce passé récent qu'est la seconde moitié du XXe Siècle, durant ces quarante années entre les cas de John List et de Xavier Dupont de Ligonnès, d'autres tueries de même nature ont eu lieu, aux États-Unis comme en France. Dans la plupart des affaires, on observe qu'une rage cachée pousse le père à tuer les siens, puis il se barricade à l'intérieur de la maison familiale pour mettre fin à ses jours. Parfois il met le feu à la maison, parfois il part se tuer dans un bois proche, et parfois le mystère est total comme avec la disparition de la famille Méchinaud. Ceci posé, dans certains cas le père de famille conteste être à l'origine des meurtres et quelques-uns prennent la fuite pour s'évanouir dans la nature à tout jamais, ou presque.

L'affaire Dupont de Ligonnès (2011)

Le 21 avril 2011, les corps d'Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants étaient découverts sous la terrasse de la maison louée par la famille à Nantes. Les deux labradors du couple avaient subi le même sort, abattus et enterrés. Seul, le père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès, était absent de la tuerie. Il est disparu à ce jour depuis 12 ans. La famille Dupont de Ligonnès avait été tuée au cours des premiers jours d'avril 2011. Dix ans plus tôt, le 10 avril 2001, la famille de Robert Fisher périssait mystérieusement dans un incendie.

La tuerie de Nantes elle, est la plus récente, et désormais la plus célèbre affaire de ce type avec disparition du père. Suite à la découverte des corps, les regards se sont donc tournés vers Xavier Dupont de Ligonnès, qui reste présumé innocent. Ce père de famille français est né le 9 janvier 1961, soit quelques semaines seulement avant l'américain Robert Fisher, né le 13 avril 1961.

Quarante ans avant le drame de Nantes, au début des années soixante-dix, un cas aux États-Unis allait retenir l'attention du public parce que s'y associaient la préméditation des meurtres et la disparition de leur auteur. 

L'affaire John List (1971)

A l'âge de 46 ans, John List a tué sa femme, sa mère et ses trois enfants âgés de 16, 15 et 13 ans le 9 novembre 1971 dans un grand manoir du New Jersey, puis il a disparu durant 18 ans. Son cas est si proche de celui de Nantes que de nombreux auteurs en ont relevé la similarité au point de se demander si Xavier Dupont de Ligonnès n'avait pas copié sur lui. John List traversait une grave crise financière et avait méticuleusement planifié les meurtres de ses proches. Il s'est passé plusieurs semaines avant que l'on ne découvre le drame. Une fois retrouvé, dix huit ans plus tard, il a tout avoué.

Au cœur des années soixante-dix, alors que John List est toujours recherché, survient une autre affaire. Celle-ci concerne la famille d'un diplomate travaillant au Département d’État à Washington.

Bradford Bishop (1976)

Le 1er mars 1976, Bradford Bishop, apprend qu'il ne recevra pas une promotion demandée. Il se rend à sa banque, retire plusieurs centaines de dollars, va au centre commercial de Montgomery, achète une masse, se rend peu après dans une quincaillerie, où il achète une pelle et une fourche. Il retourne vers son domicile de Bethesda, au nord-ouest de Washington, entre 19h30 et 20h00. Rentré chez lui, il tue sa femme en premier, puis sa mère, puis ses trois fils qui sont déjà couchés.

Il charge ensuite les corps des siens à l'arrière de son véhicule, un break, qu'il aurait ensuite conduit plusieurs heures en compagnie de son chien, jusqu'à un marécage boisé de Caroline du Nord. Le lendemain il creuse un grand trou peu profond pour y entasser les corps et y mettre le feu. Le break de Bishop a été retrouvé abandonné le 18 mars 1976. Personne ne l'a vu quitter la maison, personne ne la vu autour de la voiture à son arrivée près de sentiers de randonnée. Officiellement, personne ne l'a revu depuis le drame. A noter que Bradford Bishop étant né le 1er août 1936, le 1er mars 1976, il avait presque 40 ans (39 ans et 7 mois).

A partir des années deux-mille, de nouvelles tragédies avec disparition de l'auteur font la une des journaux.

Le cas Robert Fisher (2001)

Lorsque, dans les premiers jours d'avril 2011 la famille Dupont de Ligonnès est tuée à Nantes en Loire-Atlantique, Xavier Dupont de Ligonnès venait d'avoir 50 ans.

