24 avril 2019

La Morris Cowley d'Agatha Christie : Une si fidèle complice



Au début du mois de décembre 1926, le lieu pittoresque de Newlands Corner dans le Surrey est le théâtre d'un événement dont la presse anglaise et internationale se fait largement l'écho, la disparition d'Agatha Christie. (3e partie)

A quelques centaines de mètres du point de vue réputé, on découvre de très bonne heure une automobile abandonnée légèrement accidentée. A l'intérieur se trouvent différents objets personnels appartenant à Agatha Christie, dont une Licence de conduite à son nom. La propriétaire semble pourtant s'être évaporée. La voiture va-t-elle livrer ses secrets ?

Tôt le matin du 4 décembre 1926, Edward McAllister, présenté comme "un ouvrier de la mine", se rend à son travail à vélo. Il signale que vers 6h20, non loin de Newlands Corner, une femme sans chapeau et avec du givre dans les cheveux lui a demandé de l'aide pour démarrer sa voiture. McAllister raconte* : "Vers 6 h 20, samedi matin, j'ai vu une voiture avec une femme à l'arrière. Elle m'a dit : "Pourriez-vous démarrer ma voiture, s'il vous plaît ? J'ai dit : "Je vais essayer. Je suis descendu de mon vélo et j'ai démarré la voiture après quelques petits problèmes. Le radiateur était froid et les lumières de la voiture étaient allumées."
McAllister parle d'une automobile qu'il n'a pas vue à priori accidentée, dont la conductrice a simplement un problème de démarrage en raison du froid et avec une batterie qui n'est pas totalement déchargée, puisque les lumières "étaient allumées". Il est question ici des feux de position du véhicule, obligatoires en cette saison.

La voiture retrouvée peu après se trouve à faible distance de là, sur un chemin bordant une carrière, et quelques jours plus tard une pseudo reconstitution de l'accident est faite par la Police. Mais le véhicule utilisé est un modèle de la marque Dennis. "Ce qu'il y a d'intéressant à propos de cette voiture, c'est que Dennis avait une usine à Guildford, juste en bas de la route où Agatha Christie a disparu." nous dit le blog de David Fryer*. C'est ici tout ce qu'il peut y avoir d'intéressant puisque personne ne sait ce qu'il s'est réellement passé et le véhicule, qui est un impressionnant, et haut, landaulet, date d'avant 1915. David Fryer pense d'ailleurs qu'il pourrait avoir été fourni par l'usine.

A quoi ressemblait la voiture ?

Le modèle de Morris Cowley acheté par Agatha Christie reste une énigme. David Fryer indique "Il n'y a pas de photos publiées, pas de documents, pas de numéro d'enregistrement, et très peu de détails autres qu'une mention occasionnelle dans son autobiographie et ses interviews."
Même le Daily Mail, qui consacra en décembre 1926 plusieurs pages à l'incident, avec de nombreuses photos à l'appui, n'en publiera aucune de la Morris Cowley.

Pour David Fryer, il semblerait que l'automobile ait été rapidement enlevée par la police et envoyée au Sanford Garage à Guildford, "vraisemblablement avant que la presse ne soit alertée."
Selon une source citée par Andrew Norman**, la Morris Cowley serait arrivée au garage de Guilford le samedi 4 décembre après-midi. L'employé y jette un coup d'oeil. Outre la batterie déchargée, les dommages qu'il constate sont le capot légèrement endommagé, le câble du compteur de vitesse cassé, et une aile avant un peu pliée.

On ne possède donc aucune image de la voiture accidentée. Aucune photo n'aurait été prise, ni sur le lieu de l'accident, où elle serait restée jusqu'aux alentours de midi, ni dans le garage de Guilford, d'où elle en serait repartie dès le dimanche 5 décembre pour Sunningdale.

Le matin de l'événement les esprits s'étaient focalisés sur la disparition de la romancière et non sur sa pauvre voiture endommagée. En décembre 1926, le Daily Mail décrit le véhicule comme une voiture biplace (détail qui a été repris dans les journaux français de l'époque). A l'opposé, la description trouvée sur une affiche de recherche de la police du Berkshire, publiée le 9 décembre 1926 présente la Morris Cowley comme une "4 places".

Il n'existe pas de dates précises mentionnées dans les écrits ou les entretiens d'Agatha Christie sur l'année d'achat de sa voiture, acquise sur la suggestion de son mari, mais d'après David Fryer "son autobiographie offre quelques indices utiles"*.

On ne peut cependant pas prendre tous les éléments indiqués dans l'autobiographie d'Agatha Christie au pied de la lettre. Dans ses souvenirs elle associe parfois des faits qui ne se situent pas à la même époque. La mémoire de la romancière quand elle a écrit son autobiographie n'est plus si précise. Par exemple elle dit : "Anna l'aventurière était maintenant parue dans le Evening News et j'avais acheté ma Morris Cowley". Elle apprend à la conduire et ajoute "presque immédiatement la grève générale était sur nous, avant que j'aie eu plus de trois leçons avec Archie".

Anne l'aventurière est une adaptation sous forme de série de son quatrième roman, L'homme au complet marron, publié par son éditeur en août 1924. Après la sortie du livre en librairie, le journal londonien Evening News en achète les droits de publication sous forme d'un feuilleton quotidien, pour une somme de 500£. Quant à la grève générale en Angleterre, elle eut lieu en mai 1926.

Agatha Christie a-t-elle acheté la voiture en 1924 ?

La romancière possédait une Morris Cowley Bullnose. Et le plus surprenant dans toute cette affaire de disparition durant 11 jours, est que l'élément central de l'affaire, la voiture, reste un mystère. Les informations la concernant sont presque inexistantes. On ne sait rien de précis à son sujet.

En 1924, les Christie déménagent de Londres vers Sunningdale. Ils louent d'abord l'un des deux appartements des étages supérieurs d'une grande maison Victorienne du nom de Scotswood. Agatha Christie achète sa Morris Cowley peu après l'arrivée de la famille Christie à Sunningdale grâce aux 500 Livres Sterling gagnées. C'est seulement au début de 1926 que les Christie achètent leur propre maison, nommée ensuite Styles en référence au premier roman d'Agatha publié, La Mystérieuse affaire de Styles.

Agatha Christie débute la conduite de son automobile avec appréhension. La prise en mains est difficile et, probablement pour qu'elle se familiarise avec, son mari lui demande rapidement de le conduire à Londres.

