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26 avril 2024

Le dernier après-midi connu d'Emanuela Orlandi

Quelques jours après la disparition de Mirella Gregori, une seconde adolescente de 15 ans s'évapore à Rome. Son cas, d'une complexité extrême, reste jusqu'ici inexpliqué. La disparition d'Emanuela Orlandi est l'une des affaires les plus suivies par la presse et le public en Italie, et ceci presque quotidiennement.

L'affaire Orlandi est certainement la plus marquante de l'année 1983, au point que la disparition de Mirella Gregori, qui la précède pourtant de 46 jours, passe généralement pour être celle de "L'autre Emanuela". Voici tous les détails.

Avertissement : Cette série d'articles à propos des cas de Mirella Gregori et d'Emanuela Orlandi plonge au coeur d'une affaire complexe vieille de plus de 40 ans. L'objectif est d'apporter un maximum de détails, de reconstituer un puzzle, aussi un grand nombre de sites en Italien ont été consultés, dont plusieurs de premier plan. L'exactitude des informations est fonction de leurs publications.

Emanuela Orlandi est née à Rome le 14 janvier 1968. Elle est l'avant-dernière d'une fratrie de cinq dont les âges en 1983 s'échelonnent de 26 à 12 ans. Son père est greffier de la Préfecture de la Maison pontificale. Elle vit avec ses parents, ses trois soeurs et son frère, qui est l'aîné, derrière le mur d'enceinte du Vatican, dans un appartement de fonction situé au second étage de la Gendarmerie vaticane. Le matin du mercredi 22 juin, les parents d'Emanuela se rendent à Fiumicino, en bord de mer, pour rendre visite à des proches, avec l'intention de revenir un peu avant 20 heures. À leur départ, les enfants sont tous à la maison.

Emanuela doit se rendre à l'école de musique Ludovico Da Victoria, attenante à la Basilique Sant'Apollinare à Rome. La Basilique et l'école sont proches de la Piazza Navona, un endroit très apprécié des touristes. Emanuela suit régulièrement des cours de flûte et de chorale à l'école Da Victoria, et, malgré la chaleur de l'après-midi de ce 22 juin 1983, elle y est attendue parce qu'il s'agit du dernier cours de chorale que doivent suivre les élèves avant le concert de fin d'année scolaire. Ce mercredi, le premier cours d'Emanuela, le cours de flûte, débute à 16h30. Ceci étant, soit à cause de la chaleur, soit parce qu'elle est en retard, elle demande ce jour-là à son frère Pietro de la conduire en moto, mais il ne peut pas à cause d'un autre engagement. 

La jeune fille, d'une taille de 1,60 m, a de longs cheveux noirs, porte un collier autour du cou, est habillée d'un jean, d'un t-shirt blanc à manches courtes et de chaussures de sport. Elle tient à la main son sac en cuir marron, d'où sort l'étui noir contenant sa flûte. Dans le sac, elle a également mis ses partitions, sa carte de membre de l'école et sa carte d'abonnement aux transports publics. Mécontente de devoir se rendre en bus à l'école, Emanuela claque la porte en sortant. C'est la dernière fois que ses soeurs et son frère Pietro la verront.

Emanuela Orlandi et son mystère

L'adolescente quitte le Vatican par la Porta Sant'Anna vers 16h. Elle monte, semble-t-il, à bord d'un autobus jaune de la ligne 64 des transports publics Atac. Sur l'autre rive du Tibre, le bus la dépose sur le Corso Vittorio Emanuele II, à proximité de la Basilique de Sant'Andrea della Valle. De là, elle emprunte, comme elle le fait régulièrement, le Corso del Rinascimento pour rejoindre l'école Da Victoria située à l'autre extrémité. 

Sur cette voie presque rectiligne, mais pas totalement, se trouve le Palazzo Madama, le Sénat italien. Alors qu'elle parvient à hauteur du Palazzo Madama, vers 16h45, Emanuela Orlandi est abordée par un homme de 35 à 40 ans qui conduit une BMW. L'homme lui fait une proposition pour un travail facile, bien rémunéré, pour le samedi après-midi suivant : distribuer des tracts avec d'autres filles pour les produits de la marque Avon lors du défilé d'une maison de haute-couture très connue à Rome, Sorelle Fontana. Ce "petit boulot" intéresse Emanuela. L'inconnu est aimable et rassurant. Il dit à Emanuela de demander la permission à ses parents et il est patient : Il attendra qu'elle ait terminé ses cours pour avoir sa réponse. 

L'homme est aperçu par un agent de la circulation en service devant le Sénat qui le décrira comme étant longiligne, mesurant environ 1,80 mètre, avec les cheveux clairs épars sur le front et les tempes et un visage allongé. La BMW est de couleur sombre, peut-être verte. Le policier voit la scène à une distance d'environ vingt mètres, et il semble distinguer comme un sac ou des échantillons de produits de beauté présentés par une entreprise de cosmétiques.

Enthousiasmée par la proposition de l'inconnu, Emanuela téléphone peu après chez elle, probablement depuis l'une des cabines publiques situées à la station de Taxis. Sa sœur Federica lui répond et Emanuela lui dit que sur le chemin de l'école, dans le Corso Rinascimento, devant le Sénat, elle a été arrêtée par un monsieur qui lui a proposé un travail. Elle lui raconte l'histoire à la hâte : « Je toucherai près de 400.000 lires » dit-elle. Et elle ajoute : « C'est un gentil monsieur, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il m'a dit de demander la permission à maman et de lui donner une réponse ce soir. Il m'attend à la sortie de l'école». Federica, âgée de 21 ans à l'époque, lui suggère de ne pas faire confiance à l'homme et d'écouter d'abord sa mère. Emanuela lui répond brièvement qu'elle a rendez-vous avec le monsieur à 19h10 devant l'école et raccroche.

Retardée à la fois par sa brève rencontre avec l'homme inconnu et l'appel téléphonique à sa soeur, Emanuela Orlandi rejoint l'école le plus vite possible. Elle monte les marches quatre à quatre. Elle arrive pourtant en retard, et essouflée, à son cours de flûte. Elle entre dans la classe vers 17h10, alors que le cours a déjà commencé et se fait réprimander pour son retard par son professeur. Le second cours, celui de chant choral, se déroule normalement.

Pourtant, Emanuela Orlandi a manifestement l'intention de ne pas quitter l'école après 19h. Elle le précise à l'une de ses camarades, elle demande à partir plus tôt. Elle s'inquiète, parce tout le monde pense que, ce mercredi, les cours vont se terminer plus tard que 19h. Or, ce jour-là, au contraire, les cours finissent plus tôt, à 18h45 au lieu de 19h. Emanuela ne part donc pas avant les autres élèves, elle quitte l'école avec eux à la fin de la leçon de chant choral. Elle descend néanmoins à toute allure les escaliers du bâtiment, passant et repassant rapidement à l'intérieur du groupe d'élèves.

A ce moment-là, rien ne peut la détourner de son rendez-vous de 19h, rien ne peut la dissuader de revoir l'homme inconnu. Parvenue parmi les premières devant la porte d'entrée de l'immeuble Sant'Apollinare, Emanuela attend. À 19h10, elle est vue par le concierge. Aucun homme ne se montre devant l'entrée de l'école. Les minutes passent et finalement Emanuela décide de parcourir à pied le peu de distance entre la porte de l'école et l'arrêt de bus de la ligne 70 le plus proche, sur le Corso Rinascimento, non loin du Sénat.

Raffaella, une autre fille du groupe de choristes, se trouve devant la porte de l'école de musique. Elle dit au revoir à une amie, puis se dirige ensuite vers le même arrêt de bus. Elle rejoint Emanuela sur le court trajet séparant l'école de l'arrêt. Elle parle un peu avec Emanuela. Deux autres filles du groupe se trouvent déjà à l'arrêt de bus 70. Elles discutent ensemble. Toutes ces filles sont aperçues par une autre élève, Laura, qui se dirige vers le sud, le long du Corso Rinascimento. En marchant, Laura se retrourne plusieurs fois par curiosité. A un moment elle voit Emanuela à une vingtaine de mètres derrière elle et distingue les autres filles plus loin.

L'une d'elles est Maria Grazia. Présente depuis peu à l'arrêt du bus 70 et en conversation avec Raffaella, elle y voit Emanuela, maintenant en compagnie d'une autre fille. A 19h20, Maria Grazia monte dans un bus bondé avec d'autres élèves de l'école, dont Raffaella. Celle-ci, de l'intérieur du bus, tente d'apercevoir Emanuela pour un dernier salut de la main.

Laura, arrivée presque au bout du Corso Rinascimento, se retourne à nouveau. A cet instant, Emanuela Orlandi a disparu.

A suivre...

(Copie Carte OpenStreetMap)

14 avril 2024

Les circonstances de la disparition de Mirella Gregori

 

Nous allons nous intéresser au mystérieux cas de Mirella Gregori. La jeune fille est âgée de 15 ans quand elle disparaît au cours d'un après-midi de l'année 1983, après avoir quitté le domicile familial suite à un appel reçu à l'interphone.

Dès le début des années 80, et durant toute la décennie, un certain nombre d'événements criminels inhabituels auront lieu, aussi bien en France qu'en Italie. Certains resteront inexplicables, pourront être reliés à d'autres, ou non, et pourtant tous demeureront dans la mémoire du grand public. On en parle encore aujourd'hui.

Historiquement, tout débute le 25 mai 1980 avec la disparition, dans la région de Grenoble de Philippe Pignot, un garçon âgé de treize ans, jamais retrouvé. L'événement suivant est la tentative d'assassinat du Pape Jean-Paul II au Vatican, qui a lieu le 13 mai 1981. Ensuite, le 13 mars 1983, c'est un petit garçon de six ans, Ludovic Janvier, qui est enlevé à Saint-Martin-d'Hères, de nouveau dans la banlieue de Grenoble. Les deux garçons seront les premiers d'une liste connue depuis sous la dénomination "Les disparus de l'Isère". Quant à la tentative d'assassinat du "Pape Wojtyła", comme l’appellent les italiens, elle aura des conséquences ultérieures qui furent au moment insoupçonnées.

Mirella Gregori

Née à Rome le 7 octobre 1967, Mirella Gregori est une jeune fille âgée d'un peu plus de 15 ans lorsqu'elle disparaît dans la même ville au cours de l'après-midi du 7 mai 1983. Les parents de l'adolescente possèdent un bar situé à l'angle de la Via Volturno et de la Via Montebello, dans un quartier animé comportant de nombreux hôtels, et se trouvant à deux pas du Ministère de l'Economie et des Finances.

Le bar "Coppa d'Oro" est désormais tenu par Paolo, le mari de la mère de Mirella, par Maria Antonietta, sa sœur ainée âgée de 17 ans, et par son compagnon Filippo M., toute la famille vivant dans un appartement situé dans la Via Nomentana, un peu plus au nord-est de Rome.

Le samedi 7 mai 1983, Mirella Gregori a terminé les cours à 13h15 et elle arrive Via Nomentana autour de 14 heures. Avant de monter à l'appartement, Mirella se rend au "Bar Italia - Pizzeria da Baffo", situé au pied de l'immeuble adjacent, au numero 81 de la Via Nomentana. La fille du gérant du bar, Sonia De Vito, est sa meilleure amie et à ce moment-là Mirella vient la voir, selon le témoignage ultérieur de Sonia, pour simplement parler de choses et d'autres.