Dix ans plus tôt, à Scottsdale dans l'Arizona, Robert Fisher, un technicien respiratoire, allait atteindre trois jours plus tard ses 40 ans, quand le 10 avril 2001, sa maison familiale a brûlé et explosé. Peu après, les corps de sa femme Mary Fisher (âge inconnu) et de ses deux enfants, Brittney, 12 ans, et Bobby, 10 ans, ont été retrouvés dans leur lit. Tués sauvagement. Une conduite de gaz naturel de la maison avait été sectionnée et un liquide inflammable avait été versé sur le sol pour accélérer la propagation du feu après qu'une bougie ait été allumée.

Quand les pompiers sont arrivés, Robert Fisher est absent de la maison. Chasseur et amateur de plein air depuis qu'il était jeune adulte, Robert Fisher était connu pour avoir un comportement inquiétant lors de parties de chasse. Il était parfois cruel. Il se désolait aussi que son fils ne s'intéresse ni à la chasse ni à la pêche et le couple se disputait pour toutes sortes de raisons. Un voisin a d'ailleurs déclaré avoir entendu une dispute la nuit précédant l'incendie. 

La police suppose que les meurtres ont eu lieu le 10 avril 2001 entre 21h30 et 22h15. L'homme, ainsi que la Toyota 4Runner de sa femme sont aperçus à 22h43 sur les images de la caméra d'un distributeur automatique de billets.

Dix jours plus tard, le véhicule est découvert vide, stationné dans une pinède isolée au nord-est de Scottsdale. Comme pour Xavier Dupont de Ligonnès, Les forces de l'ordre pensent alors que Robert Fisher peut se cacher dans les montagnes, les canyons ou les grottes de la région et on fouille la zone se trouvant autour de l'endroit où la Toyota a été découverte. Sur la dizaine de grottes avoisinantes, une seule est fouillée par les policiers. Néanmoins, aucune trace de Robert Fisher n'a été trouvée par les spéléologues qui ont visité les grottes à de nombreuses reprises au cours des années qui ont suivi les meurtres.

Peut-être que Xavier Dupont de Ligonnès a eu écho de cette affaire criminelle, en tout état de cause, Robert Fisher n'est jamais officiellement réapparu depuis avril 2001. La même année s'est déroulée un autre drame familial, à Waldport, dans l'Oregon.

L'affaire Christian Longo (2001)

L'affaire Christian Longo est assez différente des précédentes. Elle peut cependant être évoquée ici par le fait de la fuite de l'auteur après l'horreur. Fin 2001, Christian Longo a presque 28 ans et c'est le mari parfait. Un mari parfait qui en fait, était un menteur, un voleur, un escroc, avait une liaison avec une autre femme et qui est devenu meurtrier en tuant son épouse et ses trois petits enfants, les faisant disparaître dans des conditions effroyables.

Les faits se sont déroulés en décembre 2001 et, après les meurtres, Christian Longo s'est ensuite tranquillement envolé au Mexique où là, il a pris le nom d'un journaliste américain de premier plan. Malheureusement pour Longo, ce dernier se retrouve balayé dans un scandale lié à un reportage falsifié. Le journaliste a ultérieurement rencontré le criminel pour une suite de l'histoire qui s'est déroulée comme aucun des deux ne l'avait prévue. Un thriller psychologique sur leur rencontre, True Story, a été réalisé en 2015.


Sources : en.wikipedia.org, https://edition.cnn.com/2016/07/06/us/the-hunt-john-walsh-robert-fisher-arizona-triple-murders/index.html

27 avril 2023

Bradford Bishop meurtrier de sa famille et disparu depuis 1976



La disparition de William Bradford Bishop Jr en mars 1976 après les meurtres de sa mère, de sa femme et de ses trois fils, est, avec celle de John List datant de novembre 1971, l'affaire criminelle présentant le plus de ressemblance avec celle de Xavier Dupont de Ligonnès, disparu depuis avril 2011.

Le cas Bradford Bishop présente la difficulté de se situer à la frontière de plusieurs États de l'Est des États-Unis. Il débute autour de Washington D.C et, pour les faits connus, se termine dans le parc national des Great Smoky Mountains, à la frontière entre la Caroline du Nord et le Tennessee.