Elle s'habitue ensuite peu à peu à rentrer dans son garage et de se mêler aux autres conducteurs "J'ai gagné un peu de confiance en moi et après trois ou quatre jours, j'ai pu pénétrer plus loin dans Londres et braver les dangers de la circulation. Oh la joie que cette voiture a été pour moi ! (...) L'un des plus grands plaisirs que j'ai eu en sortant avec la voiture a été d'aller à Ashfield et d'emmener maman faire un tour en voiture. Elle l'aimait passionnément, tout comme moi. (...) Je ne pense pas que rien ne m'ait donné plus de plaisir, plus de joie de réussir que ma chère Morris Cowley au nez de bouteille."

Quels autres indices peut-on trouver  ?



Pourquoi la presse de l'époque indique-t-elle que la Morris Cowley d'Agatha Christie est une deux places ?
Au travers des années, on a pu chercher dans les écrits de la romancière des éléments d'explication concernant les raisons de sa fugue durant 11 jours. Peut-on, parmi ce qu'a publié la reine du roman policier à énigme, trouver aussi des indices sur la voiture ?

En décembre 1924, soit précisément deux ans avant sa disparition temporaire, est publié au Royaume-Uni une nouvelle dans une revue. Dans cette nouvelle, La Métamorphose d'Edward Robinson***, on apprend que la romancière connaissait précisément un modèle de cabriolet dont le prix avoisinait les 500£. Le héros de l'histoire, Edward Robinson, "réfléchit aux moyens de dépenser les cinq cents livres qu'il vient de gagner dans un concours. Il sait ce qu'il veut en faire, du moins pour 465 de ceux-ci, acheter une voiture élégante, rapide, à deux places."

Agatha Christie a récupéré et conservé au moins jusqu'en 1930 sa voiture bien aimée et pourtant abimée en 1926. Durant les premiers mois où elle fréquente l'archéologue Max Mallowan, qu'elle a rencontré au Moyen-Orient, elle organise un pique-nique près de Torquay sur proposition de sa fille.
Elle raconte "(...) il était presque certain qu'il (ndr. le temps) allait être humide. Rosalind nous a proposé d'aller pique-niquer sur la lande. J'étais enthousiaste à ce sujet, et Max était d'accord, avec une apparence de plaisir.(...) J'avais l'habitude de conduire ma fidèle Morris Cowley, qui était bien sûr une voiture de tourisme ouverte, et qui avait une vielle capote avec plusieurs trous dans sa structure, de sorte que, assis à l'arrière, l'eau coulait régulièrement à l'arrière de votre cou. (...) Nous avons donc commencé et la pluie est arrivée. J'ai persisté, cependant, et j'ai parlé à Max des nombreuses beautés de la lande, qu'il ne pouvait pas tout à fait voir à travers la brume et la pluie battantes."
Il n'est pas précisé si Rosalind avait proposé à sa mère et son ami Max d'aller faire un pique-nique romantique ou si elle était présente. En tout état de cause, la Morris Cowley dont il est question est à quatre places.

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*   https://maximalist01.com/agatha-christie-and-the-mystery-of-the-missing-morris/
**  Agatha Christie: The Disappearing Novelist - Andrew Norman - Google Livres
*** Initialement publié au Royaume-Uni sous le titre The Day of His Dreams
Photos : Timbre: Amazon - Surrey Advertiser d'après SurreyLive (getsurrey.co.uk) - Modèle de voiture identique, d'après copie d'écran de https://www.museumoftechnology.com/news/aug2016/mmoc

10 avril 2019

Les disparitions d'Una Crowe, du Trio manquant de Fort Worth et de Lynne Schulze


Disparitions en décembre

En décembre 1926, Agatha Christie est recherchée depuis une semaine lorsqu'à Londres disparait une jeune fille d'une vingtaine d'années, Una Crowe, partie sans raison apparente du domicile familial de Chelsea le matin du samedi 11.

La récente disparition inexpliquée de la romancière et le fait qu'Una Crowe est la seconde fille de feu Sir Eyre Crowe, diplomate du Foreign Office (décédé le 28 avril 1925) font que la presse anglo-saxonne s'intéresse quelque peu au sort de cette jeune fille disparue.
Sir Eyre est relativement connu en Angleterre, il avait notamment oeuvré à la construction du ministère du Blocus pendant la Première Guerre Mondiale et avait travaillé en étroite collaboration avec le président Georges Clemenceau au Conseil Suprême lors de la Conférence de paix de Versailles en 1919.

Daily News, Perth, Australie
Quelques jours plus tard, le 20 décembre, la jeune fille est retrouvée noyée au pied d'une falaise du Dorset. Le New York Times titrera "Le corps de Miss Crowe trouvé au bord de la mer échoué par les vagues près du petit cimetière où repose son père."
Le 22 décembre 1926 on pourra lire à la page 7 du New York Times "le jury du coroner décide que la fille anglaise s'est suicidée pendant qu'elle était inconsciente."

Inconsolable depuis le décès de son père duquel elle était très proche, Una Crowe se serait jetée de la falaise après un dernier moment de recueillement sur sa tombe. Pratiquement vingt mois se sont pourtant passés entre les deux décès et il ne semble pas que la jeune fille ait laissé de lettre expliquant son geste.

Le Trio manquant de Fort Worth


Le lundi 23 décembre 1974, deux jeunes filles habitant Fort Worth, une ville située à côté de Dallas au Texas, partent effectuer leurs achats de Noël peu avant midi. Rachel Arnold Trlica, 17 ans, et Renee Wilson, 14 ans, sont accompagnées ce jour-là de Julie Ann Moseley, 9 ans. Toutes trois vont devenir ce que l'Amérique connaîtra sous l'appellation Le Fort Worth Missing Trio.

En cette fin d'année 1974, Rachel est mariée avec Thomas (Tommy) Trlica depuis environ 6 mois. Elle porte une alliance. Selon cette source "Elle était mariée, ce qui n'était pas aussi inhabituel en 1974 qu'aujourd'hui." Tommy a 21 ans. Auparavant divorcé, il est le père d'un petit garçon de 2 ans, Shawn. Avant de se remarier, Tommy a fréquenté durant quelques temps la soeur aînée de Rachel, Debra (19 ans).

Les deux soeurs paraissent en bons termes puisque, suite à une rupture avec son nouveau petit ami, Debra habite chez les jeunes mariés dans l'attente de trouver un nouveau logement.