Maria Vittoria A., la mère de famille, qui est couturière, se trouve pour sa part à l'appartement, au 91.

Un peu plus tard, Mirella rentre chez elle et, vers 15 heures, l'interphone sonne. Maria Vittoria, occupée à coudre, pense que c'est peut-être son mari qui est rentré plus tôt que d'habitude et elle demande à Mirella de répondre. La jeune fille se précipite : "Bonjour, qui est-ce ?" Elle ajoute : "Si tu ne me dis pas qui tu es, je ne descendrai pas !" Et ensuite : "Ah, oui Alessandro, je comprends". Puis finalement : "D'accord, je te vois dans quelques minutes sur les marches du Bersagliere à Porta Pia."

Après cela Mirella va voir sa mère et lui indique qu'il s'agissait d'Alessandro, un ami de l'école secondaire. Elle lui précise qu'ils se sont donné rendez-vous à 15h30 au monument du Bersagliere (ndr. un soldat) de la Porta Pia. Mirella Gregori s'habille d'un pull-over chauve-souris gris aigue-marine et d'un pantalon de velours blanc, se coiffe, puis elle part précipitamment vers 15h20. Elle dit à sa mère qu'elle descend saluer "Alessandro", ajoute qu'elle sera de retour dans 10 minutes et ne prend ni sac à mains ni gilet. Ce sont les derniers mots que la maman a entendu de la bouche de sa fille cadette et c'est la dernière fois qu'elle l'a vu.

Seulement, en franchissant la porte de l'immeuble, l'adolescente ne va pas directement au Monument du Bersaglière. Elle part, certes sur la droite, pour se diriger de nouveau vers le bar des De Vito afin de revoir son amie Sonia. Là, elle s'enferme dans les toilettes avec elle et les filles discutent pendant environ 15 minutes.

Mirella a ensuite quitté le bar et c'est à partir de ce moment-là que l'on a perdu sa trace. Enfin, pas encore tout à fait.

Mirella Gregori n'étant pas rentrée, plus tard dans la journée les proches apprendront que c'est une autre version que l'adolescente a livré à son amie. Sonia leur raconte que dans les toilettes du bar, Mirella a échangé ses vêtements et s'est ensuite rendue au Parc de la Villa Torlonia, à l'opposé de la Porta Pia, soit un peu plus au nord-est de la capitale italienne, pour jouer de la guitare avec des amis.

En l'apprenant, Maria Antonietta, la soeur de Mirella, âgée de 17 ans à l'époque, est incrédule. La conversation dure, l'amie ne sait que répondre. Le temps passe. Pourtant Antonietta n'a guère d'autre solution que de suivre cette piste. Elle et son compagnon se rendent alors à la Villa Torlonia et, vu l'heure tardive, trouvent la porte fermée. Une voiture de police passe, les jeunes expliquent la situation et les policiers appellent le gardien. À minuit, une recherche improvisée s'entame dans le parc avec les torches des policiers. Une patrouille rapide et peu concluante.

A suivre...

Avertissement : Cette série d'articles à propos des cas de Mirella Gregori et d'Emanuela Orlandi plonge au coeur d'une affaire complexe vieille de plus de 40 ans. L'objectif est d'apporter un maximum de détails, de reconstituer un puzzle, aussi un grand nombre de sites en Italien ont été consultés, dont plusieurs de premier plan. L'exactitude des informations est fonction de leurs publications, qu'il n'est pas possible de citer individuellement.

Modification le 27/04/24

05 avril 2024

Disparitions d'Emanuela Orlandi et Mirella Gregori : l'Italie a ouvert une enquête parlementaire fin 2023

Un peu plus de 40 ans après les disparitions non élucidées de deux adolescentes au sein de la capitale italienne, le Sénat italien a approuvé l'ouverture d'une enquête parlementaire le 9 novembre 2023.

Fin 2023, L'Italie a finalement lancé une enquête parlementaire sur deux affaires mystérieuses et vieilles de plus de 40 ans, les disparitions d'Emanuela Orlandi et de Mirella Gregori, dont les faits se sont déroulés à quelques semaines d'intervalle au cours de l'année 1983.

L'initiative du parlement italien a fait suite à un regain d'intérêt pour ces affaires depuis 2018, avec notamment la diffusion d'un récent documentaire de Netflix, Vatican Girl. Ce documentaire revient sur la disparition inexpliquée d'Emanuela Orlandi, qui avait 15 ans en 1983. L'affaire a été liée au Vatican par le fait que le père de la jeune fille était un fonctionnaire mineur de la préfecture de la Maison pontificale et que la famille vivait dans un appartement du Vatican. L'autre jeune fille, Mirella Gregori, âgée aussi de 15 ans, est en fait la première disparue.

Peu après l'ouverture de la première enquête du Vatican sur la disparition d'Emanuela Orlandi, le Parlement italien avait entamé fin mars 2023 un processus visant à créer cette commission d'enquête parlementaire sur la disparition des deux jeunes filles. Une proposition immédiatement approuvée à l'unanimité par la Chambre des députés, qui a cependant rencontré quelques difficultés au Sénat, pour des raisons liées aux relations avec la Justice vaticane et l'enquête du Vatican.

La nouvelle enquête parlementaire devra donc collaborer avec deux autres procédures déjà lancées sur ces affaires de disparitions datant de 1983, l’une par le procureur de Rome et l’autre par le Vatican.

Composée de 40 membres du parlement, la commission devra bien entendu étudier le cas le Mirella Gregori, une affaire de quelques semaines antérieure à celle d'Emanuela Orlandi après qu'un lien ait été fait avec le Vatican à la suite d’une visite de Jean Paul II dans la paroisse romaine de San Giuseppe où vivait la famille Gregori. La mère de la disparue ayant affirmé au moment de l'enquête avoir reconnu un gendarme du Vatican faisant partie de l’escorte du pape. Selon elle, le jeune homme avait l’habitude de passer du temps avec sa fille et un ami dans un bar près de leur domicile.

A suivre...

Sources:

https://www.catholicnewsagency.com/news/255973/italian-senate-launches-inquiry-into-disappearance-of-vatican-girl-and-another-missing-teen,https://www.cath.ch/newsf/litalie-lance-une-enquete-parlementaire-sur-laffaire-orlandi/, Wikipedia.

27 avril 2023

Bradford Bishop meurtrier de sa famille et disparu depuis 1976



La disparition de William Bradford Bishop Jr en mars 1976 après les meurtres de sa mère, de sa femme et de ses trois fils, est, avec celle de John List datant de novembre 1971, l'affaire criminelle présentant le plus de ressemblance avec celle de Xavier Dupont de Ligonnès, disparu depuis avril 2011.

Le cas Bradford Bishop présente la difficulté de se situer à la frontière de plusieurs États de l'Est des États-Unis. Il débute autour de Washington D.C et, pour les faits connus, se termine dans le parc national des Great Smoky Mountains, à la frontière entre la Caroline du Nord et le Tennessee.

Le 10 mars 1976, les officiers de police de Montgomery, dans le Maryland, ont été mis au courant que cinq corps non identifiés avaient été déterrés dans un endroit reculé en Caroline du Nord et qu'un flyer à propos d'une famille disparue quelques jours plus tôt à Bethesda (Maryland) était affiché à la quincaillerie Poch de Potomac, la ville voisine.

Le flyer montrait la mère de Bradford Bishop, Lobelia, 68 ans, sa femme Annette, 37 ans, et leurs trois garçons, William Bradford III, 14 ans, Brenton, 10 ans, et Geoffrey, 5 ans. La famille vivant à Bethesda, par réflexe, les policiers avaient pris un exemplaire du flyer dans le magasin et l'ont ensuite montré à la jeune femme qui avait été la baby-sitter des Bishop. Peu après celle-ci s'est écriée : "C'est la famille Bishop !"

Le matin même, l'un des policiers s'était rendu au domicile de William Bradford Bishop Junior à Bethesda parce qu'un voisin inquiet n'y avait vu aucun signe de vie depuis une semaine et il avait appelé la police. Au 8103 Lilly Stone Drive, le détective a trouvé du sang sur le porche de la résidence, sur le sol, sur les murs du hall d'entrée et des chambres.

***

William Bradford Bishop Junior, le père de famille de 39 ans habitant à cette adresse, était connu pour avoir un niveau d'études supérieures. Jeune élève, il avait d'abord fréquenté la South Pasadena High School, puis avait obtenu une licence en histoire de l'université de Yale, une maîtrise en études internationales du Middlebury College ainsi qu'une maîtrise en études africaines de l'Université de Californie Los Angeles. Il s'était ensuite engagé dans l'armée et y avait travaillé pendant quatre ans, dans le contre-espionnage.

Ayant quitté l'armée, il avait rejoint le département d'État américain et servi dans les "services extérieurs". Occupant de nombreux postes à l'étranger, notamment dans plusieurs villes italiennes, il avait fait ensuite des études supérieures à Florence, servi dans différents pays africains et s'était retrouvé finalement au siège du département d'État à Washington, D.C. en 1974, flanqué d'un titre professionnel à rallonge. 

Ce diplomate américain, après avoir obtenu son diplôme de Yale, avait épousé son amour de lycée. Il parlait couramment cinq langues, anglais, italien, français, espagnol et serbo-croate. La famille n'avait semble-t-il aucune difficulté particulière autre que celles de la vie courante d'une bonne partie des américains de la classe moyenne. Elle était très unie et sportive et Bradford Bishop était un homme de Plein-Air.

La maison des Bishop a été revendue un an après le drame
Le 1er mars 1976

Cependant, le 1er mars 1976, Bradford Bishop apprend qu'il ne recevrait pas la promotion qu'il avait demandée. Peu après, il dit à sa secrétaire qu'il ne se sent pas bien et quitte son bureau situé dans le quartier de Washington D.C., à l'ouest de la Maison Blanche, où se trouvent de nombreuses agences fédérales et institutions internationales. La police pense qu'il s'est rendu à sa banque, d'où il a retiré plusieurs centaines de dollars, puis au centre commercial de Montgomery, où il a acheté une masse et un bidon d'essence. Il est supposé qu'il a ensuite rempli le réservoir de sa voiture, une Chevrolet break de 1974 ainsi que le bidon, dans la station-service du centre commercial. Il s'est rendu peu après dans une quincaillerie Poch, où il a acheté une pelle et une fourche.

Bradford Bishop est retourné à son domicile de Bethesda entre 19h30 et 20h00. La police pense que les deux femmes ont été attaquées avant de se coucher puisqu'elles portaient des vêtements de jour. Sa femme en premier, et sa mère alors qu'elle revenait de promener le chien de la famille. Selon les constatations le meurtrier aurait matraqué à la tête, jusqu'à la mort, ses trois fils après qu'ils se soient couchés, puisqu'ils portaient encore leur pyjamas. Le tueur a épargné le chien et a semble t-il transporté les cinq corps la nuit, les tirant jusqu'à l'allée, et les jetant dans le véhicule familial.

En fin de journée le 1er mars, Bradford Bishop aurait conduit environ cinq heures en compagnie de son chien, avec dans le break les corps des siens, ceci sur plus de 440 km jusqu'à un marécage boisé de Caroline du Nord. Le lendemain 2 mars, il creuse un grand trou peu profond pour y entasser les corps et y mettre le feu avec de l'essence. Non loin des corps brûlés se trouvaient un bidon d'essence, une fourche de jardin et une pelle provenant de la quincaillerie Poch, et aussi des traces de pneus. L'homme aurait ensuite acheté, et payé avec sa carte bancaire, des affaires de sport dans un magasin de Caroline du Nord, à Jacksonville.