Le 10 mars 1976, les officiers de police de Montgomery, dans le Maryland, ont été mis au courant que cinq corps non identifiés avaient été déterrés dans un endroit reculé en Caroline du Nord et qu'un flyer à propos d'une famille disparue quelques jours plus tôt à Bethesda (Maryland) était affiché à la quincaillerie Poch de Potomac, la ville voisine.

Le flyer montrait la mère de Bradford Bishop, Lobelia, 68 ans, sa femme Annette, 37 ans, et leurs trois garçons, William Bradford III, 14 ans, Brenton, 10 ans, et Geoffrey, 5 ans. La famille vivant à Bethesda, par réflexe, les policiers avaient pris un exemplaire du flyer dans le magasin et l'ont ensuite montré à la jeune femme qui avait été la baby-sitter des Bishop. Peu après celle-ci s'est écriée : "C'est la famille Bishop !"

Le matin même, l'un des policiers s'était rendu au domicile de William Bradford Bishop Junior à Bethesda parce qu'un voisin inquiet n'y avait vu aucun signe de vie depuis une semaine et il avait appelé la police. Au 8103 Lilly Stone Drive, le détective a trouvé du sang sur le porche de la résidence, sur le sol, sur les murs du hall d'entrée et des chambres.

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William Bradford Bishop Junior, le père de famille de 39 ans habitant à cette adresse, était connu pour avoir un niveau d'études supérieures. Jeune élève, il avait d'abord fréquenté la South Pasadena High School, puis avait obtenu une licence en histoire de l'université de Yale, une maîtrise en études internationales du Middlebury College ainsi qu'une maîtrise en études africaines de l'Université de Californie Los Angeles. Il s'était ensuite engagé dans l'armée et y avait travaillé pendant quatre ans, dans le contre-espionnage.

Ayant quitté l'armée, il avait rejoint le département d'État américain et servi dans les "services extérieurs". Occupant de nombreux postes à l'étranger, notamment dans plusieurs villes italiennes, il avait fait ensuite des études supérieures à Florence, servi dans différents pays africains et s'était retrouvé finalement au siège du département d'État à Washington, D.C. en 1974, flanqué d'un titre professionnel à rallonge. 

Ce diplomate américain, après avoir obtenu son diplôme de Yale, avait épousé son amour de lycée. Il parlait couramment cinq langues, anglais, italien, français, espagnol et serbo-croate. La famille n'avait semble-t-il aucune difficulté particulière autre que celles de la vie courante d'une bonne partie des américains de la classe moyenne. Elle était très unie et sportive et Bradford Bishop était un homme de Plein-Air.

La maison des Bishop a été revendue un an après le drame
Le 1er mars 1976

Cependant, le 1er mars 1976, Bradford Bishop apprend qu'il ne recevrait pas la promotion qu'il avait demandée. Peu après, il dit à sa secrétaire qu'il ne se sent pas bien et quitte son bureau situé dans le quartier de Washington D.C., à l'ouest de la Maison Blanche, où se trouvent de nombreuses agences fédérales et institutions internationales. La police pense qu'il s'est rendu à sa banque, d'où il a retiré plusieurs centaines de dollars, puis au centre commercial de Montgomery, où il a acheté une masse et un bidon d'essence. Il est supposé qu'il a ensuite rempli le réservoir de sa voiture, une Chevrolet break de 1974 ainsi que le bidon, dans la station-service du centre commercial. Il s'est rendu peu après dans une quincaillerie Poch, où il a acheté une pelle et une fourche.

Bradford Bishop est retourné à son domicile de Bethesda entre 19h30 et 20h00. La police pense que les deux femmes ont été attaquées avant de se coucher puisqu'elles portaient des vêtements de jour. Sa femme en premier, et sa mère alors qu'elle revenait de promener le chien de la famille. Selon les constatations le meurtrier aurait matraqué à la tête, jusqu'à la mort, ses trois fils après qu'ils se soient couchés, puisqu'ils portaient encore leur pyjamas. Le tueur a épargné le chien et a semble t-il transporté les cinq corps la nuit, les tirant jusqu'à l'allée, et les jetant dans le véhicule familial.