Rachel Trlica est étudiante à la Southwest High School de Fort Worth et elle recherche aussi un emploi dans un magasin. Elle est amie avec Renee Wilson depuis plusieurs années. Leurs familles ont souvent vécu des campements et pêché ensemble. Rachel conduit une voiture récente, une Oldsmobile 98 de 1972.

La plus jeune des trois filles, Julie Ann, habite en face de la grand-mère de Renee, grand-mère chez qui l'adolescente de 14 ans vit la plupart du temps. Renee côtoie les enfants Moseley et a le béguin pour le frère aîné de Julie Ann, Terry.
Tôt le matin de ce 23 décembre 1974, Le jeune homme âgé de 15 ans a d'ailleurs fait une surprise à Renee en lui offrant une bague de fiançailles ornée de deux dauphins tout en lui faisant un serment d'amour éternel.

Ce matin-là, ni Debra, chez les Trlica, qui souhaite rester au lit, ni Janet (11 ans) la plus grande des deux soeurs de Terry Moseley, ni Terry lui-même, qui ont d'autres activités de prévues, ne sont intéressés par la proposition de Rachel et de Renee de les accompagner pour faire les boutiques au centre commercial. Mais Julie Ann, elle, souhaite absolument venir avec les deux jeunes filles. N'ayant que 9 ans, Rachel lui demande donc d'appeler sa mère Rayanne Moseley pour lui demander son autorisation en espérant secrètement qu'elle dise non. Au téléphone, Julie Ann prétexte néanmoins auprès de sa mère qu'elle ne veut pas rester seule pour passer la journée, qu'elle va s'ennuyer, etc.

La maman de Julie Ann connait Renée et sa mère, mais ne connait pas bien Rachel. Elle lui dit d'abord de rester à la maison, qu'elle n'a pas d'argent, puis finit par céder devant les lamentations de sa fille, tout en fixant une heure limite : 18h. En tout état de cause, les filles doivent être rentrées avant 16h car Renee et Terry participent le soir même à une Christmas Party et Renee souhaite avoir le temps de se préparer avant de sortir.

En fin de matinée le trio monte dans l'Oldsmobile de Rachel et va d'abord au magasin de l'Armée de terre et de la Marine pour récupérer des jeans mis de côté pour le Noël de Renee, puis vers midi les filles se rendent au centre commercial Séminaire Sud de Fort Worth (qui est maintenant le Gran Plaza). Rachel stationne la voiture au niveau supérieur, à proximité du magasin Sears.

Les trois filles sont bien entrées dans le centre commercial. Après leur disparition, plusieurs témoins ont rapporté avoir vu les filles dans le Séminaire Sud ce lundi-là. En effet, pour faire du shopping, Renee portait un sweet shirt distinctif. De plus,"Au début de l'année 1975, un jeune homme prétendant être une connaissance de Rachel a fini par dire qu'il les avait vues dans le rayon disques d'un magasin du centre commercial"*. Rachel et lui "se sont vus et ont parlé brièvement". Il a aussi affirmé "qu'une autre personne semblait être avec les filles."

Elles sont retournées au moins une fois à la voiture, qui a été retrouvée garée au niveau supérieur du parking et correctement fermée. A l'arrière, était posé un cadeau emballé pour Shawn, le beau-fils de Rachel. On découvrira plus tard dans le coffre de l'Oldsmobile les jeans pour Renee.
Plus de 44 ans plus tard, malgré quelques pièces versées, des témoignages peu fiables ajoutés et les enquêtes diverses conduites sans succès, le dossier sur la disparition de Rachel, de Renee et de Julie Ann reste ouvert.

L'étudiante disparue un jour d'examen

Née le 9 février 1953, Lynne Schulze a 18 ans lorsqu'elle disparaît le vendredi 10 décembre 1971. Cette jeune fille qui a grandi à Simsbury dans le Connecticut est en première année au Middlebury College à Middlebury, dans le Vermont.

Ce que l'on sait de la dernière journée de Lynne Schulze :

A 7h45, elle dort encore lorsque ses colocataires s'en vont.

A 12h30, un ou une camarade de classe la remarque sur Court Street à Middlebury, à l'extérieur d'un bâtiment où se situent la gare routière et un magasin d'aliments naturels à l'enseigne All Good Things. Elle mange des pruneaux séchés achetés dans le magasin et dit à sa ou son camarade qu'elle va à New York, mais que le bus est déjà parti.
Lynne Schulze retourne ensuite sur le campus accompagnée par un ou une camarade de classe.

A 12h45, la jeune fille est vue par une amie et une camarade de classe dans sa chambre de dortoir. Elles doivent passer ensemble un examen final à 13h, mais Lynne est distraite, et ne veut pas parler de l'examen. Elle cherche partout son stylo préféré.
A 12h50, elle est vue par la même amie et se trouve à ce moment-là toujours dans sa chambre.
A 12h55, elle n'est plus dans sa chambre de dortoir. L'amie se rend à l'examen.

A 13h00, Lynne Schulze n'a pas passé son examen final.
A 14h15, elle est de nouveau vue debout sur Court Street par un autre étudiant. Cette fois-ci elle se trouve en face de la gare routière et du magasin d'aliments naturels. C'est la dernière fois que l'on verra Lynne Schulze à Middlebury.

Passionnée de plein air et de randonnées, la jeune fille passait ses weekends à explorer la Nouvelle-Angleterre, souvent en auto-stop, mais n'était pas fugueuse. Elle retournait toujours vers sa famille. En 2012, on a appris qu'un présumé tueur en série qui aurait sévi dans les années 1982 à 2001 aurait été propriétaire d'un magasin d'alimentation naturelle à Middlebury à l'époque de la disparition de Lynne Schulze.