Le break de Bishop a été retrouvé abandonné le 18 mars 1976 vers midi près de Gatlinburg, dans le parc national des Great Smoky Mountains au Tennessee, sur un terrain de camping isolé, Elkmont camp grounds, à plus de 640 km de l'endroit où les corps ont été enterrés. L'intérieur de la voiture montrait des traces de sang sur sa partie arrière. Selon les informations recueillies sur place, le break aurait été présent sur le terrain quatre ou cinq jours après les meurtres, autour du 6-7 mars. La police suppose que Bradford Bishop aurait pu rejoindre des randonneurs sur le sentier des Appalaches. Aucune trace olfactive de Bradford Bishop n'a pu être retrouvée par les limiers.

***

Le jour même de la découverte, un grand jury a inculpé Bishop de cinq chefs d'accusation de meurtre au premier degré et de plusieurs autres chefs d'accusation. Quelles preuves ont été présentées au grand jury pour les justifier ? Le procureur de l'État a déclaré qu'il s'agissait principalement de circonstances.

Autour de l'affaire Bradford Bishop

Personne, pas même le propriétaire de la maison proche, n'a remarqué la présence de Bradford Bishop sur le parking où sa voiture a été retrouvée, un endroit utilisé régulièrement par les randonneurs pour y stationner leurs véhicules quelques jours. Il a fallu attendre une semaine avant que la découverte des corps par un garde forestier soit reliée à la disparition de la famille à Bethesda. Ce mois de mars 1976, une vague de chaleur exceptionnelle a drainé de nombreuse personnes dans le parc naturel. Selon des témoins, quand Bradford Bishop est allé acheter des affaires de sport à Jacksonville, on parle de chaussures de tennis, il aurait été accompagné de son chien, un golden retriever nommé Leo* et peut-être d'une femme décrite comme "à la peau foncée".

Des recherches ont été menées de Bethesda jusqu'au Bostwana. Les membres de la famille possédaient un passeport diplomatique et celui de Bradford Bishop était manquant. Le mobile des meurtres laisse les enquêteurs perplexes, la famille étant en apparence unie, et dans la mesure ou le fugitif travaillait dans le contre-espionnage, une opération de "nettoyage" est parfois évoquée. Quelques personnes crédibles comme d'anciens collègues ou voisins disent l'avoir aperçu en Europe.

En 2021, une femme, Kathy Gillcrist, qui avait été élevée par des parents adoptifs et dont la cousine est une passionnée de généalogie a découvert grâce à une recherche ADN et généalogique sur Internet qu'elle était la fille naturelle de Bradford Bishop. Cette information a ensuite été transmise au FBI qui disposait d'éléments prélevés en 1976 dans le break abandonné, notamment des mégots de cigarettes de Bradford Bishop.

Madame Gillcrist avait 18 ans en mars 1976 lors du drame de Bethesda. Elle venait d'être couronnée Miss Stoughton, une petite ville du Massachusetts où elle a grandi. La découverte d'une fille naturelle de Bradford Bishop ouvre une nouvelle porte sur la vie inconnue du fugitif, notamment sur la période comprise entre 1957 et 1960, et sur de possibles événements reliés à ses études à Yale. D'éventuelles découvertes permettraient-elles d'éclairer la tuerie du 1er mars 1976 ?

 

* L'un des deux labradors de Xavier Dupont de Ligonnès s'appelait Léon.

Sources : https://web.archive.org/web/20080814201729/http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,911759,00.html (article du lundi 22 mars 1976), en.wikipedia.org, NBC4 Washington, différents articles du Washington Post, Washington Post papier 03.19.76, Harold Weisberg (et image), Google Street View.

02 avril 2023

Leigh Occhi, disparue dans sa maison en août 1992 ?

 

Nous connaissons tous le personnage de Miss Marple, créé par Agatha Christie. La plupart de son temps, Miss Marple réside à la campagne, à St-Mary-Mead. En faisant le rapprochement avec les agissements des personnes vivant ou ayant vécu dans son petit village, qu'elle observe finement, elle parvient à trouver des similitudes dans les comportements des individus. Basée sur des histoires ou des faits-divers locaux, son analyse de la nature humaine la met sur la piste des criminels.

Les choix de vie en fonction d'éléments semblables, de critères proches, comme le caractère, le milieu social, les études effectuées ou le signe astrologique, pourquoi pas. Des choix criminels concrétisés par connaissance, par reproduction, par copie, on en rencontre dans les reportages spécialisés, ce n'est pas nouveau. Que des individus puissent dans certains cas reproduire des crimes passés pour les mêmes raisons, c'est souvent le cas des familicides. Si c'était sans que l'auteur en ait eu connaissance, cela relèverait probablement de la coïncidence. Dans le premier mystère qui suit, bien des années plus tard, personne n'a encore été inculpé.

Dans le Mississippi, une jeune fille de 13 ans disparait chez elle sur fond de l'ouragan Andrew   

Nous sommes le jeudi 27 août 1992, l'avant dernier jour des effets de l'ouragan dévastateur Andrew, qui, cette année-là, a ravagé les Bahamas et la Floride en août. Au moment, le phénomène météorologique remontait à l'intérieur des terres dans l’État du Mississippi, se rétrogradant progressivement en tempête, avec des fortes pluies. Leigh Occhi, une jeune fille de 13 ans, serait restée seule ce jeudi en début de matinée, dans la maison située au fond d'une voie sans issue de Tupelo, au 105 Honey Locust Drive, où elle habite avec sa mère Vickie Felton. C'était la première fois qu'elle restait seule à la maison.

La mère vivait seule avec sa fille

Les parents de Leigh s'étaient rencontrés alors qu'ils étaient tous deux membres de l'armée américaine et servaient en Californie. Mariés en 1977, divorcés en 1981. Au gré des mutations, le père de Leigh avait toujours gardé un contact avec sa fille. La mère avait de son côté un nouveau compagnon, Barney Y., cependant le couple s'était séparé quelques semaines avant la disparition de Leigh. L'homme avait déménagé dans un autre appartement à Tupelo.

Leigh était connue pour être une gentille jeune fille douce, intelligente, et un peu extravertie. Elle adorait les animaux, particulièrement les chevaux, et s'intéressait à l'équitation. Bonne élève, notamment en mathématiques, elle avait une tendance à ne pas rester en place, faisant que certains enfants se tenaient éloignés d'elle.

Il s'agissait de l'un des derniers jours des vacances d'été de l'adolescente. La veille, le 26 août, après avoir passé du temps avec des camarades, la jeune fille était rentrée chez elle autour de 20h00. A ce moment-là, sa mère n'était pas encore arrivée, Leigh s'est donc aventurée dans le quartier, demandant aux voisins s'ils étaient d'accord pour qu'elle attende chez eux que sa mère rentre. Chez l'un d'eux, elle est restée jusqu'à l'arrivée de Vickie, à 20h45. Selon la voisine, rien ne semblait anormal, Leigh paraissait heureuse et bavarde.

Vickie Felton serait partie ce matin-là entre 7h35 et 7h50* pour rejoindre son lieu de travail, l'entreprise manufacturière voisine, Leggett and Platt, située à environ 2,5 km de chez elle. À son arrivée sur place, elle emprunte la radio météorologique de son patron, afin de rester informée de la situation météo. Elle apprend que les conditions devaient empirer, des masses de pluie liées à l'ouragan Andrew s'étant déplacées vers Tupelo. Entre 8h00 et 8h30*, elle tente d’appeler sa fille au téléphone pour l'en informer. Les deux avaient un code. Vickie devait laisser le téléphone sonner deux fois, avant de raccrocher et de rappeler immédiatement après. Cependant, Leigh n'a jamais décroché le téléphone.

N’obtenant aucune réponse, la maman de Leigh Occhi, malgré le risque météo potentiel, se précipite à son domicile. Souvenons-nous, la maison se trouve à moins de 10 minutes de son travail. Elle revient chez elle à 8h45. Selon ses déclarations ultérieures, à son retour à la maison, elle trouve la porte de garage ouverte et la lumière allumée. Cela lui paraît curieux parce que selon elle, la lumière ne s'allume que si quelqu'un déclenche la porte**. En entrant à l'intérieur, elle remarque dans le couloir du sang éclaboussé sur le mur et une flaque de sang sur le sol.

"J'ai commencé à appeler Leigh et à traverser toutes les pièces", a déclaré ensuite Vickie Felton. "Puis je suis entrée dans sa chambre. Sa couverture préférée était froissée par terre et j'avais très peur." Elle dit avoir couru dans le jardin à l'arrière de la maison, vérifié l'abri. Il n'y a aucun signe de Leigh alors Vickie Felton appelle le 911 à 9h00 pour signaler la disparition de sa fille.

Qu'est-il arrivé à Leigh Occhi ?

Aux Etats-Unis, le canal radio de la police est public, et le risque météo aggravé faisait que beaucoup d'habitants des environs l'écoutaient. Barney Y., la grand-mère de Leigh et un journaliste local qui avaient entendu l'appel sur la radio de la police sont arrivés au 105 Honey Locust Drive peu après, en même temps que les patrouilleurs de la police.

La maison ne présentait aucun signe d'effraction. A l'intérieur, les forces de l'ordre ont trouvé d'autres flaques de sang, qui n'étaient pas encore sèches. Du sang et des cheveux étaient collés au cadre d'une porte située face à la cuisine et une petite trace de sang menait du couloir au salon et à la porte arrière. Du sang, il y en avait dans la chambre de la jeune fille, le couloir et la salle de bain. La porte de sa chambre était maculée de sang. Les traces roses sur un meuble dans la chambre° ont été interprétées comme si quelqu'un avait tenté de nettoyer le sang sur le dessus du meuble. 

Dans la chambre de la jeune fille, les policiers ont découvert une chemise de nuit ensanglantée appartenant à Leigh placée, comme cachée, à l'intérieur d'un panier à linge. A ce sujet, le chef de la police de Tupelo déclarera: "Parce qu'il semblait que le sang avait coulé sur sa chemise de nuit, on pourrait penser que la blessure devait être au-dessus du cou."

C'est sous une tempête menaçante que les recherches ont été menées alentours immédiatement après la disparition de Leigh Occhi. Les policiers ont cherché autour de la maison avec des chiens et dans la zone constituée de bois et de broussailles située à proximité. Avec la pluie battante les recherches n'ont rien donné.

Comme souvent dans les affaires de disparition d'adolescents, un certain nombre de rumeurs circulent, des pistes se révèlent être fausses. Celle de Leigh Occhi n'y fait pas exception. Certains bruits sont parvenus aux oreilles des enquêteurs au sujet du beau-père de Leigh, Barney Y., notamment parce que la jeune fille s'était déjà présentée à l'école portant des ecchymoses, qu'elle attribuait devant ses camarades de classe à l'équitation. L'ex beau-père a cependant été écarté des suspects par les forces de l'ordre, après avoir fourni un solide alibi et avoir été soumis avec succès au détecteur de mensonges.