En fin de journée le 1er mars, Bradford Bishop aurait conduit environ cinq heures en compagnie de son chien, avec dans le break les corps des siens, ceci sur plus de 440 km jusqu'à un marécage boisé de Caroline du Nord. Le lendemain 2 mars, il creuse un grand trou peu profond pour y entasser les corps et y mettre le feu avec de l'essence. Non loin des corps brûlés se trouvaient un bidon d'essence, une fourche de jardin et une pelle provenant de la quincaillerie Poch, et aussi des traces de pneus. L'homme aurait ensuite acheté, et payé avec sa carte bancaire, des affaires de sport dans un magasin de Caroline du Nord, à Jacksonville.

Le break de Bishop a été retrouvé abandonné le 18 mars 1976 vers midi près de Gatlinburg, dans le parc national des Great Smoky Mountains au Tennessee, sur un terrain de camping isolé, Elkmont camp grounds, à plus de 640 km de l'endroit où les corps ont été enterrés. L'intérieur de la voiture montrait des traces de sang sur sa partie arrière. Selon les informations recueillies sur place, le break aurait été présent sur le terrain quatre ou cinq jours après les meurtres, autour du 6-7 mars. La police suppose que Bradford Bishop aurait pu rejoindre des randonneurs sur le sentier des Appalaches. Aucune trace olfactive de Bradford Bishop n'a pu être retrouvée par les limiers.

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Le jour même de la découverte, un grand jury a inculpé Bishop de cinq chefs d'accusation de meurtre au premier degré et de plusieurs autres chefs d'accusation. Quelles preuves ont été présentées au grand jury pour les justifier ? Le procureur de l'État a déclaré qu'il s'agissait principalement de circonstances.

Autour de l'affaire Bradford Bishop

Personne, pas même le propriétaire de la maison proche, n'a remarqué la présence de Bradford Bishop sur le parking où sa voiture a été retrouvée, un endroit utilisé régulièrement par les randonneurs pour y stationner leurs véhicules quelques jours. Il a fallu attendre une semaine avant que la découverte des corps par un garde forestier soit reliée à la disparition de la famille à Bethesda. Ce mois de mars 1976, une vague de chaleur exceptionnelle a drainé de nombreuse personnes dans le parc naturel. Selon des témoins, quand Bradford Bishop est allé acheter des affaires de sport à Jacksonville, on parle de chaussures de tennis, il aurait été accompagné de son chien, un golden retriever nommé Leo* et peut-être d'une femme décrite comme "à la peau foncée".

Des recherches ont été menées de Bethesda jusqu'au Bostwana. Les membres de la famille possédaient un passeport diplomatique et celui de Bradford Bishop était manquant. Le mobile des meurtres laisse les enquêteurs perplexes, la famille étant en apparence unie, et dans la mesure ou le fugitif travaillait dans le contre-espionnage, une opération de "nettoyage" est parfois évoquée. Quelques personnes crédibles comme d'anciens collègues ou voisins disent l'avoir aperçu en Europe.

En 2021, une femme, Kathy Gillcrist, qui avait été élevée par des parents adoptifs et dont la cousine est une passionnée de généalogie a découvert grâce à une recherche ADN et généalogique sur Internet qu'elle était la fille naturelle de Bradford Bishop. Cette information a ensuite été transmise au FBI qui disposait d'éléments prélevés en 1976 dans le break abandonné, notamment des mégots de cigarettes de Bradford Bishop.

Madame Gillcrist avait 18 ans en mars 1976 lors du drame de Bethesda. Elle venait d'être couronnée Miss Stoughton, une petite ville du Massachusetts où elle a grandi. La découverte d'une fille naturelle de Bradford Bishop ouvre une nouvelle porte sur la vie inconnue du fugitif, notamment sur la période comprise entre 1957 et 1960, et sur de possibles événements reliés à ses études à Yale. D'éventuelles découvertes permettraient-elles d'éclairer la tuerie du 1er mars 1976 ?

 

* L'un des deux labradors de Xavier Dupont de Ligonnès s'appelait Léon.

Sources : https://web.archive.org/web/20080814201729/http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,911759,00.html (article du lundi 22 mars 1976), en.wikipedia.org, NBC4 Washington, différents articles du Washington Post, Washington Post papier 03.19.76, Harold Weisberg (et image), Google Street View.

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