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Sources : Una Crowe : Wikipedia +  https://www.britannica.com/biography/Eyre-Crowe https://www.nytimes.com/1926/12/21/archives/miss-crowes-body-found-on-seashore-washed-up-by-the-waves-near.html https://www.nytimes.com/1926/12/22/archives/una-crowe-will-rest-in-grave-with-father-coroners-jury-decides.html https://trove.nla.gov.au/newspaper/article/82039030. Photo en-tête : Rare image de Una Crowe, Le Matin, BnF.
Trio manquant : Wikipedia* + missingtrio.com +  https://medium.com/things-we-find-in-the-dark/what-happened-to-the-fort-worth-trio-30345cbb871a https://www.star-telegram.com/latest-news/article190898639.html
Lynne Schulze : http://www.doenetwork.org/cases/1582dfvt.html https://vsp.vermont.gov/unsolved/missing/c/schulze

02 avril 2019

Agatha Christie : Des idées noires dans une nuit glaciale


Depuis 1926, la surprenante disparition d'Agatha Christie durant 11 jours est restée inexpliquée. Aujourd'hui, le voile se lève un peu plus sur cette incroyable affaire qui n'a cessé d'interroger ses fans et la presse. (2e partie)

Disparitions en décembre

Commençons par la référence que fait le site SurreyLive* à un entretien donné par Agatha Christie au Daily Mail en février 1928, entretien dans lequel la romancière raconte comment, le 3 décembre 1926, sur le chemin du retour d'une visite chez un proche à Dorking, proche qui se révélera plus tard être la mère de son mari, elle passa devant une carrière de craie qui allait devenir la plus célèbre d'Angleterre.

L'interview du Daily Mail relate la version de la reine du roman policier à énigme au travers de présumés souvenirs, vingt-six mois après l'événement.
"L'idée m'est venue à l'esprit de rentrer dedans", dit Agatha Christie au journal. Elle déclare donc son souhait, au retour de Dorking, de jeter sa voiture contre le flanc d'une falaise du site géologique bien connu de Shere. Mais elle déclare aussitôt "Cependant, comme ma fille était avec moi dans la voiture, j'ai immédiatement rejeté l'idée." Elle ajoute "Cette nuit-là, je me sentais terriblement malheureuse."

On peut sans trop faire d'erreur, imaginer qu'elle était venue parler à sa belle-mère de son problème de couple et qu'elle en sera ressortie insatisfaite. Selon la majorité des sources, peu après son retour à Styles ce vendredi 3 décembre, celle qui avait publié quelques mois auparavant Le Meurtre de Roger Ackroyd repart un peu plus tard pour refaire le trajet de l'après-midi.

Au Daily Mail, Agatha Christie déclare "J'ai quitté la maison cette nuit-là dans un état de grande tension nerveuse avec l'intention de faire quelque chose de désespéré." Elle poursuit : "Quand j'ai atteint un point sur la route que je pensais être proche de la carrière, j'ai tourné la voiture hors de la route en descendant la colline vers celle-ci. J'ai laissé le volant et la voiture tourner. La voiture a heurté quelque chose avec une secousse et s'est arrêtée soudainement. J'ai été projeté contre le volant, et ma tête a heurté quelque chose. Jusque-là, j'étais Mme Christie."
Selon elle, la femme de 36 ans qu'était Agatha Christie aurait pris fin cette nuit de décembre 1926.

Retour en arrière

Le mercredi 1er décembre, Agatha Christie s'était rendue à Londres pour un dîner et avait passé la nuit dans son club. Il est plus que probable qu'elle soit restée à Londres le jeudi 2 décembre car elle devait voir ses agents littéraires l'après-midi. Le soir elle se rend à Ascot, village voisin de Sunningdale, avec sa secrétaire Charlotte Fisher, pour y prendre une leçon de danse hebdomadaire.

On sait que le matin du 3 décembre 1926, Agatha et son mari Archibald Christie se sont querellés. En août, "Archie" avait admis entretenir une liaison avec Nancy Neele depuis 18 mois et ce matin du 3 décembre le Colonel Christie décide de partir vivre chez sa maîtresse. Dans la journée, Agatha Christie se rend chez sa belle-mère à Dorking. On sait qu'elle s'y rend avec sa voiture et non en train, selon ses déclarations de 1928 au Daily Mail. Si elle part de Styles à ce moment-là, son probable itinéraire est Sunningdale, Chobham, Woking, West Clandon, Wotton, Dorking. Par estimation son trajet effectué de jour serait d'une heure à une heure et trente minutes.

Parvenue à Dorking, Agatha Christie ne reste chez sa belle-mère qu'une seule heure, entre 17h et 18h, malgré le trajet effectué. Puis, elle repart pour rentrer chez elle. La carrière dont elle parle dans son entretien, elle dit l'avoir vue au retour de Dorking vers Sunningdale. Dans ce sens, elle se trouve à environ un tiers du trajet. Agatha Christie n'arrive sans doute pas à proximité du site géologique avant 18h30. Or, en décembre à cette heure, il fait déjà nuit. Il est donc plus probable qu'elle ait remarqué la carrière à l'aller ou bien qu'elle connaissait auparavant l'existence de l'endroit. Il existe en tout état de cause, une possibilité qu'elle ait remarqué le site à un autre moment, un moment où elle se trouvait dans un état d'esprit différent que celui du désespoir qu'elle évoque dans l'interview au Daily Mail.

Agatha Christie serait de retour à Styles vers 19h - 19h30. Selon les sources, elle en serait repartie à 21h45 ou 22h00. Elle affirme que sa fille Rosalind l'accompagnait lors du déplacement l'après-midi et l'histoire précise que la fillette était déjà couchée avant son second départ. Le temps de se restaurer, de se changer et d'écrire les lettres et la reine du roman policier pour qui les différents poisons n'ont déjà plus de secret "file vers 22h pour une virée nocturne dans la campagne anglaise au volant de sa Morris Cowley."**.

Dans le seul but d'aller fracasser son automobile et elle avec contre une falaise de craie ?

Agatha Christie en Weekend

Partie de Sunningdale un vendredi soir vers 22h, n'ayant pas nécessité de rouler à tombeau ouvert, enfin pas avant le lieu qu'elle avait, selon elle, choisi, la romancière a pu conduire prudemment. Elle n'a pas décidé de se jeter quelque part dans le Canal de Basingstoke, qui passe à Woking et, en tout état de cause, elle n'est sans doute pas arrivée à Newlands Corner avant 23h.

Il y a néanmoins une interrogation de plus. Selon la majorité des sources elle repart de Styles pour refaire, au moins en partie, le trajet de l'après-midi. Pourtant, dans un article du Mail Online datant du 6 mai 2017, le biographe Andrew Wilson déclare qu'elle serait d'abord partie dans une direction opposée (vers le Nord-Ouest) "Après avoir roulé sans but, elle s'est arrêtée près de la rivière à Maidenhead mais s'est rendu compte que même si elle se jetait à l'eau, elle était trop bonne nageuse pour se noyer. Finalement, elle est retournée à Newlands Corner." ***
Dans ce cas cela expliquerait le non-choix d'Agatha Christie pour le Canal de Basingstoke mais plus encore cela pourrait se révéler important en termes d'horaire, faisant repousser à plus tard dans la nuit son arrivée à Newlands Corner.