Donald Occhi, le père de Leigh, était à l'époque en poste à Alexandrie en Virginie. Son ex-femme lui a téléphoné le lendemain de la disparition, le 28 août, pour simplement lui dire que Leigh avait disparu. Ce n'est que quelques jours plus tard qu'elle l'a rappelé "pour donner des détails sur le sang et tout le reste". Donald Occhi a ensuite obtenu une permission, et s'est rapidement joint aux efforts de recherche. Alors qu'il cherchait sa fille à Tupelo au début du mois de septembre 1992, plusieurs habitants lui ont suggéré de "regarder sa mère". Il répond qu'il le faisait déjà. Parce qu'il avait des doutes sur Vickie.

Vickie Felton raconte que le matin de la disparition, elle et sa fille avaient pris le petit déjeuner ensemble et Leigh était toujours en pyjama lorsqu'elle a quitté la maison. La jeune fille devait ensuite se préparer pour partir, sa grand-mère devant venir la chercher pour la conduire à une journée portes ouvertes dans sa nouvelle école.

Malgré la disparition de sa fille, la présence de sang un peu partout dans la maison et sur la chemise de nuit de Leigh, le tout vécu dans un contexte météorologique exceptionnel, la mère n'est pas avare de détails sur les heures précédant son départ au travail. Vickie Felton raconte que le matin de la disparition, elle et sa fille avaient pris le petit-déjeuner ensemble et Leigh était toujours en pyjama lorsqu'elle a quitté la maison. 

Elle dit s'être réveillée à 6h45, et qu'à ce moment-là sa fille était encore profondément endormie. Elle précisera que, la veille au soir, Leigh, inquiète à propos des orages, lui avait demandé pour dormir avec elle dans sa chambre. La mère de Leigh ajoute encore qu'après avoir pris une douche, en sortant de la salle de bains elle a vu sa fille réveillée mais toujours au lit. Elle se souvient être allée au dehors vers 7h00 pour prendre le journal du matin. Que durant le petit-déjeuner elles ont discuté de leurs projets pour la soirée. Elles avaient prévu de dîner au Taco Bell après que Leigh ait assisté à la journée portes ouvertes avec sa grand-mère.

A suivre...


* L'heure précise n'est pas connue, on peut déduire que la mère de Leigh est restée au minimum une demi-heure à son travail. Une autre source indique que Vickie Felton est partie travailler à 7h40, une autre à 7h35, une autre qu'elle est partie entre 7h35 et 7h45 et arrivée au travail à 7h50, version qui semble la plus vraisemblable. Il est dit aussi qu'elle a appelé chez elle juste avant 8h30, qu'elle a appelé le 911 vers 8h30. Bien entendu, plus le laps de temps entre son départ du domicile et l'appel à son domicile est court moins cela laissait de temps à une personne extérieure pour agir et plus cet appel téléphonique parait curieux.

** On ignore de quelle porte il s'agit, supposément la porte entre le couloir et le garage. La phrase exacte est "C'était très étrange, car la lumière ne s'allume pas à moins que quelqu'un ne déclenche la porte". °Parfois dans la chambre, parfois dans la salle de bains, selon les sources.

Sources : https://en.wikipedia.org/wiki/Disappearance_of_Leigh_Occhi, http://edition.cnn.com/2009/CRIME/11/13/grace.coldcase.occhi/index.html, https://allthatsinteresting.com/leigh-occhi, https://storiesoftheunsolved.com/2020/07/11/the-disappearance-of-leigh-occhi/, https://www.huffpost.com/entry/leigh-occhi-disappearance-podcast_n_5a67a9e6e4b0dc592a0d8f0b

Photo diffusée de Leigh Occhi

25 février 2023

La cavale de John List

EXCLUSIF. John List était un citoyen américain ordinaire. Il a beaucoup fait parler de lui à la fin de l'année 1971 pour avoir, le 9 novembre, tué sa femme, sa mère et ses trois enfants dans la maison familiale située dans le New Jersey. Âgé de 46 ans il a ensuite totalement disparu. 

Pour commettre ses assassinats John List avait tout planifié méticuleusement et il s'est passé près d'un mois avant que l'on s'aperçoive du drame. En cela, l'affaire Dupont de Ligonnès lui ressemble sur  plusieurs points. On ne retrouvera le criminel que 18 ans plus tard, le 1er Juin 1989, après la diffusion d'une émission de télévision d'appels à témoignages.

S'il est possible, par les points semblables et les curieuses coïncidences, de rapprocher deux affaires situées à près de 40 années de distance, il peut paraître intéressant, pour pouvoir éventuellement l'extrapoler à un autre cas similaire, de savoir ce qu'a été la vie de John List lors de sa cavale. Cette possibilité nous est donnée grâce à un article du Washington Post datant du 1er juillet 1989, un mois après son arrestation en Virginie.

La vie de John List retracée

La dernière trace de John List après son départ de son imposante maison de Westfield est sa voiture, un modèle de Chevrolet Impala datant de 1963, qui fut retrouvée stationnée sur un parking de l'Aéroport International JFK de New York trois jours après que l'on ait découvert les corps. Les autorités pensent alors que List a débuté une nouvelle vie vers l'ouest et en réalité à la fin 1972, un certain Robert Clark vit dans dans un parc pour caravanes à la périphérie de Golden, une banlieue à l'ouest de Denver dans le Colorado.

Le soir, il travaille dans les cuisines d'un hôtel proche et un collègue dira de lui qu'il a une obsession pour l'Histoire. Qu'il pouvait lui poser n'importe quelle question relative aux rois d'Angleterre ou autres et qu'il pouvait donner les dates de leur règne, les prénoms et dates de naissance des enfants, et qu'il savait tout cela par cœur, comme si c'était une façon pour lui d'enterrer sa propre histoire. Le collègue, qui est aussi le chef de cuisine devient ami avec Robert Clark/John List et en 1975, lorsqu'il change d'établissement pour le Country Club à Parker au sud est de Denver, il emmène List avec lui.

Le fugitif est un bon collègue dur à la tâche et il passe rapidement du parc à caravanes à un appartement à une chambre puis à un autre à deux chambres, selon son collègue parce qu'il aimait jouer aux jeux de guerre avec avec petits soldats de plomb et avait besoin de place. Et puis, en 1977, John List retrouve un travail de comptable, profession qu'il occupait avant le drame, et la même année il rencontre une femme dans une réunion paroissiale, Delores Miller. Il commence à fréquenter Delores Miller et déménage en 1978 pour habiter à l'Est de Denver, à Aurora, dans un complexe d'immeubles situé à l'Est de la ville.

Pour pouvoir emménager dans cet appartement, John List possédait un permis de conduire, une carte de sécurité sociale et plusieurs cartes de crédit au nom de Robert P. Clark. Selon le Washington Post, lors de son procès ultérieur, la police ne sait pas s'il s'est inventé une identité à l'aide de faux documents ou s'il a pris l'identité d'une personne décédée. Dans la demande de location qu'il a remplie en 1978, Clark a indiqué qu'il travaillait depuis 18 mois (à partir de janvier 1976) comme comptable pour une société R.C. Miller & Co de Wheat Ridge, au Colorado. Or il n'existe à l'époque aucun dossier fiscal ou commercial pour une telle société dans les dossiers de l'État du Colorado ou de la ville de Wheat Ridge.

En novembre 1985, John List emménage chez Delores Miller. Un mois plus tard le couple se marie. Après avoir occupé deux autres emplois de comptable dans la région de Denver, Robert Clark décide de créer sa propre entreprise en 1986. Mais sa société périclite, et les problèmes financiers reviennent. Clark/List recherche de nouveau du travail. Ses problèmes perdurent jusqu'à ce qu'il décroche finalement un emploi de comptable à Richmond, une ville située plus à l'Est des Etats-Unis, en Virginie. 

John List déménage en Virginie en février 1988 et emménage au mois de juillet à Brandermill, au sud ouest de Richmond, dans une maison de 76 000 dollars achetée au nom de sa femme, et pour laquelle elle a versé 12 000 dollars. Auparavant, il vivait modestement dans les environs de Denver depuis plus de 15 ans.

Qui a dénoncé John List ?

Selon l'article du Washington Post, un agent du FBI a déclaré qu'il ne lui était pas possible de vérifier qu'elle était la personne qui avait appelé pour dénoncer Robert Clark le soir du 21 mai 1989 lors de la diffusion de l'émission "America's Most Wanted". Cependant, la voisine de Delores Miller au moment ou Robert Clark avait emménagé chez Delores a reconnu Clark et a dit à son gendre d'appeler le FBI. Ce n'était pas la première fois que cette voisine identifiait Clark comme étant John List, selon ses dires. Elle dit avoir, en février 1987, acheté un magazine à l'épicerie et y avoir lu un article sur les meurtres de List. Elle a montré l'article avec la photo à Delores Clark en lui demandant : "Ce n'est pas votre mari ?". L'ancienne voisine précise que Delores Clark a fixé la photo pendant une minute pour finalement répondre "Oh non, ce n'est pas lui." Tout naturellement la voisine a ajouté "Pourquoi vous ne lui montrez pas ?". La réponse aurait été de déchirer l'article.


Source : https://www.washingtonpost.com/archive/local/1989/07/01/a-double-life-for-17-years/e6ea9055-c690-428c-bbe2-75c86adc82a4/

20 février 2023

Xavier Dupont de Ligonnès : Parti pour de bon ?

 

Depuis son départ de Nantes, c'est un  Xavier Dupont de Ligonnès décidé qui a sillonné l'Ouest et le Sud de la France. Logeant d'abord dans des hôtels économiques puis dans une luxueuse bastide avec restaurant gastronomique et retournant ensuite aux établissements à bas coût, parcourant un long trajet par l'autoroute à péage et le lendemain retirant modestement 30 euros de la Caisse d'Epargne, son comportement pourrait surprendre. L'homme semble alterner dépenses inconsidérées et manque d'argent. Cela aurait d'ailleurs été une habitude de vie.

Des distributeurs alimentaires se trouvent à l'époque en face du DAB de Roquebrune-sur-Argens

Dans cette affaire non résolue, certains détails n'ont rien de mystérieux. Un exemple. Qu'y aurait-il de mystérieux à ce que Xavier Dupont de Ligonnès, dont on nous dit qu'il avait travaillé comme commercial pour une entreprise située à Monaco, ait pu obtenir, et conserver, d'autant plus auprès d'une banque française, un compte bancaire dans l'agence se situant dans le pays du siège de l'entreprise ? Point de mystère ici.

Xavier Dupont de Ligonnès aurait clôturé, nous dit-on au début de l'affaire, l'ensemble de ses comptes bancaires. La question qui vient immédiatement à l'esprit est : Avait-il un compte-joint avec son épouse ? L'école des enfants a reçu un solde de tout compte. Le bail de la maison a été résilié. Est-il allé jusqu'à résilier les compteurs eau et électricité étant locataire en communiquant les index des compteurs ? Les factures seront émises plus tard et ce détail montre que, dans cette complexe affaire Dupont de Ligonnès, l'accent à d'abord été mis par le père de famille sur des éléments en lien avec l'absence à l'école ou au travail.