La disparition temporaire de la reine du crime demeure à ce jour une énigme parce qu'aucun élément de la vie d'Agatha Christie durant la nuit du vendredi 3 au samedi 4 décembre 1926 n'est précisément connu. On sait seulement que cette nuit a été hivernale. A quelle heure est-elle arrivée à Newlands Corner ? Mystère. A quelle heure en est-elle repartie ? Mystère.

Le samedi 4 décembre, peu avant le lever du jour°, un vacher du nom de Harry Green habitant au Sud-Ouest de Newlands Corner, repère une voiture abandonnée dont les phares éclairent l'obscurité du petit matin. Etant sur le chemin vers son lieu de travail, Green décide de ne rien faire de particulier. Un peu plus tard, vers 8h, un jeune gitan appelé Jack (ou George selon les versions) Best, aperçoit lui aussi les lumières de l'automobile en promenant son chien. Il s'approche, et découvre une Morris Cowley avec l'avant enfoncé dans un buisson.
Dans le même temps, survient un certain Frederick Dore, testeur de voitures. Après avoir vu le véhicule, il appelle la police depuis le Newlands Corner Hotel. La presse retiendra surtout le nom de Best, même si son prénom reste incertain.

La Morris Cowley se trouve sur un talus herbeux, les roues arrière en l'air, la porte du conducteur est ouverte. Elle est en fait peu accidentée. A l'intérieur se trouvent différents objets personnels appartenant à la romancière, dont un permis de conduire, au sujet duquel il est souvent précisé qu'il était périmé.

Agatha Christie, elle, est déjà loin.

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Base prise pour les déplacements Sunningdale-Dorking : 26 Miles/42Km/h, vitesse 30-40 Km/h. Sources :
*   https://www.getsurrey.co.uk/news/surrey-news/writer-comes-up-new-agatha-13026592
**  L'étrange fugue d'Agatha Christie (sofb.fr)
***https://www.dailymail.co.uk/home/event/article-4476568/The-disappearance-crime-novelist-Agatha-Christie.html (par Andrew Wilson)
https://www.surreylife.co.uk/out-about/agatha-christie-and-a-real-life-shere-murder-mystery-1-1632599 le 15/09/2010 (texte par Alec Kingham) republication d'un article du magazine Surrey Life d'octobre 2008. Recherches dans les pages de "Agatha Christie: The Disappearing Novelist", d'Andrew Norman. Recherche dans une page de "A Talent For Murder : A Novel" d'Andrew Wilson.
° Pour info les levers du jour des 4 décembre 2019 et 1999 ont lieu à 7:47 (timeanddate.com)

20 mars 2019

L'énigme Barbara Newhall Follett, enfant prodige disparue mystérieusement à 25 ans

Disparitions en décembre

Il est un cas de disparition inquiétante méconnu en France, celui de la jeune romancière américaine Barbara Newhall Follett. Elle s'évanouit le 7 décembre 1939 à 25 ans de son appartement de Brookline, près de Boston dans le Massachusetts.

En ce début décembre 1939, cette disparition passe malheureusement sous silence aux Etats-Unis. Barbara Newhall Follett était pourtant connue comme une enfant prodige et avait auparavant reçu les critiques élogieuses de la presse new-yorkaise pour ses deux premiers romans. On ne la cherchera pas avant l'année suivante, la faute, en l'espèce, à un signalement à la police tardif et à une annonce de personne disparue encore plus tardive et surtout biaisée.

Une enfant prodige

Barbara Newhall Follett est née le 4 mars 1914 à Hanovre dans le New Hampshire. Fille d'un critique littéraire éditeur et d'une auteure de livres pour enfants, également ancienne institutrice, Barbara Newhall Follett bénéficie de l'école à domicile. Dès l'âge de 4 ans, elle écrit de la poésie. 

A 8 ans elle joue du piano et du violon et passe son temps à explorer les étendues sauvages autour du chalet que louent ses parents lorsqu'ils sont en vacances dans le New Hampshire. La petite fille à l'imagination poétique débordante crée aussi son monde Farksolia avec sa propre histoire, sa faune et son propre langage, le Farksoo. "Farksolia, s'enthousiasmait-elle, était une terre des plus belles, mais "très particulière et étrange à presque tous les égards". Pendant plusieurs années, son imagination s’est focalisée sur cette planète lointaine de son imagination. Elle a parlé de son désir de se rendre à Farksolia et a écrit des poèmes en "Farksoo"."***

Barbara Newhall Follett débute, dans les premiers mois de 1923, l'écriture de son roman La Maison sans fenêtres, utilisant pour cela une petite machine à écrire portable dont elle se servait depuis ses premiers poèmes.
Avec les précieux conseils apportés par son père La Maison sans fenêtres est publié en 1927. "(...) l’histoire concernait (selon la propre description de Barbara) «un enfant qui a fui la solitude pour trouver des compagnons dans les bois, des amis des animaux»."* Le Pr Paul Collins, de l'Université d'Etat de Portland, précise à ce sujet "En fait, c'était une histoire très obsédante. (...) Et il y a une qualité vraiment envoûtante, presque féerique, dans ce travail."**

Son second livre, publié en 1928, s'intitule le Le Voyage du Norman D.[1]. Il est basé sur son expérience durant un voyage en Nouvelle-Ecosse lorsqu'elle a 13 ans, comme membre d'équipage à bord d'une goélette côtière, le Frederick H.


Peu avant la publication de ce second roman, un événement vient troubler à tout jamais la vie de Barbara Newhall Follett. A 41 ans son père laisse le foyer familial pour une jeune femme de 20 ans. L'adolescente de 14 ans est dévastée. Sa mère essaye malgré tout de lui remonter le moral et l'emmène faire un périple à travers les Antilles, afin qu'elles puissent écrire des articles de voyages pour des magazines, mais rien ne se passe comme prévu. Mère et fille se querellent, Barbara fait une dépression nerveuse.
En mai 1929, Barbara Follett et sa mère explorent les îles des mers du Sud et fin août 1929, les deux femmes visitent Honolulu. Puis, lors de leur retour vers le continent à bord d'une goélette, Le Vigilant, la jeune femme, qui a 15 ans, s'entiche du second lieutenant, Ed Anderson. Elle lui trouve toutes sortes de qualités et entretiendra avec lui une correspondance romantique durant un certain temps. Revenues aux États-Unis en septembre 1929, Barbara Newhall Follett et sa mère se posent à Pasadena, en Californie du Sud. Mais leurs relations continuant de se détériorer, mère et fille se séparent pour incompatibilité d'humeur.