Xavier Dupont de Ligonnès disparait

Comme évoqué précédemment, l'étrange fuite de Xavier Dupont de Ligonnès n'en serait pas une (du moins ne s'agirait-il alors que d'une "errance"). Il a été précisé que ce n'est pas une fuite mais un parcours pour son travail, pas une fuite mais une escapade, pour s'échapper (lentement), pas une fuite parce que, copiant sur John List, Dupont de Ligonnès s'est retrouvé avec du temps devant lui avant de disparaître. S'est-il lui même accordé ce délai ou lui a t-il été imposé par la réservation d'un billet d'avion ?

Au début de l'Affaire Dupont de Ligonnès, dès qu'il a été rendu public que l'homme recherché avait quitté le Formule 1 en cours d'après-midi "portant un sac à dos et en bandoulière une housse de costume", l'intime conviction de l'auteur, ignorant d'ailleurs qu'il pouvait exister des housses de costumes se portant "en bandoulière", allait vers le plus simple raisonnement.

Après avoir quitté le Formule 1, Xavier Dupont de Ligonnès se rend à pied à l'aire de Canaver située plus à l'Est sur l'autoroute A8. Pour cela, il emprunte durant quelques kilomètres la nationale 7 vers Puget-sur-Argens puis le Chemin du Jas de Pellicot. Plus tard, peut-être le 16 avril, il demande à un chauffeur routier étranger de l'emmener. Soit pour prendre l'avion à Toulouse Blagnac, où il s'était arrêté quelques jours plus tôt, puis ensuite vers la Belgique, soit pour aller en Espagne. Hélas, trois fois hélas, un témoin l'aperçoit marchant à Roquebrune sur un chemin situé face à l'hôtel, de l'autre côté de l'A8, Chemin des Châtaigniers !

Dans ce cas, après son passage dans le tunnel sous l'A8, qu'aurait pu faire XDDL ? Prendre l'autocar au vu de l'arrêt qui s'y trouve ? Sur ce, au début de l'affaire, l'hypothèse qu'il s'est suicidé l'emporte et l'on ne cherche pas Xavier Dupont de Ligonnès mais son corps.

***

L'hypothèse incoupçonnée n'est donc pas totalement l'idée de l'auteur, il s'agit d'une version créée à partir des éléments connus, du terrain et surtout des témoignages de personnes ayant crû apercevoir le père de famille recherché. Et parmi tous les témoignages de ces dernières années, seulement deux ou trois ont vraisemblablement vu Xavier Dupont de Ligonnès.

Le matin du 16 avril, l'homme, qui se rase habituellement la tête d'avril à septembre, a modifié son apparence physique. Ayant réservé une place auprès d'une compagnie aérienne quinze jours trois semaines avant son vol pour bénéficier d'un tarif avantageux, il s'élance sur la route nationale 7 à la sortie de Roquebrune-sur-Argens, pour une vie de routard d'une dizaine de jours. Avant de partir définitivement, il profite encore quelques temps de la région, marche le long de la célèbre route des vacances et pense à l'autre voie mythique, la route 66.

Du 16 au 21, il se déplace sans que quiconque puisse se douter de quoi que ce soit le concernant. Six jours durant lesquels, selon ses horaires de déplacements, il peut éventuellement faire de l'auto-stop. La disparition prise en compte le 19, la scène d'horreur découverte seulement le 21, et loin de la Provence, ne peut pas, avant cette date, éveiller l'intérêt dans cette région que le suspect présumé puisse s'y trouver.

Cependant, dès le 21 avril, l'affaire prenant alors une tournure dramatique dans les médias, Xavier Dupont de Ligonnès choisit probablement de circuler la nuit. Avec l'hypothèse d'un périple de XDDL le long de la RN7, et dans le sens Est-Ouest, il se trouve déjà loin de Fréjus quand on le localise à cet endroit. A-t-il poussé son errance jusqu'au nord d'Aix-en-Provence, endroit se trouvant noté avec une croix parmi d'autres sur une carte trouvée sur son réfrigérateur à Nantes ? Son trajet le conduit-il dans un lieu de retraite comme il en existe dans les environs, un lieu où le comte de Ligonnès devient Monsieur Dupont, un inconnu ?

L'inconnu du Sud

C'est un homme un peu étrange qui surgit de nuit le 26 avril 2011 à Lançon-Provence. Il est 2h44 et il apparaît à la station-service Total située sur l'aire autoroutière après le péage. De grande taille, d'environ 50 ans d'âge, cheveux grisonnants, portant des lunettes et barbe d'un jour, l'inconnu s'éternise entre les pompes à carburant et la boutique. 

A un moment, il est remarqué par deux clients venus faire le plein. Il attire leur attention parce qu'il a posé à ses pieds quatre sacs cabas de couleurs différentes, et l'un des deux clients trouve qu'il ressemble à l'homme qui a tué toute sa famille à Nantes. Il est remarqué aussi par la caissière de la station-service de par ses allées et venues et puis il vient lui demander un café promotionnel gratuit. De plus elle note qu'il lui manque une dent. Et il manque en effet une dent à Xavier Dupont de Ligonnès, ce que la caissière ignore au moment, comme tout le monde.

L'inconnu finit par monter dans le Volkswagen Combi d'un autre client de la station-service, venu lui aussi de nuit. Il ignore tout du drame de Nantes, et emmène l'auto-stoppeur pour quelques kilomètres jusqu'à une sortie d'autoroute permettant à son passager peu loquace de se rendre à son but : la gare d'Aix-en-Provence, pour prendre le train. Le conducteur du Combi note que l'homme ne sent pas très bon, a une barbe naissante et il le dépose un peu plus tard, entre 4h00 et 4h15, à une sortie d'autoroute dont il ne se rappellera plus précisément le numéro, selon lui la 30 ou 31.

La sortie 30 permet d'entrer dans Aix-en-Provence au plus près de la gare SNCF. Pour s'y rendre, l'inconnu a deux choix. Il peut emprunter la rue Pierre Brossolette se trouvant face à lui et descendre un escalier à droite dans la rue des Belges pour arriver par un côté. Il peut aussi préférer la rue de la Fourane située un peu plus loin à droite. Sur la gauche, elle donne vers l'Avenue Robert Schuman et permet d'atteindre la gare par l'autre côté. Une nouvelle Avenue Schuman, trois semaines après le début de la tuerie de Nantes. Le monde est petit.

Il est à préciser la chronologie suivante. De la date des exécutions à Nantes le 7 avril à l'arrivée de Xavier Dupont de Ligonnès à Roquebrune-sur-Argens le 14, il s'est passé une semaine. Jusqu'au repérage de sa voiture par les gendarmes le 21, il s'est passé une deuxième semaine, et jusqu'à la dernière image que l'on a de l'inconnu à la gare SNCF d'Aix-en-Provence, une troisième semaine s'est écoulée. Moins une journée. Mais, avec sa réservation, XDDL n'est pas encore parti de France.

L'inconnu, dont la ressemblance avec Xavier Dupont de Ligonnès est frappante, est filmé par les caméras de surveillance sur le parvis de la gare d'Aix-en-Provence à 6h00. Il achète un billet de trajet local et, moins d'une demi-heure plus tard, disparait des radars après s'être glissé parmi les passagers matinaux du premier train pour Vitrolles. A peine réveillés et tout à leurs soucis du quotidien, les autres passagers ne font guère attention à lui.

Exemple en 2023

Le mardi 26 avril 2011 vers 8h00 du matin le train dans lequel l'inconnu du Sud a pris place arrive à la gare SNCF Vitrolles Aéroport Marseille Provence. Pour aller directement à l’aéroport il monte dans une navette stationnée devant la gare. Parvenu au terminus, il se rend dans les toilettes de l'aéroport pour se changer et prendre soin de son apparence avant de se diriger vers une salle d'embarquement. Un peu plus tard, l'avion pour Bruxelles dans lequel il se trouve s'élance sur la piste.

***

Il est utile de préciser que l'hypothèse retenue est une option. Une option souhaitant coller au plus près du vraisemblable. Il y en a d'autres, Nice ou Madrid. Marseille vers le Canada. Aucune n'est meilleure qu'une autre. Sauf que, en excluant le départ dans les jours suivant le drame de Nantes, toutes font nécessairement appel à une nouvelle identité. Et l'hypothèse présentée va même plus loin, elle fait appel à deux nouvelles identités. Une française et une américaine. Sur la base des nombreux voyages antérieurs aux Etats-Unis de Xavier Dupont de Ligonnès, et ceci sur une longue période de temps. Sur la base des nombreux contacts qu'il avait aux USA, élément qui a été précisé par le parrain de Benoît dans les premières années après le drame et s'est trouvé confirmé ultérieurement. Sur la base de l'obligation pour ses déplacements d'avoir un passeport, et du fait que chaque membre de la famille devait en posséder un, associé au nécessaire renouvellement de ces documents à date de validité limitée, et sur la base qu'il a donné un nom d'emprunt dès le premier soir à l'hôtel de Puilboreau, alors que ce n'était pas utile pour lui de cacher son identité, on peut émettre l'hypothèse que Xavier Dupont de Ligonnès, qui reste présumé innocent du drame de Nantes, est parti aux Etats-Unis avec des faux papiers d'identités. Et il est permis de penser que ceux-ci n'étaient pas forcément récents. En tout état de cause, il a disparu. Il s'appellera donc maintenant John Robert Doe.*

L'américain

L'avion de Bruxelles à New York dans lequel a embarqué John Doe se pose plusieurs heures plus tard au Liberty International Airport de Newark, dans le New Jersey. C'est à Newark qu'est né le célèbre romancier Harlan Coben et c'est non loin de là que John List a tué toute sa famille avant de disparaître quarante ans plus tôt. De plus, l'aéroport est situé à 11 km à l'ouest de la Statue de la Liberté. Et c'est un grand vent de liberté que respire John Doe en descendant de l'avion.

Où est allé John Doe après son arrivée aux Etats-Unis ? Si Xavier Dupont de Ligonnès possédait plusieurs comptes bancaires ainsi que différentes cartes de paiement, John Doe, de son côté, ne dispose plus que de quelques dollars. Aux Etats-Unis, il va modestement vivre de petits boulots et il pourra prochainement, tout comme Xavier Dupont de Ligonnès sur la route Nationale 7, envisager faire un road trip le long de la route 66 et ainsi réaliser pleinement son rêve américain

Depuis le New Jersey les possibilités d'existence sont multiples. Il peut, depuis l’aéroport de Newark, se rendre vers l'ouest directement à San Francisco, décider de vivre quelques temps à New York, faire la route au nord jusqu'à Chicago en passant par Cleveland, se rendre vers le sud en Floride en traversant la Virginie, s'arrêtant au passage en Georgie où il pourra y saluer d'anciennes connaissances, ou certaines connaissances d'amis, qui se souviendront peut-être de lui sous son ancien nom, ou d'un autre, et éventuellement lui trouver un travail, par exemple dans un restaurant ou comme vendeur de voitures d'occasion.

Si, le moment venu, John Doe décide de traverser les Etats-Unis par la route 66, de la parcourir entièrement, il devra commencer par l'une de ses extrémités. N'ayant rien à voir avec une route des vacances comme la Nationale 7, au contraire, la route 66 permettait à sa grande époque de traverser les Etats-Unis pour une migration économique. Les nostalgiques peuvent toujours revivre l'aventure des pionniers et découvrir, par exemple, les légendaires stations-services ou les restaurants typiques américains situés le long de cette voie mythique.