Les réalités de l'existence

La maman de Barbara Newhall Follett retourne seule à Honolulu et la jeune romancière reste chez un ami de la famille à Pasadena, lieu qu'elle n'affectionne pas. Elle se retrouve contrainte d'aller à l'école, qu'elle déteste aussi. Elle s'enfuit quelques jours plus tard à San Francisco, finit par être retrouvée et arrêtée par la police, puis placée en cellule, ce qu'elle aime encore moins, mais ici surtout par rapport à l'esthétisme de l'événement. "Tout ce que je demande, c'est d'être laissée seule pour faire ce qui me semble le mieux."*** dira-t-elle, notamment.

Vers la fin de l'année 1929, la Grande Dépression arrive. Le père de Barbara ayant perdu son travail - l'employeur avait peu apprécié le scandale familial - femme et enfants restèrent dès lors financièrement démunis. A 16 ans, l'ambition de Barbara Follett de continuer à écrire doit laisser place à "un travail de rédactrice de synopsis auprès de la Fox Film Corporation"*** qu'elle obtient après avoir suivi des cours accélérés en sténographie et dactylographie d'entreprise.

Quelques temps plus tard, durant l'été 1931, la mère de Barbara loue un chalet pour sa famille à Norwich, dans le Vermont, ville se trouvant pratiquement face à Hanovre où Barbara Follett est née, mais dans l'Etat voisin. A cette occasion elle rencontre Nickerson Rogers, un jeune amateur de plein air et de nature, auprès duquel elle trouve une nouvelle dynamique de vie et de partage "Bien qu'elle ait écrit à une amie qu'elle avait toujours Ed Anderson "au fond de mon esprit--en réserve, pour ainsi dire.""***
Barbara voyage beaucoup avec Nickerson Rogers, notamment en Europe, puis l'épouse à 19 ans, fin 1933. En 1934, elle écrit deux autres livres L'Île perdue et Voyages sans âne, ainsi que de nombreuses lettres.
Tout semble bien se passer dans le couple, mais, au retour d’un voyage effectué seule en novembre 1939, Barbara découvre que son mari lui a été infidèle et devient de nouveau déprimée. Le jeudi 7 décembre, après une dispute avec Nickerson Rogers, Barbara Newhall Follett quitte l'appartement de Brookline, dans la banlieue de Boston, avec seulement quelques dollars en poche et un carnet.

Personne ne l'a jamais revue.

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[1] Prononcer Normandy.
Sources, notamment :
*   Barbara Newhall Follett, Disappearing Child Genius, NPR.org
**  https://the-line-up.com/barbara-newhall-follett
*** http://strangeco.blogspot.com/2018/04/the-girl-from-farksolia-review-of.html
     https://en.wikipedia.org/wiki/Barbara_Newhall_Follett,
     https://www.atlasobscura.com/places/last-known-whereabouts-of-barbara-newhall-follett
     https://www.laphamsquarterly.org/celebrity/vanishing-act
     https://crimereads.com/what-happened-to-barbara-newhall-follett/


14 mars 2019

L'étrange fugue d'Agatha Christie


Les disparitions en décembre



Voici tous les détails de l'étrange disparition de celle qui demeure la reine incontestable du roman policier anglais. (Partie I)

Un départ de Styles bien mystérieux

Au soir du 3 décembre 1926, Agatha Christie monte les escaliers de sa maison de Styles pour embrasser sa fille Rosalind, âgée de sept ans. L'enfant est déjà endormie et ne s'aperçoit pas du départ de sa mère, qui file vers 22h pour une virée nocturne dans la campagne anglaise au volant de sa Morris Cowley.

De Sunningdale où elle réside dans les environs d'Ascot, Agatha Christie descend vers Guilford (Surrey), vers le Sud de l'Angleterre. C'est un jeune gitan qui le lendemain découvre la Morris Cowley enfoncée dans un buisson à Newlands Corner, près de Silent Pool, un étang légendaire d'une étrange immobilité. L'automobile retrouvée n'est pas accidentée à proprement parler, les phares sont encore allumés et à l'intérieur se trouvent des vêtements, une valisette, son sac à mains et ses papiers, dont un permis de conduire.

Selon un article du Surrey Advertiser intitulé Guildford Mystery et publié le 10 décembre 1926, on apprend que le vendredi 3 décembre, Agatha Christie est d'abord allée rendre visite à des amis à Dorking (situé à l'Est de Guilford) à 17h, amis qu'elle a quitté à 18h.
Pour Le Siècle du 9 décembre 1926 le frère du mari de la romancière reçut d'elle une lettre au contenu qu'il jugea sans importance, et dit l'avoir jetée. Il avait néanmoins conservé l'enveloppe, oblitérée le 4 décembre à 9h45 depuis le Sud-Ouest de Londres.


Deux autres lettres ont été laissées par Agatha Christie. Dans Le Journal du 13 décembre 1926 il est écrit "elle laissait en évidence sur une table une note adressée à sa secrétaire, disant qu'elle téléphonerait quand elle serait arrivée à destination." Et plus loin dans le même article "En quittant la maison, la romancière avait laissé à l'adresse de son mari une lettre à ouvrir au moment où son corps serait retrouvé". Les deux premières semblent contradictoires et la troisième, envoyée post accident, a un contenu rapporté par son beau-frère comme banal, mais correctement adressée à son destinataire.

Il est cependant curieux de conserver l'enveloppe d'un courrier présumé sans importance tout en se débarrassant de la lettre !
Il est question également d'une quatrième lettre, envoyée par Agatha Christie aussi le 4 décembre à son autre beau-frère James Watts, le mari de sa soeur, pour l'informer de son intention de visiter un spa dans le Yorkshire. Harrogate étant le plus célèbre spa du comté, elle pensait sans doute que son autre beau-frère comprendrait l'affaire où le dirait aux autorités, ce qu'il n'a pas fait.

Les mystères dans le mystère

Le journal Le Siècle mentionne que la lettre avait été postée "deux heures après le moment où l'auto abandonnée avait été découverte". Le Surrey Advertiser précise pour sa part que la Morris Cowley a été découverte à 8h du matin le samedi "trouvée coincée dans une haie au bord d'un pic de craie couvert de givre".