La particularité de la route 66 est qu'elle va de Chicago dans l'Illinois à Santa Monica Los Angeles en Californie. Or, après New York qui est la ville la plus peuplée des USA, la seconde et la troisième sont respectivement Los Angeles, où se termine la route 66, et Chicago, où elle débute historiquement. Or, depuis la disparition du père de famille recherché après la tuerie de Nantes, il existe deux observations vraisemblables de lui aux Etats-Unis et qui sont précisément l'une en Californie, à San Francisco, au nord de Los Angeles, et l'autre à Chicago, au bord du lac Michigan.

***

Avant de vivre à Nantes, les Dupont de Ligonnès louaient une maison à Pornic, près de la côte Atlantique, à un couple de notaires qui avaient eux aussi des enfants et étaient de plus leurs voisins. Les deux familles se connaissaient bien et se fréquentaient à l'occasion, ceci jusqu'au déménagement des Dupont de Ligonnès en 2003 pour Nantes. Evidemment, quand le drame est largement médiatisée en avril 2011, le couple de notaires se souvient de cette charmante famille d'anciens voisins. Ils ne peuvent même plus l'oublier.

Et puis en 2015, à l'occasion d'une visite à leur fils qui occupe un emploi dans une multinationale située dans la Silicon Valley le couple se retrouve à San Francisco à déambuler dans le quartier français. Dans cette petite enclave historique du centre-ville, la femme entre dans une boutique alimentaire quand soudain un individu la bouscule. L'ancienne propriétaire de Xavier Dupont de Ligonnès se retourne et se trouve face à un homme vêtu d'une chemise ajustée et bien rasé qu'elle reconnait comme son ancien voisin. Elle est tellement surprise, dans le contexte du lieu où elle se trouve en Californie, qu'elle prononce à haute voix son prénom "Xavier ?". C'est alors que l'homme aurait lui aussi écarquillé les yeux avant de faire demi-tour et de s'éloigner au pas de course.

Cinq ans plus tard, en juillet 2020, dans le cadre de sa nouvelle série «Unsolved Mysteries», la chaîne américaine Netflix consacre un épisode au français disparu suspecté d'avoir tué sa femme et ses enfants à Nantes : Xavier Dupont de Ligonnès. Après la diffusion de l'épisode, le réalisateur du documentaire a bien entendu reçu quelques signalements et parmi ceux-ci l'un faisait état de plusieurs personnes ayant aperçu celui qui est appelé "Le Fugitif" dans la ville de Chicago. Des personnes qui venaient juste de voir l'épisode se trouvaient à Lake Shore Drive, quand elles ont entendu quelqu'un parler français et l'ont observé. L'homme conversait-il avec une autre personne ou était-il au téléphone ? Aucune indication n'a été fournie. Le réalisateur du documentaire ayant peu après reçu une photo de l'homme et constatant qu'il ressemblait vraiment à Xavier Dupont de Ligonnès, a signalé cette information aux autorités.

Le lieu exact de l'observation est imprécis. Lake Shore Drive correspond à un ensemble de voies longeant le lac Michigan sur une partie de la ville. Pourtant, cette piste n'est pas si farfelue. En effet, le commencement de la route 66 n'est distant que d'environ 600 mètres de la voie rapide Lake Shore Drive.

On se souvient que l'hypothèse insoupçonnée est développée sur la base que Xavier Dupont de Ligonnès remonte en partie la route Nationale 7 depuis Roquebrune. C'est-à-dire dans le sens opposé aux départs en vacances. John Doe aurait-il eu l'idée de partir de San Francisco en 2015 pour suivre la route 66 dans le sens opposé ? Erre-t-il régulièrement le long de cette route historique ?


*John Doe est aux Etats-Unis la désignation d'une personne non identifiée ou de l'homme de la rue, souvent attribuée aux corps non identifiés.

Sources : Notes personnelles, https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/04/21/01016-20110421ARTFIG00380-une-famille-entiere-portee-disparue-a-nantes.php, https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/xavier-dupont-de-ligonnes-ce-detail-physique-qui-a-failli-le-trahir_453012, https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/il-y-a-10-ans-xavier-dupont-de-ligonnes-passait-sa-premiere-nuit-de-cavale-en-charente-maritime-1618078381, transcription en Anglais d'un article de Society, diverses sources citant "Soir Mag", https://www.lindependant.fr/2021/10/20/xavier-dupont-de-ligonnes-apercu-a-chicago-comment-netflix-pourrait-avoir-relance-lenquete-jusquaux-etats-unis-9865976.php,Wikipédia. Images : Google Street View, Andreas H, PDPhotos de Pixabay + montage. Mis à jour le 15/03/23.

09 février 2023

Xavier Dupont de Ligonnès : Une hypothèse insoupçonnée

 

Suspecté d'avoir assassiné sa femme et ses quatre enfants en avril 2011 dans la maison que la famille occupait à Nantes, puis de les avoir enterrés sous la terrasse, Xavier Dupont de Ligonnès a disparu depuis 12 ans. La clé de son escapade.

Le sujet ici n'est pas de se trouver "dans la tête" du père de famille, ni d'étudier son profil psychologique, encore moins d'analyser l'influence que sa mère pourrait avoir eu sur lui. Il y a assez de spécialistes et de fictions narratives hybrides très tendance pour trouver le pourquoi. Face à un fait : Xavier Dupont de Ligonnès est parti, voici une hypothèse basée sur des éléments connus essayant de répondre au comment. Une hypothèse insoupçonnée.

Souvenez-vous, le 15 avril 2011, après une nuit au Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens, Xavier Dupont de Ligonnès quitte sa chambre et abandonne sa voiture. Le 19, une enquête pour disparition inquiétante est ouverte. Six jours après son départ de Roquebrune, le 21 avril, des restes humains sont découverts sous la terrasse de la maison familiale à Nantes. Jusqu'au 19 avril, il n'y a pas d'écho national de la disparition des Dupont de Ligonnès et ce jour-là c'est une famille qui est recherchée, pas un homme seul.

Ainsi, comme indiqué précédemment, le jour où Xavier Dupont de Ligonnès quitte l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens, le 15 avril, il peut aller librement où bon lui semble. Après la nuit passée dans une chambre basique dépourvue de sanitaires où les clients doivent aller régulièrement dans le couloir, à 10h19 il part une première fois de l'hôtel avec sa Citroën C5. A ce moment-là il est censé avoir rendu la chambre, ses affaires se trouvent donc logiquement avec lui dans la voiture.

Il a été révélé qu'un ami proche de Xavier Dupont de Ligonnès se trouvait dans la région ce jour-là, et plus précisément que cet ami avait quitté l'hôtel Mercure de Fréjus à 10h45 pour Draguignan. Si l'on parle bien du Mercure situé à Port-Fréjus, près de la mer, la durée donnée de 16 minutes pour traverser la ville et "borner" à Puget-sur-Argens semble assez vraisemblable, de même que les 5 minutes supplémentaires pour rejoindre Le Muy. L'ami arrive au Muy à 11h06. Considérons que Xavier Dupont de Ligonnès souhaite rencontrer son ami à cette occasion, au prétexte de la folle histoire qu'il a tenu à tous ses proches.

Dès l'entrée du village du Muy, sur l'ancienne Route Nationale 7, se trouve au moment une cabine téléphonique publique. On sait que l'ami est arrivé à Draguignan à 11h30. Pour cela il a dû repartir du Muy au moins 15 minutes avant. L'hypothèse est la suivante : Les deux hommes ont pu ce matin-là, le plus naturellement du monde, se voir dans la rue entre Puget et Le Muy, dans un intervalle de 45 minutes, entre 10h30 et 11h15. Au Muy, Xavier Dupont de Ligonnès pourrait s'y trouver autour de 10h24. Il aura répété à son ami son discours de fuite et d'exil familial. Ensuite, après un dernier salut, chacun sera reparti de son côté.

La clé

Xavier Dupont de Ligonnès est un homme qui qui aime conduire, qui conduit beaucoup, qui aime les voitures. Il aime les voitures américaines et a traversé les USA. Par le passé, il a fait un périple le long de la mythique Route 66. Par ailleurs, Xavier Dupont de Ligonnès traverse depuis toujours la France de long en large pour son travail. Il "avale" les kilomètres. Or, que trouve-t-on lorsque l'on arrive dans le Sud de la France depuis Nantes ? Quelle voie célèbre passe à proximité de Draguignan et de Lorgues que Xavier Dupont de Ligonnès connaît bien pour y avoir habité ? La route nationale 7. 

La mythique RN7 se trouve parallèle à la chaîne de la Trévaresse et à la Chaine D'Éguilles à Aix-en-Provence. Elle est ensuite parallèle à l'Autoroute A8. Après Brignoles, elle arrive dans la vallée de l'Argens avant d'atteindre la Méditerranée à Fréjus. Elle est maintenant déclassée, notamment en D7N et DN7. La route nationale 7 est en France ce que la Route 66 est aux Etats-Unis, et inversement.

La fuite anticipée de Xavier Dupont de Ligonnès a l'ambiguïté d'être à la fois un périple professionnel et l'expression d'une nouvelle liberté, c'est pour cela que le terme adapté est escapade (de escapar, échapper). Et la clé de l'escapade est la route nationale 7.

La partie de la RN7 qui nous intéresse se situe entre Fréjus et Aix-en-Provence, plus particulièrement entre le point de départ de Roquebrune-sur-Argens, le rond-pont de l'hôtel, et Aix-en-Provence. Avant de disparaitre définitivement, il lui faut préparer le terrain. Le 15 avril à 11h15, il quitte Le Muy au volant de sa C5 en direction d'Aix-en-Provence. De place en place, il s'arrête pour cacher discrètement des vivres, qui peuvent être des salades composées en conserve à ouverture facile et des petites bouteilles d'eau. Il lui faudra tenir 10 jours.

Le long de l'ancienne nationale 7, ce qui caractérise les abords, c'est la diversité de leur aspect, dans une certaine uniformité de désordre. Entre buissons, hautes herbes, arbustes, maquis, endroits abandonnés ou paraissant tels, ce n'est pas que Xavier Dupont de Ligonnès aurait pu trouver une cache, c'est qu'il pouvait en trouver cent. Entre midi et quatorze heures, il observe les bords de la route, essaie de repérer des endroits propices à ses futures pauses. Il ignore s'il va faire le trajet à pied ou en stop, ça sera selon les occasions. Au besoin, il marchera un peu dans le sens opposé, pour rejoindre une halte dépassée. Qui pourrait suspecter un routard qui se dirige vers Roquebrune-sur-Argens ?

Pour l'instant, il ne peut pas rouler bien au delà de Pont des Trois-Sautets, au sud-est d'Aix-en-Provence, entre Aix et Meyreuil. Il doit prendre en compte le temps nécessaire au retour à Roquebrune et puis à cet endroit la Nationale 7 traverse Aix-en-Provence pour rejoindre Avignon. Et ce n'est pas sa destination.

Le départ

A 14h20 Xavier Dupont de Ligonnès fait demi-tour pour rentrer à l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens. A 16h00 il stationne sa voiture dans un angle mort sur le parking attenant à l'hôtel et repart à pied à 16h10, non sans avoir au préalable taillé un peu ses cheveux. Portant sur le dos un sac rempli de vivres et à l'épaule la tente 2 secondes achetée fin mars près de Châteauroux, il s'éloigne en direction du chemin Les Châtaigniers en empruntant le tunnel proche situé sous l'Autoroute A8 "La Provençale".

Fatigué de son périple entrepris en milieu de matinée, il décide de tester son dispositif et de modifier un peu son physique. Le chemin des Châtaigniers convient remarquablement pour cela. Il choisit de s'installer dans la végétation pour la soirée. En cas de problème, il lui sera toujours possible de se replier vers sa voiture et de prendre une nouvelle décision. Dans la pire des situations, en cas de contrôle, il reste un citoyen comme un autre.

Xavier Dupont de Ligonnès affectionnait de porter un sweat shirt bleu marine
 

Le 16 avril 2011, Xavier Dupont de Ligonnès sort des Châtaigniers à l'endroit où chemin, route et autoroute se croisent et il quitte définitivement Roquebrune-sur-Argens. Dès lors, personne ne le cherche, personne ne le remarque, si ce n'est comme un personnage solitaire effectuant un "pèlerinage" le long de la Nationale 7. Personne ne s'intéresse à cet homme sur le bord de la route, sauf quand il fait de l'auto-stop, pour lui permettre de s'avancer un peu, d'aller plus loin. Et assurément, le but de Xavier Dupont de Ligonnès est d'aller loin.

***

Il a été révélé que XDDL était arrivé à l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens le 14 avril à 15h30 et qu'il avait effectué un retrait de 30 euros au distributeur de la Caisse d'Epargne de la même commune. Ce retrait a probablement été fait entre 17h et 19h00 et à une adresse différente de l'établissement actuel. A partir des faits connus concernant les déplacements de Xavier Dupont de Ligonnès, cette hypothèse insoupçonnée sur la journée du 15 avril 2011 permet de relier son arrivée à Roquebrune-sur-Argens le 14 à son second départ du 15 avril en complétant son emploi du temps et laisse entrevoir une piste dès la journée du 16.

A suivre...

 

Sources : Notes personnelles de l'auteur, https://www.midilibre.fr/2011/04/22/disparus-de-nantes-les-derniers-jours-de-la-famille-dupont-de-ligonnes,307755.php, sofb.fr, Wikipédia, Google Maps, viamichelin.com, transcription en Anglais d'un article de Society. Modifié le 15.03.23.

Images : La Montagne Sainte-Victoire à Aix-en-Provence par Fabien Pasquet de Pixabay, Google Street View, montage d'après images largement reprises.

02 février 2023

Le voile se lève sur l'Affaire Dupont de Ligonnès


L'Affaire Dupont de Ligonnès. Depuis 2011, le père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès, a quitté Nantes, laissant derrière lui les corps enterrés de sa femme et de ses enfants. Un drame qui reste encore dans toutes les mémoires, et sur lequel le voile se lève peu à peu. EXPLICATIONS.

Une partie du travail des journalistes consiste, après un événement, à recueillir les dires des témoins. Cela peut être leur témoignage visuel, ou simplement leur opinion. Dès lors que cette observation, avis ou sentiment sur un sujet est publié, cela devient un fait. Un fait qui va au delà de l'événement premier, le sujet de base.

Le fait premier se déporte ainsi vers le témoin. La réaction du témoin ressemble au commentaire d'une personnalité politique, elle crée l'émergence d'un fait nouveau. D'un fait acté. Dans l'affaire Dupont de Ligonnès, lorsqu'un témoin, dans un restaurant-grill et western de Cholet voit le fugitif "portant un gros livre sur lui", cela devient un fait porté à la connaissance du public. Ensuite, lors de son passage dans l'un des couloirs de l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens, Xavier Dupont de Ligonnès porte de nouveau son gros livre, à la main. Sur les images prises par la caméra située dans le couloir, aurait été identifié Glacé, de Bernard Minier, un roman de 560 pages au format 154 x 240 mm, paru en février 2011.

Viennent ensuite les hypothèses. Dupont de Ligonnès aurait jeté un coup d'œil à la caméra installée dans le couloir à ce moment précis. Pour certains il transmet donc un message : Le contenu du livre. Essayons de "déporter" le message. Pourrait-il dire, sur un ton léger : "J'avais oublié mon livre dans la voiture". Ou bien, de façon plus sérieuse : "Devinerez-vous que j'ai creusé les pages de ce livre comme dans les films d'espionnage pour y cacher de l'argent et des faux-papiers ?"  Au delà d'une interprétation possible, il reste une question factuelle : Qu'est finalement devenu ce mystérieux et imposant livre ?

Un fait. Un livre. Un fait. En quittant l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens à pied, Xavier Dupont de Ligonnès est vu portant "un sac à dos et une housse de costume en bandoulière". L'hypothèse admise est que la housse cachait sa carabine pour se suicider. Une autre : Les deux sacs contenaient son futur. Nous verrons plus loin lequel.

Toujours John List

Pour rappel, le père de Xavier Dupont de Ligonnès est décédé le 20 janvier 2011. On sait qu'il lui lègue la carabine qu'il possédait. XDDL obtient sa licence de tir le 2 février. Le roman Glacé a été publié le 24 février. Le 12 mars, après avoir hérité du fusil de son père, Xavier Dupont de Ligonnès achète des cartouches et un silencieux. Faute d'avoir retrouvé l'arme il est peu probable que l'on en apprenne davantage.
Cependant, un autre livre attire l'attention, un roman de l'auteur à succès américain Harlan Coben. Fait : Le livre a été retrouvé au domicile des Ligonnés. Le titre en Français est "Disparu à jamais", tandis que le titre en Anglais est plutôt "Parti pour de bon". La mort versus le non retour.

Il est possible de comparer la tuerie de Nantes en avril 2011 avec un événement similaire s'étant produit aux Etats-Unis quarante années auparavant, l'Affaire John List. Quelques temps avant de tuer sa famille le 9 novembre 1971, John List travaillait à Jersey City. Le romancier Harlan Coben est né le 4 janvier 1962 à Newark, ville située sur l'autre rive de la baie. La maison des List se trouvait à Westfield, un peu au sud-ouest de Newark. Durant son enfance Harland Coben vit à Livingston, situé à une quinzaine de kilomètres au nord. Il a 9 ans et demi lorsque se déroule la tuerie au 431 Hillside Avenue à Westfield. Lui seul pourrait dire s'il a été marqué par cette affaire, si cela plus tard l'a influencé pour écrire des thrillers. 

Xavier Dupont de Ligonnès a-t-il pour son funeste projet été influencé par le procès lié à cet événement alors qu'il se trouvait sur le sol américain en compagnie de son ami Michel ? Faits. Hypothèses.

XDDL et les sept morts

Près de sept ans se sont écoulés depuis la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès lorsque soudain, le 9 janvier 2018, une opération de police est lancée dans un monastère isolé de Roquebrune-sur-Argens. Un paroissien a crû reconnaitre XDDL sous l'apparence d'un moine, cela crée une effervescence policière et médiatique. Quelques jours après, le  samedi 20 janvier 2018, la chaîne France 2 dévoile une interview de Michel, l'ami de Xavier de Ligonnès, dans son émission "13h15 le samedi".
Co-incidence ou hasard, à peine six semaines plus tard, le vendredi 2 mars 2018, Michel met fin à ses jours chez lui. Quant à l'autre ami de "Xav", Emmanuel, il décède à son tour le 18 janvier 2019.
En plus de ses quatre enfants et de sa femme, au cours du temps l'Affaire Dupont de Ligonnes aura fait sept morts.

Le nouveau départ

Une fuite, ça se prépare. Celle de Xavier Dupont de Ligonnès a été anticipée, et pourtant, à proprement parler, elle n'en est pas une. Ceci parce qu'il y a une ambiguïté liée au besoin d'argent. Il s'agit pour lui d'un nouveau départ, d'une nouvelle liberté, et en même temps, dans les premiers jours, d'une continuité de vie dans le cadre de ses habitudes professionnelles.

Xavier Dupont de Ligonnès travaillait comme enquêteur qualité rémunéré ou "Client Mystère" pour une société spécialisée. Il visitait des hôtels en France et rédigeait ensuite ses impressions. Ceux qui ont effectué des missions pour ce type d'entreprises savent que c'est peu rémunéré, que la participation aux frais de déplacement est faible, que le produit acheté ou la prestation testée est remboursé en toute ou partie, et surtout, que le paiement de la mission n'intervient pas immédiatement.

XDDL visite discrètement des hôtels économiques et c'est d'ailleurs probablement pourquoi il se rend si loin de Nantes fin mars 2017 aux portes de Chateauroux dans l'Indre, dans la zone commerciale de Saint-Maur, où est justement implanté un hôtel de l'enseigne Première Classe. Les faits : Avant de repartir, il en profite pour faire plusieurs achats dans un magasin de bricolage proche, notamment  un rouleau de sacs-poubelles de grande taille et un paquet de dalles adhésives en plastique pour le sol. L'hypothèse : Il achète aussi une tente 2 secondes dans le Décathlon situé presque en face de l'hôtel.

 
 
Autrement dit, ce qui semble en apparence un parcours erratique à travers le pays est d'abord, après son départ définitif de Nantes, le moyen pour Xavier Dupont de Ligonnès, en terminant sa mission, de récupérer ultérieurement de l'argent par virement sur son compte rattaché. Ensuite, son parcours avait été préparé longtemps à l'avance.

Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que le jour où Xavier Dupont de Ligonnès quitte l'hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens, personne ne le recherche, personne ne le remarque, personne ne s'intéresse à lui. Il peut aller librement où bon lui semble. Ce n'est que quatre jours plus tard, le 19 avril 2011, qu'une enquête pour disparition inquiétante est ouverte, et c'est seulement le 21 avril qu'un avis de recherche pour la famille disparue est lancé.

Après son départ pour un périple dans le Sud, Xavier Dupont de Ligonnès a aussi bien pu faire du stop, prendre l'autocar, se faire héberger dans un camp de gens du voyage, se dissimuler dans un bois, marcher de nuit. La topographie et l'environnement de la région, le maquis, permettent cela. Qui fait attention à un vagabond que personne ne recherche encore ? D'ailleurs, ce n'est qu'à partir de l'avis de recherche et de l'inscription au fichier des véhicules recherchés que, dans la nuit du 21 au 22 la Citroën C5 bleue de XDDL, pourtant présente sur le parking du Formule 1 depuis le 15, est repérée par les gendarmes.

La situation de Xavier Dupont de Ligonnès devient problématique seulement à partir du 21 avril. Ceci étant, si l'homme, qui reste présumé innocent, a, 40 ans plus tard, imité John List dans sa méthode criminelle, et cette hypothèse est au cœur du sujet, il aura imaginé une suite similaire. Pour rappel, en 1971 aux États-Unis, un mois s'est écoulé avant que l'on ne découvre la scène de crime. XDDL aura probablement pensé qu'en France trois semaines s'écouleraient avant la découverte. Et en effet, à Nantes, au delà des précautions prises pour masquer les odeurs, ce n'est que parce qu'une jeune policière a remarqué la gamelle du chien en équilibre sous une planche placée sous la terrasse que les corps ont été découverts.

A suivre...


Sources : L'auteur ayant suivi les évolutions de l'Affaire Dupont de Ligonnès entre Avril 2011 et Octobre 2016, les informations utilisées proviennent de notes personnelles auxquelles il faut ajouter quelques vérifications réalisées en janvier 2023, comme LeParisien.fr, Var Matin, Europe 1,... Ainsi que Wikipédia et bien entendu Google Maps.