Plus loin dans l'article du Surrey Advertiser figure le curieux témoignage d'un certain Monsieur Calister : "À la suite de la diffusion de la description de Mme Christie, plusieurs personnes ont rapporté l’avoir vue. M.M.Calister a déclaré qu'une heure avant l'aube le samedi matin, une femme sans chapeau et aux cheveux recouverts de givre était venue vers lui à Newlands Corner et lui avait demandé de mettre sa voiture en marche."

L'homme, en réalité dénommé Mc Allister, s'exécuta et précisa que la femme partit en direction de Clandon. Sur la carte, West Clandon est situé au Nord-Est de Guilford, dans la direction de Kingston-Upon-Thames et du Sud-Ouest de Londres.

Surrey Advertiser

On ignore précisément de quel endroit et par quel moyen Agatha Christie a pu regagner Londres où elle a vraisemblablement pris un train pour rejoindre la ville d'eau dans laquelle on l'a retrouvée 11 jours après son départ : Harrogate, dans le Yorkshire du nord.

Au début des recherches, on s'était demandé si l'auteure du Meurtre de Roger Ackroyd, son dernier roman publié quelques mois plus tôt, était venue poster ou non elle-même la lettre pour son beau-frère à Londres. Il avait été découvert qu'Agatha Christie, après un dîner, avait passé la nuit de mercredi 1er décembre dans son club du sud-ouest de Londres, le Forum Club. "Elle pouvait avoir confié la lettre à quelqu'un" peut-on lire dans Le Siècle du 9 décembre.

On finit au moins par avoir la solution du mystère de la lettre détruite. Selon le site Surrey Live "Au cours de l'enquête il est apparu qu'elle avait en fait écrit au frère de son mari pour lui dire qu'elle se sentait mal et se dirigeait vers un spa à York, mais qu'elle est arrivée à l'hôtel sous le pseudonyme de Theresa Neele, du même nom que la maîtresse de son mari."

Si Agatha Christie se trouvait au petit matin du samedi 4 décembre au volant d'une voiture, de quelle voiture s'agissait-il ? En tout état de cause, Mc Allister dit ultérieurement que l'automobile avait quatre places et non deux comme on avait pu le penser au début. De son côté, après avoir vu une photo de la disparue dans un journal, une habitante d'Albury Heath, un village situé au sud de East Clandon, Mme Kitching, déclara, sans que l'on sache si Agatha Christie était au volant ou à pied, avoir reconnu la célèbre romancière en la femme qui, à la mi-journée, lui ayant souri, s'apprêtait à lui parler et finalement passa son chemin.

Connaîtra-t-on la vérité ?

Il existe une abondante littérature sur la disparition momentanée d'Agatha Christie, sur les importantes recherches qui s'ensuivirent, pour lesquelles Arthur Conan Doyle et Dorothy L.Sayers furent de la partie, sur son apparente amnésie, sur les retrouvailles entre elle et son mari le Colonel Archibald Christie, et surtout sur ses motivations, qui resteront dans le mystère entretenu.

Seul Hercule Poirot, s'il réunissait les personnages, pourrait tenter de découvrir la vérité.

Personne décédée quelques mois plus tôt, en avril 1926 :
- Clarisse Margaret Miller (Boehmer), maman d'Agatha Christie
Personnes vivantes au moment de la disparition :
- La secrétaire, Charlotte Fisher, partie à Londres
- La cuisinière, présumée présente
- Achibald Christie, le mari, présumé absent
- Rosalind, la fillette, présente, présumée informée
- Les amis de Dorking
- Le frère d'Archibal Christie, partiellement informé
- Le directeur de l'Hôtel à Harrogate
- M. McAllister, témoin
- Mme Kitching, présumée témoin
- M. et Mme Watts, beau-frère et soeur d'Agatha Christie
- M ou Mme X. au Club de Londres


Mise à jour le 28/03/19 23:23 Sources : Notamment getsurrey.co.uk, https://www.letemps.ch/culture/decembre-1926-lellipse-dagatha-christie, http://news.bbc.co.uk/local/surrey/hi/people_and_places/history/newsid_9005000/9005502.stm, Wikipédia. Photo : Min An, pexels.com

07 mars 2019

La disparition de Cheryl Grimmer, 3 ans, reste non élucidée. Les poursuites ont été abandonnées


Qu'est devenue la petite Cheryl Grimmer, âgée de trois ans, disparue en quelques secondes le 12 janvier 1970 sur une plage de Wollongong, en Australie, dans le District d'Illawarra, en Nouvelles Galles du Sud ?

Presque 50 ans plus tard, la disparition de Cheryl Grimmer, célèbre en Australie, est toujours un cas non élucidé. Pourtant, rapidement après les faits, la police des Nouvelles-Galles du Sud annonça qu’elle avait établi quatre théories sur l'affaire. Cheryl s'était cachée puis s’était endormie, avait erré dans l’eau de l'océan et s'était trouvée emportée par les courants, était tombée dans un cours d'eau, ou bien avait été enlevée.

Les faits à l'époque de la disparition

Le matin du 12 janvier 1970, la famille Grimmer, originaire de la banlieue de Bristol en Angleterre et émigrée en Australie au printemps 1968, alla à la plage de Fairy Meadow à Illawarra. Etaient présents Carole la maman, Ricki (7 ans), Stephen (5 ans), Paul (4 ans) et Cheryl (3 ans). Le père, qui travaillait pour l'armée australienne, était absent. A 13h30, le ciel se couvrant, la mère des enfants décide qu'il était temps de rentrer à la maison.

Tous les enfants sont allés au bloc de douche ensemble pendant que leur mère remballait leurs affaires. Dix minutes plus tard, Ricki (l'ainé) est revenu vers sa mère pour lui dire que Cheryl refusait de sortir du bloc de douche. Peu après, Carole suivit Ricki jusqu'au bloc de douche et s'aperçut alors que Cheryl avait disparu.

Les témoignages sont minces. Il proviennent de trois enfants, âgés respectivement de 9, 10 et 12 ans au moment des faits. Ces témoins ont affirmé qu'un homme avait été vu, tenant la fillette pour boire à la fontaine à eau, puis s'était enfui en l'emportant dans une serviette de bain. Cependant, le frère de Cheryl, Ricki, s'étant souvenu avoir porté sa sœur pour qu'elle puisse boire à la fontaine, on pense comme probable que les témoins ont mélangé les deux événements.

La police a interrogé trois suspects, sans qu'aucun d'eux n'ait pu être réellement identifié comme l'homme vu par les témoins. L'enquête porte principalement sur un jeune homme, vu dans les environs immédiats du pavillon du club de surf le matin et l'après-midi du 12 janvier.

Moins de 18 mois après la disparition de Cheryl Grimmer, en 1971 cet adolescent âgé de 15 ou 16 ans a avoué avoir enlevé la fillette et l'avoir assassinée. Le jeune homme a donné une version de ce qui s’est passé ce jour-là, décrit un portail tubulaire en acier, un garde de bétail, un chemin et un petit ruisseau près du lieu du meurtre. Il a amené la police à un endroit précis et a affirmé que le corps de Cheryl avait été enterré là, mais finalement les nouvelles constructions sur place ne lui permirent pas d'être totalement certain du lieu.

La police a interrogé le propriétaire de l'endroit, qui a contredit la description du jeune suspect et a déclaré qu'il n'y avait pas de garde de bétail en place au moment du meurtre et qu'il n'y avait jamais eu de porte tubulaire sur sa propriété. Ces incohérences ont finalement conduit la police à conclure que les aveux étaient faux. Il a été considéré par les enquêteurs que sans preuves matérielles mettant l'adolescent directement en rapport avec l’enfant on ne pouvait prendre de mesures à son encontre sur ce cas de disparition.

Réouverture de l'enquête

Dans les années 2000, parmi plusieurs hypothèses la police a émis celle que la fillette disparue pouvait être encore en vie et en liberté, aussi toutes les personnes qui pensaient pouvoir être Cheryl Grimmer ont été encouragées à se manifester. Une caractéristique physique qu'avait la petite fille était d'avoir un nombril protubérant. En 2008, une femme s'est présentée pour un test ADN qui s'est révélé négatif.

Peu de temps après la réouverture de l'enquête en 2011, les parents de Cheryl sont décédés sans savoir ce qui était arrivé à leur petite fille.

En 2016, le dossier été réexaminé et toutes les informations, y compris les déclarations de témoins, ont été informatisées. Cette nouvelle approche a révélé de nouvelles pistes et mis en lumière des informations qui semblaient ne pas avoir été suffisamment approfondies lors de l’enquête initiale, en particulier les aveux de 1971.

La police est revenue sur les lieux où l'adolescent avait déclaré avoir commis le meurtre et a interrogé le fils du propriétaire. Or, contrairement à son père, ce dernier a affirmé que le gardien du bétail était "certainement" en place à l'époque et qu'il se souvenait également d'une porte tubulaire ouvrant sur un chemin menant vers un ruisseau dans la propriété.

Fin 2016, la police reprenait les trois témoignages se souvenant d'un adolescent en maraude autour des blocs de douches et qu'un homme, qui serait maintenant âgé d'une soixantaine d'années, avait été vu avec un enfant blond au moment de la disparition de Cheryl Grimmer.

De nouveaux développements en 2017

Quarante sept ans après l'enlèvement de la petite fille et sans espoir de retrouver d'éventuels restes de Cheryl dans une zone s'étant fortement urbanisée, la police continue pourtant ses investigations. En janvier 2017, après avoir eu écho que d'anciens employés pourraient apporter de nouveaux éléments à l'enquête, les enquêteurs prennent contact avec une école de redressement dans laquelle un suspect aurait été scolarisé au début des années 1970. Le 22 mars, un homme est arrêté dans la banlieue de Melbourne, inculpé pour l'enlèvement et le meurtre de Cheryl puis incarcéré. En avril la police cherchait à retrouver la trace d'une famille qui avait fait un témoignage le jour de l'enlèvement.

Coup de théâtre en mai 2017. La police révèle que le suspect arrêté en mars, un homme maintenant âgé de 63 ans, était en fait le jeune homme qui avait avoué l'enlèvement et le meurtre de Cheryl en 1971 ! Son premier procès a lieu en avril 2018. Le nom de l'accusé, qui plaide non coupable, n'a pas été révélé car il était mineur au moment des faits.

Dans sa déclaration initiale de 1971, l'homme paraissait mentalement dérangé. Il avait déclaré avoir dit à des médecins en 1970 qu'il "avait besoin de se suicider et de tuer d'autres personnes" et lors de son procès, l'accusation repose en grande partie sur ses aveux de 1971. Ainsi, le suspect avait affirmé s'être caché avec l'enfant dans une canalisation d'égout pendant environ 35 minutes, la bâillonnant avec un mouchoir et lui attachant les mains derrière le dos avec un lacet avant de l'emmener à l'endroit où, selon ses dires, la petite fille aurait commencé à crier dès qu'il a retiré le baillon.

Le suspect aurait alors mis la main à la gorge de Cheryl Grimmer, lui disant de se taire, en serrant manifestement trop fort. Pris de panique, il lui aurait retiré ses vêtements, et mis «des arbustes et de la terre» sur son corps avant de retourner à Fairy Meadow Beach, laissant seulement sur place comme "pièces" les lacets.

Le second procès devait se dérouler devant le même tribunal en mai 2019, mais à la mi-février le juge de la Cour suprême de Nouvelles Galles du Sud a déclaré la preuve irrecevable et a donc abandonné les poursuites contre le suspect. Il a été jugé que l'interrogatoire ne pouvait être apporté comme preuve et le ministère public indiquait que ce cas ne pouvait pas être jugé en l'absence de preuve. Le juge a déclaré que cet interrogatoire de 1971 ne devait pas être versé au dossier en raison des "circonstances particulières de l'affaire". Des circonstances principalement liées à la manière dont il avait été mené et à la vulnérabilité particulière de l'accusé à l'époque.

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Réalisé d'après les informations de la page Wikipédia en Anglais de l'Affaire et de plusieurs articles de presse ayant servi à la réalisation de cette page. https://www.theguardian.com/australia-news/2018/apr/04/cheryl-grimmers-accused-killer-intended-to-her-first-court-told, https://www.smh.com.au/national/nsw/cheryl-grimmer-man-arrested-over-1970-cold-case-murder-of-illawarra-toddler-20170322-gv4aij.html, https://www.smh.com.au/national/nsw/alleged-confession-of-cheryl-grimmer-s-accused-killer-aired-in-court-for-first-time-20180404-p4z7q6.html, https://www.bbc.co.uk/news/uk-38219550, https://www.telegraph.co.uk/news/2019/02/15/cheryl-grimmer-case-trial-man-accused-murdering-toddler-stopped/ - photo : recadrage photo sur australianmissingpersonsregister.com

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