22 janvier 2023

Xavier Dupont de Ligonnès serait-il toujours vivant ?

L'Affaire Xavier Dupont de Ligonnès comporte un nombre important de similitudes avec une affaire plus ancienne qui s'est déroulée aux Etats-Unis en 1971, l'Affaire John List. Quarante ans et sept mois séparent les deux tueries de masse. Une autre affaire tristement célèbre s'étant déroulée en France en janvier 1993 attire aussi l'attention, celle de Jean-Claude Romand.

Une partie de la population pense que Xavier Dupont de Ligonnès s'est suicidé, une autre partie qu'il est toujours vivant. Cet article penche pour la seconde version et vous révèle même ce que pourrait être la vie de Xavier Dupont de Ligonnès actuellement. Avertissement : les similitudes relevées sont en gras.

Xavier Dupont de Ligonnès

La "tuerie de Nantes" ou Affaire Dupont de Ligonnès est une affaire criminelle dans laquelle cinq membres de la famille Dupont de Ligonnès ont été assassinés début avril 2011. Les corps d'Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants, Arthur, Thomas, Anne et Benoît, ont été retrouvés le 21 avril 2011 dans le jardin de leur maison située au 55 Boulevard Robert-Schuman à Nantes (Loire-Atlantique).

Le père de famille, Xavier Dupont de Ligonnès, âgé de 50 ans au moment des faits, est introuvable. Plus tard, on découvrira que l'homme, présumé innocent, a pris la fuite.

Le drame de Nantes en avril 2011 présente-t-il des similitudes avec les cas de John List aux Etats-Unis et de Jean-Claude Romand en France ?

John List

Âgé de 46 ans, John List a tué sa femme, sa mère et ses trois enfants à leur domicile dans le New Jersey, le 9 novembre 1971, puis il a disparu de la circulation. Il avait méticuleusement planifié les meurtres de ses proches et il s'est passé près d'un mois avant que quelqu'un ne soupçonne quoi que ce soit du drame.

Après avoir occupé un poste aux services financiers dans l'Armée, List est devenu en 1960 directeur des services comptables chez Xerox à Rochester dans l'Etat de New York. En 1965, il accepte un poste de vice-président et contrôleur dans une banque de Jersey City dans le New Jersey, et doit pour cela déménager avec sa famille. Famille qui s'installe dans un manoir victorien de 19 chambres à Westfield.

Malheureusement, quelques temps plus tard, la fermeture de la banque de Jersey City crée pour lui une crise financière qu'il cache à sa famille. Voulant assurer à ses proches le même train de vie, il continue comme si de rien n'était, donnant l'illusion qu'il part chaque matin au travail, alors qu'il passe ses journées à des entretiens d'embauche ou à la gare, lisant des journaux en attendant l'heure du retour au domicile. Cette situation a sans doute inspiré beaucoup de scénaristes depuis. Ensuite c'est pour John List la spirale, il détourne l'argent des comptes bancaires de sa mère afin d'éviter le défaut de paiement du manoir. Lorsque la situation devient plus critique, il encourage ses enfants à trouver un travail à temps partiel, sous un prétexte d'éducation alors que la réalité est toute autre. Et c'est quand il devient simple vendeur en assurances que le drame se prépare.

Le mardi 9 novembre 1971, il rentre dans son manoir de Westfield dans le New Jersey. Dans la cuisine, il tue sa femme en lui tirant dessus avec une arme à feu à l’arrière de la tête, et ensuite il tue sa mère qui se trouve à l'étage en lui tirant au dessus de l’œil gauche. Puis il attend que sa fille de 16 ans et son fils de 13 ans reviennent de l'école pour les abattre froidement. Cependant, John List a un autre fils, de 15 ans, absent parce que parti disputer un match de football. List se prépare donc un repas et se rend ensuite à sa banque pour fermer ses comptes bancaires ainsi que celui de sa mère, puis part assister au match de son fils. Il le ramène avec lui à la maison. Cette fois-ci il est obligé de tirer à plusieurs reprises sur l'adolescent, celui-ci ayant tenté de se défendre. List aura assassiné sa famille en utilisant sa propre arme de poing semi-automatique de 9 mm Steyr 1912 et le revolver Colt de calibre 22 de son père. Ensuite, il dîne et se couche.  

Le lendemain, avant de quitter la maison, il baisse le thermostat et met en route une station de radio religieuse. John List avait placé les corps de sa femme et de ses enfants sur des sacs de couchage dans la salle de bal du manoir. Celui de sa mère, il l'a laissé dans l'appartement qu'elle occupait dans le grenier. Sur le bureau de son étude, se trouvait une lettre de cinq pages destinée à son pasteur. Il avait aussi envoyé des courriers aux écoles des enfants et aux entreprises dans lesquelles les adolescents travaillaient à temps partiel, affirmant que les enfants seraient partis en Caroline du Nord durant quelques semaines pour visiter leur grand-mère maternelle souffrante. Grand-mère maternelle qui en l’occurrence était réellement malade et à propos de laquelle List a déclaré plus tard que si elle était venue elle aurait été sa sixième victime.

Jean-Claude Romand

L'affaire Jean-Claude Romand est un événement qui s'est déroulé en France au début de 1993. Cette affaire a eu un fort retentissement dans le pays et plusieurs ouvrages ont été ultérieurement écrits sur le sujet. 

Pour résumer, Jean-Claude Romand est un homme qui cache à son entourage la vérité sur ses études et ses activités professionnelles, ceci durant dix-huit ans. Il vit de sommes d'argent escroquées au fil des ans dans son cercle de relations, à ses parents et beaux-parents, aussi bien qu'à sa maîtresse, auprès de laquelle il emprunte une importante somme d'argent. Le samedi 9 janvier 1993, quelques semaines avant d'avoir 39 ans, alors qu'il est à court de ressources financières, il tue son épouse avec un rouleau à pâtisserie, puis il tue ses deux jeunes enfants dans leur chambre en tirant à l'arrière du crâne avec une carabine 22 Long Rifle équipée d'un silencieux.

Le jour même, il part déjeuner chez ses parents dans le Jura. Parvenu sur place il les tue, ainsi que leur chien labrador, toujours avec sa carabine et de dos. Ensuite il reprend sa voiture pour aller à Paris pour passer la soirée avec son ancienne maîtresse, qu'il tente aussi de tuer, en l'étranglant.

Regard sur la vie de Dupont de Ligonnès

John List s'était recréé une vie similaire à la précédente dans un autre État des USA. Sorte de nouveau départ ou moyen de se dissimuler dans la respectabilité ? Femme, enfants, travail, église, il avait une nouvelle vie en Virginie. S'il a été retrouvé, c'est surtout grâce à une nouvelle émission télévisée créée en 1988 : America’s Most Wanted. Son but ? Montrer certains des plus grands fugitifs américains sur les écrans de télévision à travers le pays. 

Environ un an après sa création, en 1989, l'émission AMW diffuse le cas de John List. Un buste actualisé de List est réalisé par un sculpteur pour l'occasion et montré durant l'émission. Plusieurs appels sont reçus au standard et parmi eux "celui d'une dame qui a appelé pour dire que le buste ressemblait beaucoup à l'un de ses voisins, Robert P. Clark."* La vie similaire à List de Clark a facilité la tâche des enquêteurs pour retrouver l'auteur des meurtres de Jersey City, 18 ans après le drame.

Le procès retentissant de John List a lieu au cours de 1990. Cette année-là, Xavier Dupont de Ligonnès fait un périple en voiture de plusieurs mois aux Etats-Unis avec un ami.

Xavier De Ligonnès, un regard souvent ailleurs

En avril 2011, Xavier de Ligonnès est financièrement depuis plusieurs mois aux abois. Il multiplie les échecs professionnels et se trouve dans une situation financière critique. Rattrapé par les dettes, il est notamment poursuivi par une ancienne maîtresse. Elle souhaite récupérer une importante somme d'argent qu'elle lui a prêté et pour cela, elle mandate un huissier, qui se présente d'ailleurs devant la maison des Ligonnès le 5 avril 2011 et trouve porte close.

Les corps des enfants Dupont de Ligonnès ont été découverts enterrés à l'extérieur de la maison en location qu'occupait la famille à Nantes. Arthur, l'ainé, avait 20 ans. Il a été tué de deux balles dans la tête. La fille du couple, Anne, avait 16 ans et Benoit le plus jeune fils 13 ans. Anne a reçu deux balles dans la tête tandis que Benoît a reçu trois balles dans la tête et deux dans le thorax. A-t-il tenté de se défendre ?

Xavier Dupont de Ligonnès a un autre fils, absent de Nantes, Thomas. Le 5 avril à 23h45, il le ramène avec lui à la maison. Il avait 18 ans. Il aurait été tué en dernier. Il a reçu deux balles dans la tête et une balle dans le thorax. Les victimes ont toutes été tuées à l'aide d'une carabine 22 Long Rifle équipée d'un silencieux. Les deux chiens du couple Dupont de Ligonnès, des labradors, ont également été tués par balles.

Agnès Dupont de Ligonnès, épouse de Xavier et mère des enfants, a 48 ans au moment du drame. Elle occupe un travail à temps partiel dans une école tandis que son aîné Arthur a un travail à temps partiel dans une pizzeria. Agnès a reçu deux balles dans la tête.

Il existe de nombreuses similitudes entre l'Affaire John List et la tuerie de Nantes, et plusieurs coïncidences, ce qui n'en est pas moins étrange. Autour de John List, il y a des références religieuses, la lettre au pasteur, le devenir de ses proches dans l'au-delà. Interrogé en 2002 sur ses motivations, List a notamment "souligné la croyance qu'il souhaitait que sa famille fasse un voyage paisible et rapide au paradis*". Quant à la tuerie de Nantes, les références religieuses y sont présentes à plusieurs occasions et des objets religieux accompagnaient chaque corps retrouvé enterré. Les courriers aux écoles des enfants font aussi partie du scénario.

Une nouvelle vie

Alors que John List a repris sa vie d'avant pendant 18 ans, Jean-Claude Romand, lui, s'était déjà inventé une autre vie. En tout état de cause, il a lui aussi été arrêté.

Si Xavier Dupont de Ligonnès, présumé innocent, est l'auteur des assassinats de Nantes en avril 2011, et qu'il s'est inspiré de ceux perpétrés en 1971 et 1993, pourquoi n'aurait-il pas copié jusqu'au bout la vie de John List ? List avait réussi à retarder la découverte des corps d'environ un mois. Dupont de Ligonnès de près de deux semaines.  

S'il est toujours vivant depuis sa fuite en 2011, et après toutes ces années de cavale, Xavier Dupont de Ligonnès, connu pour avoir une aisance verbale et un sourire commercial, pourrait fort bien vivre de nouveau en couple, avoir un enfant et travailler pour une entreprise de Télécom. Avec comme nouveau nom Robert ?

Sources

Wikipédia, Wikipedia EN, https://abcnews.go.com/2020/story?id=132646&page=1, compilation personnelle, *https://www.historic-newspapers.com/blog/the-list-murders/, https://www.leparisien.fr/faits-divers/xavier-de-ligonnes-a-contacte-au-moins-quatre-anciennes-amies-avant-les-meurtres-23-12-2011-1781331.php?ts=1634660891195, https://www.parismatch.com, Photos : recadrages d'images largement reprises.

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